Intervention de Gérard Le Cam

Réunion du 12 octobre 2006 à 9h30
Secteur de l'énergie — Articles additionnels avant le titre ier

Photo de Gérard Le CamGérard Le Cam :

Ce qui s'est passé depuis quelques années en France, mais aussi dans d'autres pays d'Europe, montre que nous faisons fausse route en poursuivant l'ouverture à la concurrence et la privatisation du secteur énergétique. Il est temps de nous ressaisir !

En effet, chacun a en tête les augmentations considérables du prix de l'électricité subies par les entreprises ayant choisi la prétendue tarification libre qui, finalement, s'apparente à une tarification d'usurier. Le piège de la liberté du renard dans le poulailler s'est refermé sur elles. Elles ne peuvent que subir des hausses incessantes ou disparaître : vive la concurrence libre et non faussée ! Elles en paient aujourd'hui le prix fort et leurs salariés sont les premières victimes de cette libéralisation.

Toujours en France, nous savons tous que, depuis l'ouverture du capital d'EDF, il est souvent arrivé que cette entreprise, pendant certaines périodes de l'année, soit dans l'obligation d'acheter à prix fort l'électricité qu'elle ne produit plus.

Enfin, chaque citoyen peut mesurer sur ses factures de gaz que les prix ont flambé. Sur cet aspect, qu'on ne vienne pas nous dire que c'est uniquement à cause du prix du pétrole et du dollar !

Je rappellerai que, au cours de la même période, les profits de GDF ont augmenté. Il faut bien rétribuer les investisseurs, bien sûr, mais il convient aussi de dire qu'une part des augmentations subies par nos concitoyens a servi à rémunérer les actionnaires de GDF. Ainsi, pour l'année 2005, les dividendes qui leur ont été versés ont augmenté de 60 % !

Nous ne mesurons pas non plus combien cette libéralisation est porteuse d'interrogations quant aux investissements à venir, tant en termes de structures que d'installations de production et de distribution, et quant à la gestion des ressources humaines, salaires et salariés devenant des variables fluctuantes.

Si nous demandons la suspension de la transposition des directives relatives à l'ouverture à la concurrence et à l'institution de règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et du gaz naturel, nous n'avons pas en tête la situation de notre seul pays.

Je pense également à l'expérience allemande. En 1998, l'Allemagne a été le premier pays de l'Union à libéraliser à 100 % son marché de l'électricité et du gaz. Aujourd'hui, deux grandes compagnies produisent et transportent 80 % de l'énergie consommée.

Avant la libéralisation, de multiples fournisseurs disposaient d'un monopole dans chaque localité. Beaucoup étaient des régies municipales ; elles ont aujourd'hui disparu. La loi allemande permet désormais à qui le souhaite de vendre du courant électrique aux particuliers comme aux industriels, et les entreprises qui disposent du réseau de distribution sont dans l'obligation de le louer. Mais, d'un réseau à l'autre, le prix de l'accès varie et les entreprises gestionnaires de réseaux peuvent, en fait, choisir leurs clients.

Huit ans après la libéralisation complète en Allemagne, ce pays connaît de graves difficultés dans ces secteurs d'activité. L'exemple de la libéralisation qui y est observé doit nous conduire à la plus grande prudence, voire à la plus grande méfiance.

Faute de vous convaincre, mes chers collègues, de ne pas voter ce projet de loi, décidons ensemble de n'avancer plus loin dans ce processus de libéralisation qu'après avoir réellement mesuré ses répercussions. C'est pourquoi nous vous proposons de suspendre la transposition des directives relatives à l'ouverture à la concurrence du marché de l'énergie et de demander que cette suspension s'applique à tous les pays de l'Union.

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