Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, s'il est un point sur lequel vous avez raison, c'est le suivant : l'Europe ne possède pas de marche arrière ! Elle ressemble un peu à un véhicule qui pourrait avancer, éventuellement débrayer, mais non reculer. C'est sans doute ce fonctionnement peu démocratique qui a irrité des millions de Français...
En ce qui concerne l'amendement n° 205, si nous avons précédemment proposé un moratoire sur l'application des directives européennes relatives à la libéralisation des marchés de l'électricité et du gaz naturel ou une suspension de leur transposition, si par ailleurs nous avons demandé la mise en oeuvre d'une clause de réversibilité pour toutes les directives européennes, existantes et à venir, dans tous les domaines, ce n'est pas, bien entendu, parce que nous sommes partisans du statu quo ; si nous voulons un bilan complet et sérieux des conséquences de cette libéralisation, c'est pour pouvoir en modifier le cours.
C'est pourquoi nous proposons, par ce nouvel amendement, que la France demande d'ores et déjà la renégociation des directives européennes impliquant l'ouverture à la concurrence du secteur de l'énergie.
Nous avons déjà eu l'occasion à plusieurs reprises, dans cet hémicycle, de dénoncer l'idéologie libérale qui sévit au sein des institutions communautaires. Dans cette critique, nous ne nous sentons pas du tout isolés : j'en veux pour preuve le vote des Français contre le traité constitutionnel européen, le 29 mai 2005.
À cette occasion, c'est aussi la logique libérale que notre peuple a rejetée. Elle applique les mêmes recettes à tout un ensemble de secteurs économiques - le transport ferroviaire, le transport aérien, les activités postales, l'énergie. Une preuve du caractère idéologique du processus de déréglementation auquel sont soumis tous ces secteurs tient précisément au parallélisme des décisions prises pour des domaines économiques très différents, par exemple la poste, qui est une activité de main-d'oeuvre, aux économies d'échelle peu développées, et le secteur énergétique, où les enjeux en matière de sécurité, d'environnement, de santé publique sont très importants !
Le processus se déroule de la manière suivante.
Tout d'abord, les entreprises publiques sont mises en accusation, on se répand partout sur la prétendue gestion calamiteuse de leur budget, sur leurs sureffectifs supposés, sur leur absence de modernité, et j'en passe...
Parallèlement, on décide de comprimer les effectifs, on impose des critères de gestion qui ne peuvent qu'amener une dégradation des performances de ces entreprises, ce qui les rend impopulaires aux yeux de l'opinion.
Dans le même temps, on vante les mérites du marché, qui instaurerait une saine émulation entre les acteurs du jeu économique, développerait l'esprit d'initiative et la créativité, inciterait naturellement à la modernité et à l'efficacité.
Ensuite, on intervient sur le plan législatif, en général par étapes et par secteur, pour éviter que l'opposition ne soit trop unie et trop forte. On commence ainsi par mettre en place une filialisation progressive des entreprises de transport ferroviaire, avant de procéder à un démantèlement des entreprises du secteur de l'énergie ; entre-temps, on s'occupe des entreprises postales.
On le voit, le scénario n'est guère original ! Quoi qu'il en soit, il est mis à toutes les sauces, sans que l'on se soucie de sa pertinence économique, sociale et écologique.
C'est pourquoi nous proposons, au travers de cet amendement, la renégociation à tête reposée des directives européennes impliquant l'ouverture à la concurrence du secteur énergétique, afin que l'on puisse étudier sérieusement les spécificités de ce dernier et leur compatibilité avec la mise en oeuvre des mécanismes de marché.