Nous savions, nous ses amis, que, depuis plusieurs mois, notre collègue Hilaire Flandre luttait, avec un immense courage, contre la maladie. Sa silhouette, évocatrice des hommes de cette région du nord-est de la France, et qui nous était si familière, s'était faite plus rare dans notre hémicycle dont il était, auparavant, un animateur assidu. Son caractère invariablement enjoué s'était dernièrement assombri d'une certaine gravité.
Hilaire Flandre nous a quittés le 18 octobre 2004.
Il a retrouvé cette terre du Nord qu'il a tant aimée après l'avoir travaillée et toujours défendue. Comme ses aînés, Hilaire Flandre appartenait à cette trempe d'hommes dont on dit qu'ils ne se couchent que pour mourir.
Son parcours avait commencé le 24 février 1937 à Alincourt. C'est dans ce village, berceau de sa famille, qu'il va tout naturellement prendre la succession de ses parents et de ses grands-parents, nanti du solide bagage des jeunes cultivateurs d'alors : certificat d'études primaires, certificat d'aptitude professionnelle agricole et brevet agricole.
Jeune enfant, Hilaire Flandre fut confronté à la première épreuve de sa vie : la guerre, l'Occupation et à nouveau la guerre dans ce département des Ardennes, toujours particulièrement meurtri par les conflits.
La paix revenue et après ses études, Hilaire Flandre n'allait cependant entrer dans la vie active qu'après avoir accompli ses obligations militaires. Son devoir le conduisit à participer aux événements d'Afrique du Nord, qu'on n'appelait pas encore la guerre d'Algérie.
Sergent, il y participa avec ce courage et aussi avec cette humanité qui étaient sa marque. Il fut honoré par la Croix de la valeur militaire.
Rendu à la vie civile, Hilaire Flandre allait reprendre l'exploitation familiale en 1960, à un moment crucial de la mutation de notre agriculture. L'intelligence, l'opiniâtreté et la détermination de notre collègue allaient lui permettre d'affronter ces changements sans les subir.
De son appartenance à la Jeunesse agricole chrétienne, la JAC, puis au milieu coopératif agricole, il avait tiré des convictions sur les enjeux et les grandes lignes de la nécessaire modernisation de notre agriculture.
Il fut de ceux qui contribuèrent à faire de la France le premier pays producteur de l'Europe. Son sens aigu de l'observation doublé d'un pragmatisme éclairé le feront distinguer parmi ses pairs.
Son implication dans la défense et la modernisation de l'agriculture française ne se démentiront pas. C'est ainsi qu'il entrera dans la vie publique en 1983, devenant maire de son village, Alincourt, aux destinées duquel il présidera pendant quinze ans.
En 1986, il sera élu au conseil régional de Champagne-Ardennes. Il y siégera douze années durant.
En 1996, à la suite du décès de notre regretté collègue Jacques Sourdille, il représentera son département dans notre hémicycle. Réélu brillamment en 1998, Hilaire Flandre donnera la mesure de ses engagements éclairés en faveur de la cause agricole en général et des agriculteurs en particulier.
Elu à la commission des affaires économiques, il en fut un membre assidu jusqu'à ce que la maladie ne l'éloigne du palais du Luxembourg. Il participa activement à ses travaux qu'il sut marquer par sa sérénité, son sens de l'écoute et sa jovialité.
Doté de connaissances étendues, il participait avec autorité aux débats les plus complexes, tels les débats sur les organismes génétiquement modifiés.
Plus récemment, désigné rapporteur de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi de notre collègue Christian Cointat tendant au développement des jardins collectifs, il avait emporté l'adhésion de tous nos collègues en la faisant adopter à l'unanimité.
Car tel était Hilaire Flandre, politique habile au sens noble du terme, homme d'action, homme de conviction, héritier des plus nobles traditions de la ruralité française, mais soucieux de l'avenir de ses concitoyens.
C'est cette sollicitude à l'égard de son prochain qui le conduisit à accepter la fonction de rapporteur de la mission d'information sur la canicule de l'été 2003. Il s'en acquitta, d'octobre 2003 à février 2004, avec sérieux, avec scrupule, mais aussi avec cette générosité, ce pragmatisme et cette imagination qui caractérisaient toutes ses actions.
Homme curieux de tout, très attentif au maillage économique et social de notre pays dont il estimait qu'il constituait à la fois sa force et son avenir, Hilaire Flandre fut assidu à nos stages d'immersion en entreprise. Il le fut, tel qu'en lui-même, avec éclectisme : la chambre des métiers de l'Yonne, une PME savoyarde, une entreprise du Nord reçurent ainsi sa studieuse et attentive visite.
Par son implication locale forte, son expérience approfondie de l'économie agricole, sa puissance de travail et sa volonté de participer au mouvement général des idées, Hilaire Flandre a bien servi la République.
En lui, le Sénat perd l'un de ses meilleurs serviteurs : modeste mais efficace, discret mais attentif, dévoué et toujours généreux.
A sa famille en deuil, à ses trois filles, Marie-Christine, Nathalie et Virginie, à ses proches, j'exprime notre sympathie profonde et le témoignage de notre affliction.
Aux membres de la commission des affaires économiques et à ceux du groupe de l'UMP, j'adresse les sincères condoléances de notre assemblée unanime.