… à savoir le libre choix du médecin par son patient, le respect du secret professionnel, le droit à des honoraires pour tout malade soigné, le paiement à l’acte direct par l’assuré social, la liberté thérapeutique et de prescription et la liberté d’installation.
Cependant, la réforme instituant le médecin traitant et le parcours de soins, la reconnaissance de la médecine générale comme spécialité médicale et la dimension à la fois territoriale et populationnelle des politiques de santé ont ouvert, à partir de 2004, des perspectives nouvelles en termes d’organisation des soins ambulatoires.
La définition des soins de premiers recours, la reconnaissance des missions des médecins généralistes, la promotion d’actions de prévention en santé et le développement de l’éducation thérapeutique, tous sujets traités par ce projet de loi, sont de nouveaux témoins de ce processus de structuration de l’offre des soins primaires.
Cependant, madame la ministre, mes chers collègues, cette structuration ne sera pas aboutie sans une meilleure répartition territoriale des professionnels de santé libéraux que seules une adaptation de la formation et une évolution du mode d’exercice de ces derniers peuvent entraîner.
Nous cherchons à inciter ou à contraindre, plus ou moins, les médecins à exercer dans telle ou telle zone géographique, alors qu’il convient tout simplement – si je puis dire – de leur assurer des conditions adéquates pour exercer sur l’ensemble du territoire.
Les amendements présentés en commission par notre groupe proposaient d’aller en ce sens. Nous souhaitions agir sur trois axes essentiels.
Le premier était la promotion de la formation au métier de médecin généraliste de premier recours. Il est indispensable de faire connaître, au plus tôt, la médecine générale et d’en vanter les attraits à tous les étudiants engagés dans le cursus des études médicales.
Il convient aussi d’améliorer la lisibilité du métier de médecin généraliste de premier recours en organisant une véritable spécialité, dans le cadre d’une filière universitaire de médecine générale d’une durée – similaire à celle des autres filières de spécialités médicales – de quatre ans. Comment, en effet, valoriser une spécialité si on ne lui consacre que trois ans alors que l’on consacre quatre années aux autres spécialités ?
Le deuxième axe était celui de l’évolution des modalités d’exercice des professionnels de santé en médecine de ville.
Nous devons répondre à leurs aspirations, principalement à celles des plus jeunes, en mettant un terme à l’isolement, en faisant de l’exercice regroupé la nouvelle norme et en favorisant les approches pluridisciplinaires.
Selon une étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, le taux de regroupement des médecins généralistes est estimé à 39 % ; or il atteignait déjà 30 % au début des années quatre-vingt. Il a donc peu évolué, et l’exercice isolé en cabinet reste la forme la plus répandue. De plus, la pratique en groupe est essentiellement mono-spécialisée et de petite taille.
Les maisons de santé pluridisciplinaires doivent devenir une réalité, en priorité dans les zones sous-dotées médicalement.
Elles apparaissent comme le moyen d’améliorer simultanément la productivité et les conditions de travail. Ce regroupement de professionnels médicaux et paramédicaux en un même lieu permettra la prise en charge d’une demande de soins primaires en augmentation.
En termes de conditions de travail, les médecins récemment installés y voient notamment la possibilité de mieux répartir les contraintes liées à la continuité et à la permanence des soins entre les membres du regroupement, ainsi que de nouveaux challenges en termes de coordination des soins. Les médecins déjà installés y voient une occasion de trouver, à terme, des remplaçants et d’envisager une cessation progressive d’activité.
Le regroupement des médecins, principalement au sein des maisons de santé, répond également aux évolutions sociologiques des professionnels de santé. Concilier vie de famille et vie professionnelle constitue une nouvelle exigence des jeunes médecins des deux sexes, qui les conduit à appréhender différemment leur exercice professionnel et son mode d’organisation.
Le troisième point, que nous souhaitions appuyer par voie d’amendements, est celui de la rénovation du cadre de la coopération entre professionnels de santé. La modification des missions de ces derniers, le partage de leurs rôles et l’articulation de leurs interventions dans le cadre de nouvelles formes de coopération sont des enjeux majeurs pour l’avenir de notre système de santé. Cela doit conduire à une nouvelle répartition des activités ou actes existants entre les différents professionnels de santé actuels et, surtout, à la répartition d’actes émergents entre de nouveaux métiers de soin. Il s’agit concrètement de transférer de nouvelles compétences médicales vers d’autres professionnels de santé.
Le professeur Yvon Berland, président de l’Observatoire national de la démographie des professions de santé, parle de la nécessité de recentrer les médecins sur le cœur de leur métier ou encore de libérer du temps médical. Par exemple, la prise en charge du patient atteint d’une pathologie chronique ou de la personne âgée souffrant de polypathologies nécessite un suivi au long cours, des bilans médicaux réguliers et des rappels sur l’observance des traitements et l’hygiène de vie, au travers notamment de l’éducation thérapeutique. L’infirmière et le pharmacien peuvent à ce niveau se voir confier, chacun dans le cadre de ses compétences, le suivi quotidien de cette prise en charge.
Quant aux transferts de compétences vers de nouveaux métiers de soin, le rapport du professeur Berland, datant d’octobre 2003, en a identifié plusieurs, parmi lesquels je citerai les infirmières cliniciennes spécialistes, avec lesquelles pourrait être fait ce qui a déjà été fait avec les infirmières anesthésistes, les infirmières de bloc opératoire et les puéricultrices.
Ainsi des infirmières cliniciennes spécialistes de soins primaires pourraient-elles, au sein de structures pluridisciplinaires de médecine générale, prendre en charge les patients dans le cadre du conseil, de l’éducation, de la prévention, du suivi de traitements.
L’autre exemple de nouveau métier de soin que j’ai retenu est celui de coordonnateur du handicap, capable d’assurer l’encadrement polyvalent des personnes en situation de handicap.
Infirmières cliniciennes, spécialistes et coordonnateurs du handicap seraient des professionnels de niveau de formation master, un grade qui n’existe pas encore au sein des professions paramédicales.
Les trois axes que je viens de développer figurent dans le texte de ce projet de loi à doses homéopathiques. Notre groupe tentera, une nouvelle fois, lors de notre débat, de le faire évoluer.
Je n’ai noté nulle part dans cette loi une vraie question sociologique sur le temps de travail acceptable par les nouveaux médecins, sur le temps médical réel consacré à chaque patient et les répercussions évidentes de ces conséquences sur les numerus clausus à venir. À quand, madame la ministre, une réflexion sur ces sujets, qu’on ne pourra éviter d’aborder ?