Aucune, en effet !
L’Assemblée nationale et notre commission ont ajouté la prise en compte par les schémas régionaux d’organisation des soins, les SROS, aux côtés de l’exigence d’efficience, celle d’accessibilité, de maintien de tarifs « sécurité sociale », ainsi que, sur notre proposition, les temps de parcours. Mais rien qui ne soit opposable dans tout cela ! Disparaît même du texte adopté par nos collègues députés la maigre possibilité qu’avait l’agence régionale de fixer une proportion d’actes sans dépassements aux cliniques privées en situation de monopole, alors que, pour la majorité de nos concitoyens, selon le constat qui a été dressé, l’inégalité est avant tout financière. Ainsi, 32 % des Français reculent les prises de rendez-vous avec un médecin et 17 % l’excluent totalement par manque d’argent.
L’affichage des tarifs dans les salles d’attente rendu obligatoire, si tant est qu’il soit respecté, paraît bien dérisoire au regard des enjeux de santé dont ce projet de réforme prétendait se saisir.
De même, l’agence régionale de santé reste dénuée d’outils de régulation pour la médecine de ville, alors que l’agence aura à charge de coordonner les parcours de soins dont la segmentation génère des coûts supplémentaires et que toutes les mesures incitatives déjà expérimentées ont prouvé leur inefficacité.
S’agissant de la discrimination et du refus de soins, force est de constater là encore que les moyens propres à faire de l’accès aux soins une réalité sont refusés. Les pratiques, dites du testing, pourtant efficaces, car dissuasives, ont été supprimées, tandis que l’établissement de la preuve d’une discrimination ou d’un refus de soins injustifié est maintenue à charge du patient, ce qui, dans les faits et de manière certaine, met les médecins fautifs à l’abri de toute plainte.
Il est pour le moins malheureux d’être tenu de redire aujourd’hui que reconnaître un droit n’est rien s’il n’est pas assorti de moyens procéduraux pour y accéder. Prétendre vouloir lutter contre les discriminations fautives et les refus de soins injustifiés suppose de s’en donner les moyens.
Sur la forme, madame la ministre, trois raisons au moins justifiaient de remettre votre ouvrage sur le métier.
Les « amendements CHU », emblématiques d’une frénésie de réformes dont l’utilité est trop souvent démentie par la suite et, en tous cas, symptomatiques du peu de considération que le Gouvernement porte à la représentation nationale, constituent l’une des premières raisons, et non la moindre.
La deuxième raison réside dans le « saucissonnage » que vous opérez sur les questions de santé, en présentant des réformes successives, avec, notamment, l’annonce de textes distincts sur la santé mentale, la bioéthique, ou encore la santé publique.
L’ampleur que l’intitulé de votre projet de loi annonçait aurait mérité une vision d’ensemble, ce qu’un projet de loi d’orientation aurait permis.
La troisième raison tient à la réforme de la procédure législative dont votre projet fait les frais. Peut-être l’avez-vous d’ailleurs brièvement regrettée, madame la ministre !
Mais le plus grave, l’inacceptable, ce qui n’est pas négociable, se situe sur le fond de ce projet. La logique n’en est pas inversée.
Madame la ministre, vous faites constamment état de la très large concertation qui a précédé le dépôt du projet de loi. Vous arguez de votre volonté de « préserver et renforcer les valeurs de service public », celles « qui fondent notre système de santé » ; vos discours résonnent de « démocratie sanitaire », de « principes de qualité, de solidarité et de justice ».
Mes chers collègues, laisserons-nous disparaître les principes fondamentaux et les mécanismes de solidarité que l’État abandonne sous nos yeux ? Accepterons-nous d’être les fossoyeurs du service public hospitalier §reconnu par ailleurs comme étant l’un des meilleurs au monde, mais qui ne rapporte pas, ou pas assez d’argent ?