« Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde » : voilà pourquoi nous proposons de reformuler l'intitulé de ce projet de loi. Cela peut paraître accessoire et superficiel ; c'est au contraire une volonté de mettre l'accent sur ce qui nous semble essentiel, à savoir l'indispensable notion de service public qui a fait la réputation de notre système universitaire à travers les siècles comme à travers le monde.
Accepter une telle dénomination ne pourra que contribuer à rassurer l'ensemble de la communauté universitaire sur les finalités aujourd'hui trop ambiguës de ce texte.
Réaffirmer la place du service public dès l'intitulé, dès l'entrée en matière, c'est réaffirmer le cadre national de l'université française. C'est réaffirmer qu'il s'agit non pas de mettre les universités de notre pays en concurrence les unes avec les autres, mais de permettre à l'ensemble des universités de notre territoire de rivaliser avec celles des autres nations.
Réaffirmer le rôle du service public dans le titre même de la future loi, c'est une façon de confirmer qu'il n'y aura pas d'universités à plusieurs vitesses, que toutes disposeront des moyens de l'État pour mener à bien l'ensemble de leurs missions et qu'il n'est pas question pour l'État de se désengager.
On ne peut pas faire de l'enseignement supérieur et de la recherche une priorité nationale sans redonner un nouvel élan et un nouveau souffle au service public que doit rester l'université. C'est la condition même d'une recherche performante et d'un enseignement supérieur de la réussite pour le plus grand nombre.
Il n'y a pas de recherche sans chercheurs. Et c'est bien le rôle du service public ! Lui seul peut permettre de répondre à ces défis pour que la France reste dans le peloton de tête de l'innovation.
Par ailleurs, l'intitulé actuel du projet de loi évoque les « libertés » des universités. Or notre service public prend sa source dans la devise de la République française : « Liberté, Égalité, Fraternité ». Je voudrais attirer votre attention sur un point : cette devise comporte une contradiction interne. La liberté seule nuit à l'égalité et imposer l'égalité nuit à la liberté. Seul le troisième terme, la fraternité, permet la dialectique de l'ensemble.
La fraternité - à notre époque, on évoquerait plutôt la « solidarité » - permet de réintroduire de l'humanité, de la souplesse, ce dont nous avons tant besoin face à des critères parfois trop exclusivement économiques ou comptables qui passent souvent à côté de l'essentiel.
La solidarité s'identifie au service public et permet l'élan collectif. Elle est un facteur politique nécessaire pour redonner tout son sens à l'intérêt général, qui, une fois qu'il est bien compris par chacun, permet de relever les grands défis.
En résumé, avec cet amendement, qui vise à intituler ce texte législatif « Projet de loi portant organisation du service public des universités », il s'agit non seulement de proposer plus, mais également de proposer mieux.