Madame la ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi ne nous paraît pas recevable, et ce pour trois grandes raisons.
La première est liée à la démocratie.
En confiant la gouvernance de l'université au président et au conseil d'administration et à eux seuls, vous écartez, de fait, le conseil scientifique et le conseil des études et de la vie universitaire de la gestion des établissements.
En vous attaquant au mode de gestion collégiale et démocratique dans le but, nous dites-vous, de « gagner en efficacité », vous fragilisez l'université, qui, pour aller de l'avant, a besoin de la mobilisation de chacun de ses membres.
En concentrant les pouvoirs dans les mains, au mieux, d'une trentaine de personnes, vous ne créez pas les conditions nécessaires à l'adhésion des personnels et des étudiants au projet d'établissement.
En modifiant le mode d'élection du président et les critères d'éligibilité de celui qui devrait être le premier représentant des personnels et des usagers de l'université, vous affaiblissez sa légitimité. Et en resserrant à outrance le conseil d'administration, tout en étendant ses champs de compétences, vous prenez le risque de voir ses décisions contestées.
La deuxième raison est liée aux personnels.
Les recrutements d'agents contractuels pour des postes permanents sont lourds de menaces pour l'unité du service public des universités, d'autant qu'ils interviennent dans un contexte de baisse des effectifs de la fonction publique d'État menée à marche forcée. En fait, le Gouvernement consacre dans ce texte le recours aux emplois précaires au sein des établissements d'enseignement supérieur et de recherche.
La mise en place de comités de sélection désignés par le conseil d'administration remet en cause la légitimité scientifique des processus de recrutement. En l'absence de proposition alternative unanimement admise par la communauté scientifique, il était préférable de maintenir les commissions de spécialistes, plus à même d'apprécier objectivement les qualités universitaires des candidats.
La troisième raison est liée au rôle de l'État.
Le projet de loi ne comporte aucune disposition garantissant la pérennité du soutien financier de l'État aux universités. À l'inverse, celles-ci sont fortement incitées à se tourner vers le secteur privé, voire à aliéner une partie de leur patrimoine pour disposer de fonds propres. Le risque d'un désengagement de l'État se concrétise encore un peu plus, alors même que des mesures d'urgence devraient être prises dès cette année. À cet égard, il faudrait adopter un collectif budgétaire d'au moins 600 millions d'euros.
Cela étant, malgré des conditions d'examen difficiles pour tous, à commencer par nos collaborateurs de la commission des affaires culturelles que je tiens à remercier et à féliciter pour leur vaillance, nous avons décidé d'adopter une attitude éminemment constructive, en présentant une bonne vingtaine d'amendements.
Nous déplorons que nos propositions n'aient pas été retenues, alors même qu'elles s'appuyaient sur les différentes remarques, réflexions et conclusions formulées dans le cadre, d'une part, des états généraux de la recherche et de l'enseignement supérieur, qui se sont tenus en 2004, et, d'autre part, des assises nationales, qui ont lieu actuellement.
Madame la ministre, notre vote négatif n'est en rien une approbation du statu quo, bien au contraire. Selon nous, si l'autonomie des établissements d'enseignement supérieur et de recherche est effectivement nécessaire, elle doit s'inscrire dans un cadre national bien défini et respecter les principes de collégialité et d'indépendance des enseignants-chercheurs.
Sur ces trois points, le projet de loi n'offre aucune garantie. À l'inverse, il nous semble porteur de menaces pour l'avenir du service public des universités. C'est pourquoi nous ne pouvons l'accepter et demandons un vote par scrutin public.