Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs années, l’activité de distribution de la presse se dégrade et connaît de nombreuses difficultés. En particulier, les finances sont structurellement déficitaires. Cette situation fait craindre le pire pour le respect de la diversité et de la liberté de la presse !
Le déficit financier est particulièrement important pour la presse quotidienne nationale, car il résulte essentiellement de coûts spécifiques liés au travail de nuit, au fait que les emplois relèvent de la convention collective des ouvriers du livre ou à la desserte de l’ensemble du territoire. Mais la filière de distribution des autres publications connaît, elle aussi, la crise.
La dramatique accélération de la baisse des ventes de presse contribue chaque année davantage à l’aggravation de cette situation. Dès lors, la distribution de la presse doit relever de nombreux défis.
Pour tenter de retrouver une meilleure santé budgétaire, elle doit gérer des déséquilibres industriels majeurs. Ces derniers sont de plus en plus exacerbés et mettent en danger le secteur tout entier. Tous les acteurs de la chaîne de la distribution, des kiosquiers aux messageries de presse, connaissent des difficultés matérielles considérables.
Comme nous l’avons tous rappelé à l’occasion de la discussion des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative au prix du livre numérique, que nous avons adoptées, la révolution numérique est un facteur aggravant qui touche non seulement l’image et la musique, mais aussi l’écrit.
L’essor exponentiel des abonnements à la presse en ligne, consultable sur tablettes digitales, modifie considérablement le rapport à l’acte d’achat. Dans les années à venir, c’est le défi principal auquel sera confronté le secteur de la presse.
Malgré toutes ces difficultés, le principe fondamental selon lequel chaque éditeur, quelles que soient sa taille et son influence, a l’assurance d’être distribué sur l’ensemble du territoire doit demeurer. Tous les titres, sans exception, bénéficient ainsi de garanties particulières contre le risque d’une distribution arbitraire.
Ce principe, unique au monde, a été gravé dans le marbre par le biais de l’adoption, en 1947, de la loi Bichet, dont l’esprit est de garantir le pluralisme de la presse, à travers l’impartialité de sa distribution. Cette loi constitue véritablement une « icône » de la République. Née dans un contexte particulièrement tourmenté, elle a donné lieu à des débats parlementaires très animés. Elle est devenue, depuis plus de soixante ans, le socle du dispositif organisant la distribution de la presse en France.
Le Conseil supérieur des messageries de presse, chargé d’assurer le respect de ces garanties, a vu ses missions s’élargir, au fil du temps, jusqu’à se voir attribuer le rôle d’organe de régulation pour l’ensemble des sujets se rattachant à la distribution de la presse.
Malheureusement, pour des raisons historiques tenant notamment à ses compétences et à sa composition, le CSMP ne bénéficiait plus d’une confiance suffisante des acteurs, et il était dès lors devenu indispensable de le faire évoluer.
M. Bruno Lasserre, président de l’Autorité de la concurrence, a, dans son rapport au Gouvernement de mai 2009 sur la réforme du CSMP, mis en exergue l’opacité de certaines procédures en matière de régulation du secteur de la distribution de la presse en France. Il a en conséquence proposé la création, par la loi, d’une autorité publique indépendante qui se substituerait à l’actuel CSMP.
Un autre choix a toutefois été fait : celui de faire confiance au CSMP et à l’autorégulation, tout en créant une autorité indépendante à laquelle il viendrait s’adosser, cette dernière n’intervenant qu’en dernier ressort.
La proposition de loi que nous examinons ce soir vise ainsi à moderniser les mécanismes de régulation du secteur de la distribution de la presse.
Je tiens à remercier M. le président de la commission et M. le rapporteur pour la qualité de leur réflexion et pour les améliorations qu’ils ont apportées au texte en commission, en vue de le rendre encore plus consensuel. Je remercie particulièrement M. Legendre d’avoir pris l’initiative de présenter cette proposition de loi.
Nous devrions ainsi réussir à refondre la gouvernance du système de distribution, sans toucher aux principes fondamentaux qui régissent le système coopératif de distribution.
Désormais, la régulation sera bicéphale. D’un côté, le CSMP, doté de la personnalité morale, aura le caractère d’instance professionnelle ; ainsi, les professionnels seront directement associés à l’élaboration des règles et à la gouvernance du secteur. De l’autre, l’Autorité de régulation de la distribution de la presse se verra attribuer le pouvoir d’arbitrer les différends entre acteurs du secteur en cas d’échec du règlement amiable devant le CSMP. Elle aura également le pouvoir de conférer un caractère exécutoire aux décisions de portée générale prises par ce dernier. Le cas échéant, elle pourra adresser des recommandations sur les modifications à apporter à ces décisions.
L’ARDP se voit donc reconnaître, au-delà du règlement des différends, des prérogatives clarifiées, propres à lui permettre d’encadrer effectivement l’activité normative du CSMP.
La définition claire du rôle de ces deux organes de régulation permettra un meilleur respect des principes d’indépendance et d’impartialité. La proposition de loi prévoit de leur donner le rôle de « garants du respect des principes de solidarité coopérative et des équilibres économiques du système collectif de distribution de la presse ».
Ce texte est donc très important pour l’avenir du secteur, dont la gouvernance est obsolète. Les professionnels sont unanimes sur ce point, et les conclusions des travaux menés par les états généraux de la presse ou par M. Bruno Lasserre établissent le même constat. Les circuits sont trop lourds et le contentieux en pleine expansion. Ce texte, qui tend à réformer la loi sans toucher à ses principes fondamentaux, est donc très attendu ; nul doute qu’il sera bénéfique pour tout un secteur, celui du quatrième pouvoir, garant du bon fonctionnement de notre démocratie.
Dans ces conditions, l’ensemble des membres du groupe du RDSE voteront en faveur de l’adoption de cette proposition de loi.