Tout d'abord, je tiens à saluer la qualité des débats que nous avons eus depuis le début de l'examen de ce projet de loi en séance publique. Je ne reviens pas sur le travail en amont, en commission.
Nous voilà donc au terme d'un débat au cours duquel nous nous sommes longuement exprimés. Nous avons ainsi pu dénoncer les principaux points d'achoppements, ainsi que la méthode, contestable à nos yeux, employée par le Gouvernement pour réformer l'université. Au final, les véritables priorités sont mises entre parenthèses, qu'il s'agisse des conditions de vie et d'études, de la lutte contre l'échec, de l'insertion, du rapprochement de la recherche et de l'enseignement et, surtout, de l'absence, dans l'immédiat, de moyens pour financer les urgences et les transferts de compétences prévus dans ce projet de loi.
Madame la ministre, mes chers collègues, vous le saviez déjà, le groupe socialiste ne pouvait donc approuver ce texte. Néanmoins, nous étions prêts à faire preuve de bienveillance et à nous abstenir lors du vote final. Encore aurait-il fallu pour cela que le Sénat accepte certains de nos amendements visant à corriger les dispositions à nos yeux les plus pernicieuses.
Hélas ! le Gouvernement et la majorité sénatoriale n'ont pas su ou pas pu faire les pas nécessaires dans notre direction.
Certes, quelques apports de notre groupe figurent dans la version que le Sénat s'apprête à adopter. À ce titre, je me réjouis que la Haute Assemblée ait accédé à notre souhait de faire élire, au sein du conseil des études et de la vie universitaire, un vice-président étudiant ou qu'elle ait retenu notre proposition de créer, dans chaque université, un « bureau d'aide à l'insertion professionnelle des étudiants ».
Ces dispositions s'inscrivent dans la ligne d'une politique d'amélioration des conditions d'études et sont de nature à favoriser l'insertion que nous avons réclamée vivement.
En revanche, et je ne peux que le déplorer, les deux points qui nous tenaient le plus à coeur n'ont reçu aucun écho favorable auprès du Gouvernement et de sa majorité.
Il s'agit, d'une part, de la nécessité de remettre à plat la dotation globale de fonctionnement dans les cinq prochaines années. À cette fin, nous avons proposé le principe d'un rapport d'audit sur les critères prévalant pour l'attribution de cette dotation aux établissements d'enseignement supérieur.
Malgré un sous-amendement de la commission, le Gouvernement et sa majorité préfèrent maintenir pour le moment la norme San Remo, ce qui va conduire à transférer un certain nombre d'inégalités.
Il s'agit, d'autre part, d'un point tout à fait primordial, évoqué d'ailleurs à l'instant par mon collègue Daniel Raoul, point sur lequel nous avons présenté de nombreux amendements : je veux parler de la limitation de la possibilité d'embauche de contractuels pour assumer des fonctions d'enseignant-chercheur.
Le pas fait en notre direction par le Gouvernement et la majorité sénatoriale est décidément trop modeste ! Dans un premier temps, en effet, l'adoption d'un de nos amendements a permis de lier le président à l'avis du comité de sélection pour embaucher des enseignants-chercheurs contractuels : le président n'aurait donc pas pu aller contre un avis défavorable de cette instance.
Puis, dans un deuxième temps, à l'issue de l'examen du projet de loi, le Gouvernement a demandé une seconde délibération sur l'amendement pour faire revenir sa majorité sur cette avancée.
Par ailleurs, nous souhaitions limiter strictement le pourcentage de la masse salariale globale pouvant être consacré par un établissement au recrutement d'agents contractuels. Nous proposions donc l'intervention du pouvoir réglementaire, lequel aurait fixé un taux s'appliquant à tous les établissements ou à tous ceux qui répondaient aux mêmes critères.
Au lieu de cela, et après des heures de tractations avec le Gouvernement, nous avons seulement obtenu qu'une simple mention de cette limitation figure dans les contrats pluriannuels d'établissement. Autant dire que notre dispositif se trouve réduit à néant, puisque le pourcentage maximum de contractuels dans la masse salariale sera négocié, au cas par cas, entre l'État et chaque établissement. Ce dernier pourra donc demander à faire figurer dans le contrat le taux qui lui conviendra.
Cette question de la limitation de la possibilité de recrutement de contractuels est pourtant absolument essentielle. Nous l'avons déjà dit, ce type de recrutement, s'il se généralise, va porter atteinte aux trois principes suivants : le recrutement par concours, l'indépendance des professeurs, et donc la neutralité des enseignements, et, enfin, le statut des enseignants-chercheurs. Espérons au moins qu'il ne conduira pas, par ailleurs, à des embauches au rabais et à des conditions de travail extrêmement précaires pour les agents concernés.
Madame la ministre, vous l'aurez compris, les sénateurs du groupe socialiste, au vu de l'absence d'ouverture suffisante envers l'opposition qui a prévalu au cours de ce débat, vont devoir se prononcer contre ce projet de loi.
Cette opposition ne constitue pas une fin de non-recevoir définitive ; peut-être la navette permettra-t-elle d'avancer sur les questions qui nous tiennent le plus à coeur ? C'est en tout cas ce que nous souhaitons vraiment. Rendez-vous donc à la fin du mois !