Le texte de la commission des affaires sociales améliore fort heureusement ce volet, qui me paraît crucial pour le succès de la politique souhaitée. Il permet d’impliquer davantage la commission médicale d’établissement dans le fonctionnement des établissements et la nomination des personnels médicaux, prévoit trois vice-présidents dans les CHU et associe plus étroitement le conseil de surveillance aux orientations stratégiques. Il s’agit, me semble-t-il, d’un texte d’apaisement.
Un autre sujet de préoccupation est le statut des praticiens hospitaliers. Hormis quelques grands services, la distorsion financière avec le secteur privé, d’ailleurs quelque peu surfaite quand on connaît les charges pesant sur l’exercice d’une profession médicale, vient à bout des meilleurs serviteurs de l’État.
Pour certaines disciplines comme la chirurgie, la désaffection est déjà particulièrement grave ; elle risque de l’être aussi demain dans les établissements privés. Le recours à des médecins étrangers peut être un palliatif acceptable, à condition de s’assurer d’un niveau de compétence satisfaisant, pour ne pas risquer une « paupérisation » des soins.
Plusieurs solutions intéressantes sont avancées dans le projet de loi, notamment un nouveau statut contractuel sur lequel il conviendra, peut-être, d’apporter quelques précisions.
Les formes de coopération envisagées dans le projet de loi et la politique de restructurations hospitalières suscitent beaucoup d’inquiétudes. Certaines sont légitimes, mais le texte de la commission, qui remanie profondément les articles relatifs aux communautés hospitalières de territoire et aux groupements de coopération sanitaire, me semblent y répondre, en laissant une large part au volontariat et en levant des difficultés techniques.
Cela dit, soyons clairs : les réorganisations et les regroupements sont nécessaires. Il s’agit non pas de se diriger à marche forcée vers de grands plateaux techniques au détriment des structures de proximité, mais de bâtir un projet médical de territoire cohérent et opérationnel.
Certains jusqu’au-boutistes considèrent que la santé ne doit pas avoir de prix, et que, en matière d’équipements et de services, il faut tout ou presque tout, partout. Ils ne sont pas sérieux ! On le sait, l’insuffisance de taille critique est à la fois dangereuse pour les patients et coûteuse.
La chirurgie moderne, par exemple, nécessite une technicité avancée, des explorations de plus en plus sophistiquées pour des indications de plus en plus ciblées. Elle exige donc une formation continue des praticiens et une optimisation des équipements. Les hôpitaux locaux ne sont pas toujours à même d’offrir au patient une prise en charge adaptée et performante ; vouloir maintenir ceux-ci à tout prix, c’est instaurer une chirurgie à deux vitesses, quoi qu’on en dise !
Dans le fond, chacun le sait, proximité ne rime pas toujours avec qualité ; mais il faut sans doute introduire plus de pédagogie et de concertation dans cette politique de restructuration. Beaucoup d’élus ont tendance à considérer l’hôpital comme le cautère sur le mal du chômage dans des zones désertifiées par l’industrie. Malgré toute l’attention que ce problème mérite, l’hôpital ne saurait être l’alpha et l’oméga de la politique de l’emploi.
Le dernier point sur lequel je souhaiterais intervenir concerne l’accès aux soins et les déserts médicaux.
Il y a évidemment beaucoup à faire pour obtenir un maillage suffisant et équilibré du territoire en termes d’offre de soins. Missions de service public, schéma régional d’organisation sanitaire, ou SROS, schéma régional d’organisation médico-sociale, ou SROMS, coordination de l’offre de soins hospitalière et ambulatoire avec les agences régionales de santé et de l’autonomie, les ARSA, régionalisation du numerus clausus, contrat santé solidarité, contrat d’engagement de service public : le projet de loi contient de nombreuses dispositions qui vont dans le bon sens. Il faudra ensuite les appliquer sur le terrain.
Je me permets toutefois de mettre en garde ceux qui sont tentés par une action coercitive concernant l’installation ou le secteur 2. Cela risquerait d’aggraver la désaffection pour certaines spécialités et de geler une situation déjà inquiétante dans certains secteurs sous-médicalisés.