Intervention de Marie-Thérèse Hermange

Réunion du 12 mai 2009 à 16h00
Réforme de l'hôpital — Discussion générale

Photo de Marie-Thérèse HermangeMarie-Thérèse Hermange :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en réfléchissant à l’engagement du Président de la République et du Gouvernement en matière de réforme de l’hôpital, je me disais que nous pouvions sans doute tous partager la maxime suivante : « L’être humain a besoin d’obstacles pour parvenir au but. Ce n’est qu’ainsi qu’il peut encore rassembler ses forces alors qu’il en est incapable si ce but se présente devant lui de façon simple. »

Aujourd'hui, « parvenir au but », c’est porter un diagnostic sur un corps blessé, l’hôpital, afin de mieux prendre en charge ses blessures et fractures, avec toujours le même objectif : mieux accueillir des corps eux-mêmes blessés par la maladie.

Cela donne une étoffe particulière à votre réforme, madame la ministre. En effet, offrir une ordonnance à l’hôpital, c’est, d’une certaine façon, permettre de mieux prendre en charge le patient, donc de le saisir dans son humanité singulière. En ce sens, ce projet de loi a une dimension politique toute particulière.

Le groupe UMP considère que l’hôpital, face aux critiques aisées dont il est trop souvent la cible, n’a pas à s’excuser d’être ce qu’il est, c'est-à-dire tout simplement l’un des plus hauts lieux de la médecine du monde et l’un des derniers lieux vivants, celui vers lequel on se retourne bien souvent lorsqu’on n’a pas su ou pu aller ailleurs. Non, l’hôpital n’a pas à s’excuser de ses milliers de services et de médecins, de ses dizaines de milliers de collaborateurs ou de ses millions de consultations, d’hospitalisations et de publications !

Ce message, le groupe de l’UMP tient à l’affirmer. Ce faisant, il l’adresse à l’ensemble de la communauté hospitalière, au personnel technique comme au personnel soignant, aux directeurs d’hôpital comme aux médecins. À un titre ou à un autre, chacun doit en être remercié et peut être fier de ce qu’il donne au patient et, par là même, à la vie de l’hôpital dans le quotidien de sa mission.

Cette fierté, les hommes qui travaillent au cœur des établissements hospitaliers l’ont, car ils aiment l’hôpital. Et pourtant, ils ressentent une blessure, car ils savent que le corps même que constitue l’hôpital est blessé et fracturé.

Pour ma part, j’y vois une raison majeure. Alors que le temps de l’hôpital, celui d’y naître, d’y vivre et d’y mourir, est un temps complexe, celui-ci est bien souvent réduit à un temps de production chronométré, ami des chiffres et des statistiques. Or la technologie, si nécessaire car elle permet aussi d’accomplir de grandes premières médicales, imprime, lorsqu’elle est associée à un esprit comptable, un temps artificiel, pensé sur le registre de l’urgence, à la sphère du soin : être performant, c’est disposer de la durée moyenne de séjour, ou DMS, la plus courte. Hier, c’était avoir le point d’indice synthétique d’activité, ou point ISA, le plus bas. C’est aujourd'hui avoir la meilleure tarification à l’activité, ou T2A. C’est sortir de l’hôpital à peine l’accouchement ou l’acte chirurgical pratiqués.

C’est un temps qui contracte l’espace même de l’hôpital, créant un sentiment d’épuisement insupportable, voire d’impossibilité pour les praticiens d’exercer leur mission hospitalière conformément aux règles de l’art.

Or ces mesures quantifiables, venues d’ailleurs, si nécessaires soient-elles, constituent une langue étrangère à la mission de l’hôpital, puisqu’elles signent le retrait de l’homme de la réalité des choses ; une langue pourtant pourvue d’une mission d’autorité pour « penser, réorganiser et restructurer » l’hôpital ; une langue qui est venue jusqu’au Sénat, puisque la commission des finances m’a opposé l’article 40 de la Constitution sur un amendement tendant à promouvoir le mi-temps thérapeutique pour des internes malades, aux motifs qu’une telle mesure créerait un coût supplémentaire et que la productivité des internes serait moindre.

Comment ne pas ressentir cette blessure comme une véritable agression culturelle, puisqu’elle ne prend en compte que la carcasse des choses, évinçant de l’hôpital l’homme dans son humanité et sa complexité la plus singulière ?

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