Intervention de Pierre Bordier

Réunion du 12 mai 2009 à 21h30
Réforme de l'hôpital — Discussion générale

Photo de Pierre BordierPierre Bordier :

Ce comité quadripartite est donc chargé de faire des préconisations visant l’amélioration des coordinations fonctionnelles entre les missions de secours à la personne – prompt secours ou permanence des soins – et la prise en charge des urgences médicales.

Le projet de référentiel commun affirme le caractère exclusif de l’intervention des soins en départ réflexe. Le principe est simple : le déclenchement des secours se fait par l’appel du 15 ou du 18. Le 15 arrive au centre de réception de régulation des appels du SAMU – le CRRA – et le 18 au centre de traitement des appels du service d’incendie et de secours.

Les deux centres de réception sont interconnectés ; le service du CRRA dispose d’un médecin régulateur chargé d’apprécier la situation et de confier l’intervention de prompt secours. Dans la grande majorité des cas, ce sont les services d’incendie et de secours qui sont sollicités. Or le référentiel ne soulève pas ce point. Il faut préciser que l’on doit distinguer les missions propres des services d’incendie et de secours des missions d’appui logistique. Les deux sont possibles mais posent un réel problème au plan financier.

C’est pourquoi il est nécessaire de définir une meilleure répartition des rôles. La première mission des sapeurs-pompiers est celle de la sécurité sur la voie publique. Les missions propres des services d’incendie et de secours sont définies dans un article du code général des collectivités territoriales qui précise que le SDIS n’est tenu de procéder qu’aux seules interventions qui se rattachent directement à des missions de service public.

Selon les dernières statistiques nationales datant de 2008, depuis l’achèvement de la départementalisation des SDIS, en 2001, le nombre d’interventions des sapeurs-pompiers sur des incendies est de seulement 8 %, contre 65 % pour le secours à la victime et l’aide à la personne. Or cette situation implique un coût, compte tenu de la répartition des missions entre sapeurs-pompiers professionnels et sapeurs-pompiers volontaires.

Quant au SAMU, sa mission revient à intervenir dans le cadre des accidents domestiques, avec, si nécessaire, l’appui logistique des sapeurs-pompiers, et non l’inverse !

Ne faisons pas l’amalgame entre la nature de la profession d’origine et une réalité de terrain bien différente, entraînant une requalification des missions, notamment en ce qui concerne les sapeurs-pompiers.

De « soldats du feu », les sapeurs-pompiers sont devenus les premiers engagés dans les secours et les soins d’urgence à la personne, conjointement – ou concurremment – à la mission du SAMU. Ces missions sont d’ailleurs précisées par la loi. Je plaide donc pour une meilleure répartition des rôles afin d’assainir une situation tendue par les déséquilibres financiers qui en découlent et qui cristallisent les blocages.

Je tiens à rappeler que les missions des services d’incendie et de secours sont financées à titre principal par les collectivités territoriales et celles du SAMU par l’assurance maladie.

En ce qui concerne les SDIS, leurs missions propres sont prises en charge financièrement par le département et les communes, leurs quotes-parts respectives variant selon les collectivités territoriales.

La question du financement se pose à propos des interventions hors missions propres qui peuvent être demandées aux services d’incendie et de secours par la régulation médicale du SAMU. Si le service d’incendie et de secours effectue une mission en appui logistique, il doit pouvoir demander une participation aux frais dans les conditions déterminées par la convention signée avec le SAMU, ce qui n’est pas toujours le cas.

Quant aux ambulanciers privés, ils ont été simplement écartés par le référentiel commun du comité quadripartite du champ d’intervention de l’urgence pour en réserver l’exclusivité aux sapeurs-pompiers. Or, depuis 2000, ils effectuent une véritable révolution sur la voie de la professionnalisation, avec l’appui des SAMU, à la demande et avec le soutien de la direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins.

À la suite de l’arrêté du 23 juillet 2003, les ambulanciers s’organisent autour d’une garde départementale professionnalisée dédiée au SAMU pour répondre à l’urgence pré-hospitalière. Les sapeurs-pompiers professionnels semblent apprécier la complémentarité avec les ambulanciers. En revanche, les sapeurs-pompiers volontaires font plutôt pression pour une exclusivité de l’urgence réservée aux sapeurs-pompiers.

C’est pourquoi le référentiel commun initié en 2007 a surpris et inquiété à juste titre les ambulanciers. Le référentiel va même jusqu’à obliger le SAMU à missionner par réflexe les seuls sapeurs-pompiers avant régulation médicale pour tout appel de détresse. Même lors de son arbitrage, le médecin régulateur désigne quasi automatiquement les sapeurs-pompiers, ce qui revient à une négation de la régulation médicale elle-même.

Certains sapeurs-pompiers professionnels prennent prétexte de l’augmentation du secours à la personne pour demander une augmentation de leurs effectifs alors que, dans le même temps, les ambulanciers privés ont mis en place et financé un système de garde qui n’est pas sollicité.

Pour les ambulanciers, les conséquences de la disparition de l’urgence sont dramatiques tant sur le plan de l’efficacité sanitaire que sur le plan économique et financier, avec une perte de l’activité moyenne de 15 % à 20 % et une non-rentabilité des moyens investis.

Le coût de l’ensemble des moyens ambulanciers mis en œuvre semble plutôt compétitif si l’organisation est optimisée et la complémentarité des moyens effective, tandis que le coût des moyens « SDIS » nécessaires pour se substituer aux ambulanciers privés n’est pas évident à définir.

Pour en revenir au sujet principal qui me préoccupe, j’évoquerai les deux amendements que quelques collègues, dont Éric Doligé, Louis Pinton, et moi-même avons cosigné.

Hors de ses missions propres, toute intervention d’un service d’incendie et de secours doit faire l’objet d’une convention financière signée entre le conseil d’administration du service d’incendie et de secours et celui de l’établissement de santé concerné. Or certains établissements hospitaliers rechignent à honorer les conventions signées pour cause d’insuffisance budgétaire, ce qui conduit le SDIS à supporter le coût sur son budget propre.

En conséquence, ces amendements ont pour objectif de s’assurer que les établissements publics de santé concernés puissent disposer des crédits suffisants pour honorer les conventions.

Je souhaite, pour finir, évoquer le problème de l’homologation des diplômes de médecins de nationalité étrangère ayant acquis leurs diplômes à l’étranger mais ayant exercé en France en structure hospitalière publique au même titre que nos médecins nationaux, souvent en équipe et souvent en poste à responsabilité à part entière, depuis de nombreuses années.

Les médecins de nationalité étrangère qui ont obtenu un diplôme interuniversitaire de spécialisation s’appuient sur la loi de 2004 qui leur permet, sous certaines conditions, d’être inscrits à l’ordre des médecins. Mais nombre de dossiers sont refusés au motif d’un manque d’exercice malgré toutes leurs années de travail. Cette situation me semble anormale et mérite d’être dénoncée.

Je regrette que, lors du dernier débat à l’Assemblée nationale, Mme la ministre de la santé ait donné un avis défavorable sur l’amendement présenté par notre collègue Jean-Marie Rolland. Cet amendement a d’ailleurs été repris en commission par notre collègue Mme Procaccia.

Je rappelle enfin que la HALDE, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, qui avait émis un avis favorable, ainsi que le Conseil national de l’ordre des médecins et une grande majorité des syndicats de santé ont approuvé le fait de passer directement devant la commission d’autorisation.

Je souhaite donc que l’on sorte ces médecins de la situation précaire dans laquelle ils se trouvent encore de façon injuste et injustifiée, notamment si l’on songe à une situation en décalage avec la réalité du fait de la démographie médicale en France, et à la contribution de ces praticiens au bon fonctionnement des hôpitaux et à la permanence de soins.

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