Intervention de Éric Besson

Réunion du 5 mai 2011 à 9h00
Politique énergétique de la france — Rejet d'une proposition de résolution

Éric Besson, ministre :

Le troisième axe porte sur notre politique nucléaire, qui a été largement évoquée. Elle est, je crois, responsable et ambitieuse. Il s’agit là d’un pilier fort, maîtrisé et reconnu.

Ce choix du nucléaire, confirmé depuis près de cinquante ans par tous les gouvernements successifs, a été motivé par nos besoins en matière tant de sécurité d’approvisionnement que de compétitivité. Il est aujourd’hui renforcé dans la mesure où il s’agit de la production d’une électricité décarbonée.

Le Président de la République a eu l’occasion de le rappeler mardi dernier lors de son déplacement à la centrale de Gravelines. Nous n’avons eu de cesse d’accompagner ce choix d’une amélioration continue en matière de sûreté nucléaire et de transparence.

Je vous rappelle que le Parlement a voté en 2006 deux lois très importantes sur le nucléaire : la loi relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire et la loi de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs. Le Gouvernement a veillé à la mise en œuvre de ces deux lois, avec la publication de plus d’une vingtaine de textes réglementaires.

Nous disposons de l’Autorité de sûreté nucléaire, l’ASN, dont les compétences et l’indépendance sont reconnues dans le monde entier, et du Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire. Le Gouvernement a veillé à ce que cette dernière instance soit impliquée dans les audits qui seront réalisés après la catastrophe de Fukushima.

Monsieur Danglot, vous avez parlé de désengagement de l’État. C’est bien tout le contraire que nous avons fait, que nous faisons et que nous continuerons de faire !

Le Conseil de politique nucléaire, qui n’avait pas été saisi depuis 1997, l’a été cinq fois par le Président de la République. Par les décisions qui y ont été prises, ces réunions ont signifié sans ambiguïté un retour et un renforcement de l’État dans la politique nucléaire.

Nous consacrons par ailleurs, dans le cadre du grand emprunt, 1 milliard d’euros à la recherche dans le domaine nucléaire, dont 650 millions d'euros pour un prototype de réacteur dit de quatrième génération.

Nous répondons aux interrogations soulevées par l’accident très grave survenu au Japon en mettant en œuvre des audits de sûreté sur notre parc, en pleine transparence et sous la responsabilité de l’ASN.

Mesdames, messieurs les sénateurs, voilà le cadre général de déploiement de notre politique de l’énergie et l’articulation cohérente entre les trois axes sur lesquels le Gouvernement concentre ses efforts. J’ajoute que nos choix domestiques sont solidement relayés à l’échelle européenne et internationale.

Je voudrais maintenant répondre de façon plus détaillée aux différents intervenants.

Monsieur Danglot, vous avez souligné qu’il fallait une action forte à l’échelon international, européen, mais aussi national. Mais nous le faisons déjà ! J’aurai sans doute l’occasion d’y revenir lors de prochaines auditions devant la Haute Assemblée.

Madame Schurch, vous avez à juste titre insisté sur l’importance de la formation et des compétences dans le domaine du nucléaire. C’est vrai à l’échelon national comme à l’échelon international. Nous sommes nombreux à affirmer qu’aucun pays ne devrait pouvoir se doter d’une industrie nucléaire sans avoir préalablement formé ses salariés, qu’ils soient agents ou cadres, au pilotage nucléaire. C’est l’une des raisons pour lesquelles le Président de la République, s’exprimant sur ce point avant-hier, a déclaré qu’il refusait tout moratoire. En effet, l’investissement et la formation dans le nucléaire sont des préoccupations constantes qui ne peuvent faire l’objet d’une suspension, sauf à les fragiliser.

En revanche, madame la sénatrice, vous vous êtes trompée lorsque vous avez évoqué le nombre de diplômés issus des formations nucléaires : ils sont bien 600, et non 300. Je rappelle, par ailleurs, que nous avons créé l’Institut international de l’énergie nucléaire et que nous allons prochainement installer le Comité stratégique de l’énergie nucléaire, qui sera compétent sur les questions que vous avez soulevées.

Monsieur Beaumont, je partage les préoccupations que vous avez exprimées dans votre intervention, qui était tout à fait pertinente. Vous avez fort opportunément rappelé que nous n’avions pas attendu l’accident de Fukushima pour nous préoccuper de la sûreté nucléaire. Dans le même temps, nous tiendrons compte du retour d’expérience de cet événement.

Il va de soi qu’EDF intégrera dans les projets de l’EPR les conclusions des audits qui seront menés. Nous n’arrêterons pas le chantier de Flamanville, mais ce site ne sera pas exonéré de l’audit post-Fukushima et les recommandations qui seront éventuellement formulées seront intégrées.

Le projet de Penly n’est pas arrêté, contrairement à ce qui a pu être suggéré hier. Le dossier est en cours d’élaboration et sera soumis à l’enquête publique, dès lors qu’il sera complet. À quelle date ? Cela relève à la fois d’EDF et de l’ASN.

Nous espérons, en revanche, que l’entrée en activité de l’EPR de Flamanville aura lieu en 2014.

Pour ce qui concerne un éventuel nouveau réacteur dans la vallée du Rhône, par exemple sur le site du Tricastin que vous avez cité, cette question n’est pas pour l’instant à l’ordre du jour, même si le dernier conseil de politique nucléaire avait conclu à l’intérêt d’étudier l’opportunité de construire en France un réacteur dit de moyenne puissance ATMEA. Nous allons réfléchir à cette possibilité.

Pour l’instant, il n’y a pas d’autre nouvelle construction envisagée. Un tel projet relèverait de l’élaboration de la prochaine programmation pluriannuelle des investissements de production électrique, qui sera préparée par le gouvernement actuel et arrêtée par le prochain gouvernement.

Sur le démantèlement de réacteurs nucléaires, je tiens à apporter une légère nuance : notre expertise n’est pas aussi limitée que vous le dites. Vous êtes bien placé pour savoir qu’à Marcoule, à Pierrelatte, nous sommes en train de réaliser des démantèlements très importants, mais j’ai bien retenu votre suggestion pour aller plus loin, notamment en Bourgogne. Nous regarderons cela ensemble.

Monsieur Deneux, vous avez fait une intervention que j’ai trouvée, elle aussi, très intéressante. Je vous sais gré d’avoir notamment dit très clairement qu’il n’y a pas de lien entre l’âge d’une centrale qui, par hypothèse, aurait atteint vingt-cinq ou trente ans, et le nombre d’incidents qui peuvent s’y produire. Je le rappelle, et il faut insister sur ce point, la référence à cette durée de trente ans relève plus d’une question d’amortissement financier que d’espérance de vie proprement dite. Vous savez, de plus, que chaque centrale, à l’occasion des travaux requis par la garantie décennale, bénéficie du retour d’expérience de toutes les autres. Aussi, sans provocation aucune, il peut être affirmé qu’une centrale de vingt, vingt-cinq ou trente ans est presque plus sûre qu’elle ne l’était à sa mise en route, car elle a bénéficié de travaux.

L’audit sur les installations nucléaires, qui devra être transparent, portera sur cinq points : les risques d’inondation et de submersion marines, les risques sismiques, la perte des alimentations électriques, la perte des systèmes de refroidissement et la gestion opérationnelle des situations accidentelles majeures.

Le Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire contribuera à toutes les étapes de cet audit. Il est présidé par le sénateur honoraire Henri Revol et accueille en son sein deux députés et deux sénateurs, ce qui permettra d’associer étroitement le Parlement à cette démarche. Les conclusions de cet audit seront rendues publiques et feront l’objet d’une large discussion.

Je ne m’attarderai pas sur la filière industrielle des énergies renouvelables. Vous avez évoqué la nécessité de créer une telle filière. Un instrument a été spécialement créé à cet effet dans le cadre des comités stratégiques de filières industrielles : il s’agit du Comité stratégique des éco-industries, COSEI, que nous installerons, avec ma collègue Nathalie Kosciusko-Morizet, dans le courant du mois de juin. Il devra travailler sur les perspectives des différentes filières vertes.

Monsieur Raoul, vous avez parlé de « double peine ». Pour ma part, je suis toujours surpris lorsqu’on utilise ce type d’expression ou d’image en dehors de son contexte.

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