Les trois amendements déposés par le Gouvernement représentent évidemment un tout.
Je rappellerai que, en juin dernier, j'ai été amené à proposer au Gouvernement un projet de loi relatif à la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe. En effet, il était apparu indispensable de réagir au fait qu'un certain nombre de propos de ce type pouvaient constituer une des origines des actes de violence dont l'actualité récente nous a malheureusement montré la réalité.
Ces dispositions tendaient à modifier la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, afin de réprimer les provocations à la discrimination, à la haine, à la violence homophobe ou sexiste, ainsi que les diffamations et les injures homophobes, dans des conditions similaires à celles qui existent en matière de racisme.
Ce projet de loi a suscité un certain nombre de réflexions, de réactions, de critiques et d'interrogations. L'avis rendu jeudi dernier par la Commission nationale consultative des droits de l'homme tenant compte des points de vue exprimés par les différentes associations et organisations consultées, notamment religieuses, a conduit le Gouvernement à souhaiter modifier le dispositif législatif qu'il proposait.
Tout d'abord, dans la forme, il lui est apparu opportun d'adjoindre au présent projet de loi portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, par amendements, des dispositifs susceptibles de lutter contre l'homophobie et le sexisme.
Ensuite, sur le fond, il lui est apparu nécessaire d'introduire trois modifications par rapport à ce projet de loi.
La première modification, dont Mme Ameline dira quelques mots tout à l'heure, consiste à aligner les dispositifs concernant le sexisme sur ceux qui sont relatifs à l'homophobie. Cet alignement était souhaité par beaucoup, et, pour avoir rencontré ce matin, avec Nicole Ameline, l'ensemble des associations représentatives des mouvements féministes ou antisexistes, je peux vous indiquer que ces dernières sont extrêmement satisfaites de cette modification du dispositif législatif proposé.
Par ailleurs, le Gouvernement a jugé indispensable d'apporter par amendements deux modifications au présent projet de loi pour répondre aux interrogations de la Commission nationale consultative des droits de l'homme.
D'une part, il vous est proposé que les propos discriminatoires passibles de poursuites soient uniquement ceux qui sont aujourd'hui listés par le code pénal et qui constituent d'ores et déjà des infractions.
Cette modification essentielle permet de lever les interrogations qui se sont exprimées sur les risques qu'une jurisprudence trop ample pouvait faire courir à la fois aux organes de presse et à des personnes participant à un débat légitime sur ces sujets.
Le fait d'en revenir aux discriminations pointées par le code pénal, telles que, par exemple, les discriminations au logement, à l'embauche, à la promotion professionnelle, permet d'éviter ce risque de dérives jurisprudentielles.
D'autre part, il vous est proposé de revenir au délai de prescription de droit commun en matière de presse, c'est-à-dire trois mois, et de ne pas retenir la prescription d'un an que vous avez adoptée, voilà quelques mois, s'agissant du racisme.
Tel est le dispositif équilibré, me semble-t-il, qui vous est aujourd'hui proposé, mesdames, messieurs les sénateurs.
Je puis indiquer à la Haute Assemblée que j'ai contacté aujourd'hui l'ensemble de celles et ceux qui ont vocation à s'exprimer sur ces sujets - les associations féminines, les associations homosexuelles - ainsi que les responsables religieux et les responsables d'associations de presse qui étaient intervenus sur ce sujet.
Sans révéler la teneur des discussions que j'ai conduites dans le cadre de cette concertation, je puis affirmer que le dispositif qui vous est proposé est considéré par les uns et par les autres comme équilibré. Il ne risque pas de créer une jurisprudence trop ample - c'est une critique que j'ai évoquée tout à l'heure - et, pour autant, il nous permettra de lutter avec efficacité contre un certain nombre d'abominations, dont les faits divers ont malheureusement révélé la réalité voilà quelques mois.
Tel est, mesdames, messieurs les sénateurs, le contenu général de ces trois amendements. Permettez-moi maintenant de préciser leur teneur.
L'amendement n° 83 tend à permettre la répression des provocations à la discrimination, à la haine, ou à la violence homophobes ou sexistes.
Toutefois, afin d'éviter une interprétation trop large de ces dispositions qui serait contraire aux exigences de la liberté d'expression, seules sont réprimées - c'est essentiel - les provocations aux discriminations qui tombent sous le coup des articles 225-2 et 432-7 du code pénal. Réduire le champ des dispositions prévues me semble être une mesure de prudence.
L'amendement n° 84 tient compte de l'avis de la Commission nationale consultative des droits de l'homme. Il prévoit la répression des diffamations et des injures commises en raison du sexe de la victime. Ainsi, les propos sexistes et homophobes seront réprimés de la même façon. Comme je l'ai précisé tout à l'heure - c'est un point particulièrement important -, on aligne les dispositions relatives au sexisme sur celles qui sont relatives à l'homophobie.
Quant à l'amendement n° 85, il permet de revenir à la prescription de droit commun en matière de presse, c'est-à-dire un délai de trois mois.
Tel est le sens de ces trois amendements que j'espère voir adopter par le Sénat et qui constituent - je le dis très sincèrement et avec beaucoup de conviction - un point d'équilibre satisfaisant tant pour moi que pour les personnes que j'ai personnellement contactées aujourd'hui.