Intervention de Alain Fouché

Réunion du 12 mai 2009 à 21h30
Réforme de l'hôpital — Discussion générale

Photo de Alain FouchéAlain Fouché :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre système de santé – que je ne me hasarderai pas, contrairement à M. Desessard, à comparer au système de santé des États-Unis, qui a vingt ans de retard par rapport au nôtre – est reconnu comme l’un des plus efficaces du monde. Cependant, il est confronté à un certain nombre de difficultés, comme cela a été évoqué.

La France est aujourd’hui l’un des premiers pays d’Europe en matière de dépenses sociales : elle consacre 11 % de son PIB aux seules dépenses de santé. Notre espérance de vie est supérieure à la moyenne de celle mesurée dans les pays de l’OCDE et le taux de prise en charge par le régime général de l’assurance maladie s’élève à 77 %, ce qui est l’un des plus importants des grandes démocraties. Pourtant, l’accès à des soins de qualité reste inégal sur notre territoire et les disparités sociales ou régionales en matière d’espérance de vie demeurent préoccupantes.

L’accès aux soins de proximité est en effet devenu une grande préoccupation pour nos compatriotes, notamment ceux qui vivent en zone rurale et dans certaines banlieues. Comment faire bénéficier chacun d’eux des meilleurs soins et le plus près possible de leur domicile ? Cette question est devenue un vrai défi d’aménagement du territoire et une forte préoccupation pour les collectivités territoriales.

L’organisation de la chaîne du soin entre la prévention et les soins de ville ou en établissements et le suivi médico-social doit être revue. Il faut préciser que, en France, les dépenses de santé sont caractérisées par une proportion très importante des dépenses hospitalières : 64 %, contre 48 % en moyenne dans les pays de l’OCDE. Dans le même temps, nos dépenses dans le domaine de la prévention sont plus faibles que dans les autres pays.

Face à ce constat, une réforme de l’organisation de notre système de santé s’imposait afin d’améliorer la sécurité et la qualité des soins pour tous sur l’ensemble du territoire. C’est ce à quoi s’attelle ce projet de loi.

À mon tour, je voudrais saluer le travail accompli par la commission des affaires sociales, par son président et par son rapporteur, et ce en liaison avec les professionnels de santé, en particulier les médecins. À cet égard, je tiens à rendre hommage à tous ces professionnels de santé, qui, chaque jour, exercent leur métier dans des conditions très difficiles et avec un dévouement sans pareil.

Je concentrai mon propos autour de trois points : la nouvelle gouvernance de l’hôpital, les communautés hospitalières de territoire et la démographie médicale.

Le projet de loi rénove la gouvernance hospitalière en remplaçant le « traditionnel » conseil d’administration de l’hôpital public par une formule duale, bien connue des privatistes, à savoir un conseil de surveillance et un directoire, présidé par un « patron » doté d’un véritable pouvoir. Si le renforcement des pouvoirs de ce directeur peut se justifier pour simplifier et améliorer le pilotage de l’hôpital, il est pour le moins indispensable que le corps médical participe avec responsabilité aux décisions.

Si je partage l’objectif de la réforme, qui est, selon les propres termes du Président de la République, de « mieux organiser pour dépenser moins et apporter plus aux patients », je considère que la logique gestionnaire ne peut tout emporter sur son passage et qu’il faut associer au fonctionnement de l’hôpital ceux qui le font au quotidien, à savoir les médecins. En effet, un hôpital ne peut être une entreprise comme une autre. Un hôpital, c’est de la santé, de l’humain, de l’éthique. Or les médecins sont les garants de l’éthique et de la pensée médicale.

La gouvernance actuelle a largement fait ses preuves – pas de conflit entre directeur et commission médicale d’établissement –, si bien que, dans le nouveau système, les médecins doivent non seulement être consultés, mais également être des partenaires essentiels. Il est indispensable que la gestion soit imprégnée de la réflexion médicale.

Le système doit garantir une qualité des soins. Dans le même temps, il est essentiel que certaines disciplines, en particulier celles qui ne généreront pas de bénéfices, ne disparaissent pas. À titre d’exemple, je citerai le CHU de Poitiers, dans mon département, où le service de cancérologie pédiatrique n’a dû son maintien qu’à la mobilisation des médecins.

C’est dans cet esprit et certain de cette indispensable complémentarité entre l’administratif et le médical que, avec plusieurs de mes collègues, j’ai déposé des amendements visant à rétablir le rôle central du président de la commission médicale d’établissement afin de lui faire jouer un rôle plus important encore dans la nomination des chefs de pôle et dans celle des membres du personnel médical au directoire. Cela devrait nous permettre de revenir à l’équilibre institutionnel que proposait le rapport Larcher.

La même réflexion s’applique d’ailleurs aux communautés hospitalières de territoire au sujet desquelles la commission des affaires sociales a renoué avec la souplesse contractuelle et les « rapprochements consentis ». Ainsi, toute ambiguïté sera désormais levée et la nature conventionnelle de cette nouvelle forme de coopération sera pleinement établie.

Cette approche conventionnelle exclut la notion d’établissement siège destiné à devenir le « chef de file » de la communauté hospitalière de territoire et monopolisant tous les pouvoirs de décision. Aussi, je me félicite de cette orientation, car il y avait fort à craindre de voir le CHU devenir l’établissement siège et les autres hôpitaux totalement en dépendre.

Enfin, la même solution équilibrée prévaudra pour répondre au problème de la géographie médicale auquel notre pays est confronté, problème qui est intimement lié à celui de la démographie médicale.

À l’image d’un dispositif évoqué par Gérard Dériot tout à l’heure et mis en œuvre par certains conseils généraux, le projet de loi crée une allocation mensuelle en faveur des étudiants en médecine qui s’engagent, par contrat, à exercer la médecine en zone de sous-densité médicale. Ce contrat d’engagement de service public favorisera sans nul doute l’orientation de jeunes praticiens vers les zones du territoire sous-dotées en ressources médicales.

La constitution de déserts médicaux et l’allongement des files d’attente sont néanmoins le résultat d’une gestion peu clairvoyante de la démographie des professions de santé. Vous n’en êtes aucunement responsable, madame la ministre. En effet, je le rappelle, les pouvoirs publics ont réduit le numerus clausus à l’issue de la première année d’études de 8 500, dans les années 1970, à 3 500, en 1993, avant de le rehausser progressivement, dans les années 2000, jusqu’à ce qu’il atteigne 7 400 aujourd’hui.

Compte tenu de la durée des études médicales, la hausse du numerus clausus depuis 2002 ne produira ses effets sur la démographie médicale qu’avec un décalage de dix ans environ. Pour l’heure, les promotions actuelles de médecins et de chirurgiens-dentistes ne suffisent plus à remplacer les médecins qui arrivent à l’âge de la retraite.

Qui plus est, certaines spécialités, historiquement valorisantes et valorisées, comme la chirurgie ou la gynécologie obstétrique posent désormais problème, car elles sont délaissées à la sortie de l’internat. Cette désaffection s’explique notamment par des raisons d’assurance.

Madame la ministre, quelles dispositions entendez-vous prendre pour remédier à cette situation ?

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