La démonstration de M. Gélard nous montre que, en effet, ces débats importants se sont sans doute déroulés un peu à la hâte.
Si, monsieur le garde des sceaux, votre but n'est que de condamner ce qui était déjà condamnable, pourquoi diable, alors, ces amendements ?
M. Gélard regrette le caractère expéditif de la procédure et conclut sa brillante démonstration sur le fait que, si les textes en vigueur permettaient déjà d'engager des poursuites, la certitude sera désormais donnée de pouvoir mieux le faire.
Madame Ameline, j'ai, en vous écoutant, été pris d'une sorte de malaise, bien que vos propos ne provoquent pas chez moi, d'ordinaire, une telle réaction : vous avez, en effet, mobilisé au secours de ce texte des faits qui nous sont très largement extérieurs et que la République française, en particulier notre assemblée, a coutume de combattre avec énergie, comme elle l'a montré récemment encore.
Monsieur le garde des sceaux, il est, certes, des pays où des femmes sont lapidées, comme M. Badinter l'a évoqué. Des images brutales, à la télévision, nous l'ont rappelé : le temps des Talibans n'est pas si loin, et, en Arabie Saoudite et au Soudan, ces pratiques sont encore d'actualité. Récemment, un ancien Premier ministre de Malaisie, M. Anwar Ibrahim, a été condamné pour homosexualité. Il est toujours en prison. Ce sont de tels actes que nous combattons.
J'évoquais tout à l'heure, à l'occasion de l'examen de l'amendement n° 15 rectifié, déposé par la commission, le fait que toutes les discriminations sont condamnables mais que la République ne peut rester indifférente aux convictions politiques et aux convictions religieuses ; ainsi, certaines convictions religieuses sont parfaitement antinomiques par rapport à la Déclaration des droits de l'homme, charte très largement partagée non seulement en France mais aussi dans l'Europe tout entière.
Vous mobilisez au secours de ce texte des événements d'actualité extrêmement violents que nous condamnons et dont nous essayons même de combattre des émules, heureusement contenus et marginaux, qui seraient des intégristes souhaitant, par exemple, que la charia soit appliquée dans des pays musulmans où elle n'est pas en vigueur ou désirant la faire connaître dans des pays qui ne sont pas de culture musulmane.
Je n'ouvrirai pas ce débat ici en cet instant, mais son existence même montre bien qu'il méritait peut-être que nous ne nous bornions pas à l'évoquer lors d'une discussion sur la lutte contre les discriminations en général.
En ce qui concerne l'homophobie, quelle est mon inquiétude ? Que la liberté de penser ne puisse s'exprimer.
M. le ministre d'Etat, alors ministre de l'intérieur, le rappelait : il existe des discriminations positives nécessaires, et je partage son avis.
En France, s'élever dans l'échelle sociale n'est pas toujours facile pour un fils d'immigré. Certaines actions visant à des discriminations positives, menées aux fins d'amener à l'université des lycéens issus de zones d'éducation prioritaires, prêtèrent à sourire et furent condamnées par des esprits éminents. Or, cinq ans après, l'expérience prouve que ces discriminations positives ont porté leurs fruits.
C'est justement parce que nous, Républicains, refusons le système communautaire et avons l'ambition de faire partager les mêmes valeurs à l'ensemble de nos compatriotes que nous souhaitons afficher nos convictions et voulons que le débat ne souffre d'aucune censure.
Parce que la France s'interroge sur sa démographie, sur son vieillissement et sur la façon d'assurer le renouveau, la politique en faveur de la famille est une politique de discrimination positive, comme il doit y en avoir pour ceux de nos compatriotes qui n'ont pas de facilités d'intégration.
Cette discrimination positive serait-elle condamnée demain, au titre de prises de position qui s'apparenteraient à des réserves émises à l'égard de telle ou telle « orientation sexuelle », comme vous le dites pudiquement?
Appelons un chat un chat ! Toutes les orientations sexuelles ne sont pas également acceptables. Ainsi, dans notre droit pénal, la pédophilie est condamnée, ce qui me paraît assez évident.
Si convoiter la femme du voisin n'est, certes, pas de bon ton, le mal n'est cependant pas si grand que l'on ne puisse s'en accommoder, et ce genre de situation a fait le succès du théâtre de boulevard. En revanche, certains comportements doivent être condamnés, et il faut avoir le courage de le rappeler.
Aucune communauté ne saurait fonctionner sans valeurs partagées. La famille est l'une d'elles et mérite, parfois, des discriminations positives.
Monsieur le garde des sceaux, je souhaite avoir la certitude que l'application stricte de ce texte n'aboutira pas à ce que l'on nous oppose, pour telle ou telle mesure, le fait qu'il s'agit d'une discrimination positive, c'est-à-dire d'une discrimination négative au détriment de ceux qui ont fait librement le choix d'un autre mode de vie.
Je répète avec fermeté ce que je disais tout à l'heure : certaines discriminations ne sont pas le fruit de la liberté.
Si M. Gélard rappelait avec humour qu'en effet nous avons des différences, c'est avec gravité que, pour ma part, je le dis. Qu'il me soit permis de citer l'exemple de la Lorraine : cette région se trouve enrichie par le fait que 20 % environ de sa population est d'origine italienne, polonaise, marocaine, tunisienne ou algérienne ; cette richesse, nous souhaitons l'intégrer, mais c'est une discrimination qui, permettez-moi de le dire, n'a pas été choisie ; nous avons à en tenir compte et à la respecter.
Certaines discriminations sont librement choisies. Entraînent-elles, au regard des valeurs communes, les mêmes comportements ?
Je ne demande qu'une chose : que, toujours, il soit possible d'en parler librement sans que la censure de la pensée unique s'abatte sur ceux qui pensent, par exemple, que l'un des problèmes, dans notre pays, est la faiblesse de la démographie et que la famille hétérosexuelle présente, à cet égard, des avantages qui, sur ce point, n'ont jamais été concurrencés.