Ce n'est pas un mince sujet que celui qui nous réunit ce soir. La lutte contre le sexisme est à coup sûr importante. Je puis dire que, dans ma famille, nous y sommes particulièrement attachés. Mais je voudrais plus précisément parler de l'homophobie.
La persécution, la haine contre les homosexuels n'a pas disparu de notre monde. Vu mon âge, elle est pour moi un vieil adversaire, que j'ai combattu partout.
Dans certains Etats du monde, subsiste la forme la plus odieuse de l'homophobie, celle qui réprime de la façon la plus cruelle, voire la plus barbare, l'homosexualité. Je rappelle que, dans certains pays, l'homosexualité est aujourd'hui encore punie de la peine de mort, laquelle est effectivement appliquée. A cet égard, je vous renvoie, mes chers collègues, au dernier rapport d'Amnesty international.
Au-delà de la persécution légale, il y a l'homophobie la plus brutale, la plus violente, celle qui se nourrit des préjugés les plus profondément enracinés. On y retrouve là une autre forme de racisme, qui va parfois jusqu'à la violence mortelle, qui caractérise « la chasse à l'homo » que l'on a pratiquée, que l'on pratique encore hélas ! et qui procède de la même inspiration inhumaine que celle des ratonnades ou des violences racistes. A cet égard, j'ai des souvenirs professionnels terribles, ayant défendu des victimes ou des parents de victimes de telles chasses.
Mais il existe des formes de racisme plus insidieuses, qui nourrissent ces formes extrêmes. Outre les provocations, les différentes formes d'injures, de diffamation, il y a la discrimination. En la matière, vous déposez un texte, monsieur le garde des sceaux, mais il est bien tard !
Si j'ai tenu à intervenir ce soir, c'est parce que je souhaitais rappeler que notre regrettée collègue Dinah Derycke et moi-même avions déposé dès l'an 2000 une proposition de loi tendant à faire inscrire dans le droit de la presse, au même titre que les autres formes de provocation à la haine et à la discrimination, l'appel à la discrimination ou aux diverses formes de discrimination contre les homosexuels.
Ce texte n'a pas été inscrit à l'ordre du jour du Parlement. Notre ami Michel Dreyfus-Schmidt l'a repris en y apportant quelques légers compléments de forme. A l'Assemblée nationale, M. Bloch et d'autres députés ont déposé une proposition de loi qui, elle non plus, n'est pas allée jusqu'à son terme.
Monsieur le garde des sceaux, ici même, lors de la discussion du projet de loi Perben II, nous avions, un matin, examiné sur notre initiative des amendements dont l'objet était précisément identique à celui d'aujourd'hui. Vous nous aviez alors rétorqué que l'examen de tels amendements était prématuré - on pouvait s'étonner du fait que ce fût trop tôt, après toutes ces années écoulées, alors même que tout le monde était d'accord sur le sujet - et que le Gouvernement entendait déposer un grand projet de loi pour lutter contre toutes les formes d'homophobie ; pour cette raison, vous aviez donc demandé d'écarter ces amendements afin que soit ouverte la voie au processus royal, dirai-je, d'un projet de loi traitant de toutes les formes de lutte contre l'homophobie.
Or, aujourd'hui, monsieur le garde des sceaux, c'est par amendements, à l'occasion de la création d'une haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, que vous présentez des dispositions que nous avions déjà proposées ! Du temps a donc été perdu pour rien !
Cela va de soi, nous voterons en faveur des dispositions relatives à la lutte contre l'homophobie, mais nous avons déposé un sous-amendement à l'amendement n° 83.
Je quitte là l'essentiel du sujet, c'est-à-dire le rappel de ce que porte d'infâme, d'insupportable, l'homophobie, pour en revenir au problème plus général du rapport entre le droit de la presse et la discrimination.
Dans notre droit, il y a à cet égard une sorte de contradiction, ou du moins de déséquilibre.
Des dispositions de la loi relative à la lutte contre les discriminations ont été intégrées au code pénal. L'article 225-1 du code pénal énonce un certain nombre de discriminations, qui sont, à juste titre, punies par le législateur pénal. Elles sont très nombreuses et sont incompatibles avec la notion même d'égalité républicaine. On y trouve la discrimination tenant à l'âge, à l'état de santé, indépendamment d'autres discriminations plus saisissantes que nous avons évoquées tout à l'heure.
Puis, nous avons un texte qui est relatif au droit de la presse. La loi de 1881 punit, à juste titre, la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence. Mais, dans ce texte qui vise à interdire la provocation à la discrimination, ne sont pas visées les mêmes discriminations que celles qui font l'objet de la disposition générale du code pénal, ce qui constitue en soi une rupture qu'il est difficile de justifier.
Comme il est souhaitable de réprimer la provocation, nous ne pouvons pas nous en tenir là, s'agissant, par exemple, de la discrimination contre les homosexuels ou les discriminations sexistes.
Nous n'avons aucune raison de discriminer entre les discriminations. Au nom de quoi réprimerions-nous la provocation et l'incitation à la discrimination s'agissant par exemple de l'homosexualité, mais ne le ferions-nous pas s'agissant des malades du sida alors que nous savons que des propos honteux et infâmes ont été tenus concernant ceux que l'on appelait « les sidaïques » et pour lesquels on voulait des dispositions discriminatoires en matière de santé publique ? J'ai presque honte à rappeler ces choses dans un hémicycle de la République.
Mais ce type d'incitations à la discrimination existe s'agissant aussi bien de la santé que de l'âge ; je n'irai pas plus loin.
Le sous-amendement n° 87 vise donc, tant pour des raisons d'harmonisation juridique que pour des raisons morales, à ce que l'on se réfère aux discriminations réprimées par le code pénal.
Il n'y a en effet aucune raison de faire une différence entre les discriminations ; à partir du moment où nous réprimons l'incitation à la haine, à la violence et à la discrimination à l'égard de certains, s'agissant de la discrimination, nous devons reprendre l'énoncé du code pénal.
Quant au sous-amendement n° 88, c'est un texte de coordination.