Intervention de Catherine Dumas

Réunion du 5 mai 2011 à 22h15
Régulation du système de distribution de la presse — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Catherine DumasCatherine Dumas :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la baisse de la diffusion, la hausse des coûts de fabrication, le déficit chronique d’un certain nombre de titres, le recul du nombre de points de vente sont autant de signes d’une crise profonde de la presse écrite en France. S’y ajoute un facteur structurel d’envergure : l’émergence de nouvelles technologies, en passe de bouleverser à la fois l’économie des médias et leur mode d’organisation.

Pour faire face à ces évolutions, la presse doit s’adapter. L’enjeu est d’une extrême importance, car il faut noter que la presse, nécessaire à la liberté d’expression et dont le rôle est déterminant dans la construction de l’opinion publique, n’est pas un produit comme un autre. Il y va autant de la sauvegarde d’un secteur économique que de la préservation d’un élément inhérent à la démocratie.

Les états généraux de la presse écrite, voulus par le Président de la République, ont réuni pour la première fois, en octobre 2008, l’ensemble des acteurs concernés. Organisés autour de plusieurs pôles de réflexion, ils ont permis de poser un diagnostic partagé et de formuler des recommandations pour favoriser l’adaptation de la presse à son nouvel environnement.

Le Livre vert issu des travaux des états généraux, ainsi que, par la suite, les rapports de MM. Lasserre et Mettling, ont traité des problèmes spécifiques à la distribution de la presse.

Le réseau de distribution joue un rôle stratégique pour les éditeurs français : assurant le lien entre l’imprimerie et le lecteur, il lui appartient d’acheminer et d’exposer dans les meilleures conditions un produit éminemment périssable. Il faut que tous les titres bénéficient de garanties particulières contre le risque d’une distribution arbitraire.

Le législateur de la période d’après-guerre a prévu que ces garanties seraient apportées par un organisme d’autorégulation, le Conseil supérieur des messageries de presse, créé par la loi Bichet, qui a énoncé les grands principes régissant aujourd’hui encore le système de distribution français.

Tous les acteurs sont attachés à la loi Bichet, mais ils s’accordent également pour dire que celle-ci a doté le CSMP de prérogatives insuffisantes. Certes, depuis quelques années, le CSMP fait preuve d’une plus grande activité de conciliation entre acteurs de la distribution. Il a établi des règles de bonne conduite et créé divers groupes de travail sur les enjeux majeurs pour le réseau de distribution. Cependant, ses moyens juridiques restent manifestement insuffisants pour régler les différends et remédier aux déséquilibres actuels du réseau : encombrement des linéaires, multiplication des invendus, rémunération insuffisante des diffuseurs de presse, réduction du nombre des points de vente.

De ce fait, l’Autorité de la concurrence est régulièrement saisie par de nombreux acteurs du système de la distribution de la presse, afin de trouver des solutions à des litiges dont les enjeux ne sont pas exclusivement concurrentiels. Cette situation n’est pas satisfaisante.

Je me réjouis donc que la présente proposition de loi tende à mettre en place une gouvernance nouvelle, associant les professionnels du secteur et des personnalités indépendantes au sein d’instances de régulation aux missions clairement définies. Comme l’a souligné M. le rapporteur en commission, il s’agit uniquement d’une réforme de la gouvernance, ne portant aucunement atteinte aux autres dispositions de la loi Bichet.

La proposition de loi a retenu un système bicéphale.

Il reviendra au CSMP, remanié dans sa composition pour intégrer les divers représentants de la profession, d’élaborer des normes. Il proposera également une solution amiable à tout différend.

Par ailleurs, est créée une deuxième instance, l’Autorité de régulation de la distribution de la presse, qui sera compétente en matière de règlement des différends lorsqu’aucune solution amiable n’aura été trouvée et qui validera les normes édictées par le CSMP. Pour que son fonctionnement soit efficace, cette instance sera soumise à des règles d’incompatibilité et sera réellement indépendante du CSMP.

En commission, nous avons souscrit aux propositions de M. le rapporteur en vue d’assurer un meilleur équilibre des prérogatives entre les deux instances. Il a été notamment précisé que toutes les décisions de portée générale prises par le CSMP seront obligatoirement transmises à l’ARDP, qui sera chargée de leur donner un caractère exécutoire. Cette autorité pourra adresser des recommandations au CSMP sur les modifications à apporter à ces décisions.

M. le rapporteur David Assouline, dont je souhaite souligner l’excellent travail, a par ailleurs complété les compétences d’avis de l’ARDP, ce qui permettra de garantir l’impartialité de ceux-ci. Tel sera notamment le cas en matière de contrôle comptable sur les conditions tarifaires des sociétés coopératives de messageries de presse.

Les solutions proposées devraient donc permettre d’améliorer significativement la régulation du système de distribution, en accord avec tous les acteurs. Nous serons particulièrement attentifs à son évolution.

Je tiens enfin à remercier le président Jacques Legendre d’avoir engagé cette réforme pragmatique avec un grand sens de l’écoute. J’espère que cette proposition de loi pourra nous rassembler au-delà des clivages politiques. Comme vous l’avez très bien dit, monsieur le ministre, il s’agit ce soir d’adresser un signal fort en faveur de la culture de l’écrit !

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