Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, malgré le caractère intime de notre discussion ce matin, je veux attirer votre attention sur cet amendement très simple.
En aucun cas, le refus d'entrée sur le territoire opposé à un mineur étranger ne peut donner lieu à une mesure de rapatriement contre son gré avant l'expiration du délai d'un jour franc. Ce délai lui permet de s'organiser, de faire valoir ses droits, de déposer une demande d'asile ou encore d'avertir les autorités consulaires dont il relève afin de faire régulariser sa situation auprès de celles-ci. C'est une période au cours de laquelle l'intéressé ne peut être renvoyé.
La loi du 26 novembre 2003 a modifié les règles qui existaient antérieurement. Actuellement, le bénéfice du jour franc n'est accordé qu'aux personnes qui en font explicitement la demande sur la feuille de notification de droits qui leur est présentée.
On sait les problèmes que l'application de cette loi pose pour l'étranger dans la compréhension de ses droits. Je citerai, à cet égard, le défaut de présence physique d'un interprète, qui entraîne souvent une méconnaissance par l'étranger de ses droits, le défaut de compréhension de ce que recouvre réellement juridiquement la notification susvisée. De ce fait, l'étranger recourt peu fréquemment au bénéfice du jour franc.
Lors de son audition par la commission d'enquête sur l'immigration clandestine, la présidente de l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers, l'ANAFÉ, maître Hélène Gacon indiquait : « Dans la pratique que nous enregistrons du fait de nos contacts directs avec les étrangers que nous recevons à notre bureau en ZAPI 3, nous avons la tristesse de constater que, dans la quasi-totalité des cas, cette faculté n'est pas utilisée. »
Cette situation a été dénoncée par Alvaro Gil-Robles, commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe.
L'application de cette réforme touche encore plus durement les mineurs. Or, l'amendement que nous vous proposons, mes chers collègues, tend à améliorer leur situation. Il faut qu'ils puissent bénéficier d'une procédure spécifique de protection, en plus de l'intervention des administrateurs ad hoc, dont la présence constitue, pour nous, un progrès certain, mais insuffisant.
On sait d'ailleurs que les interventions de ces administrateurs, qui disposent de très peu de temps pour appréhender la situation du mineur, ont fait l'objet d'un bilan mitigé.
Toujours dans le cadre de la commission d'enquête, le président du tribunal de grande instance de Bobigny citait des chiffres explicites : Pour 2004, sur 604 cas recensés, « il semble qu'environ 220 à 250 aient pu faire pleinement l'objet d'une prise en charge par un administrateur ad hoc. [...] Cela veut dire que, dans certains cas, l'intervention de l'administrateur ad hoc va être extrêmement légère : il aura à peine le temps d'avoir un contact avec le mineur pour prendre le pouls de sa situation. »
Parfois, cet administrateur ne dispose même pas du temps nécessaire pour voir le mineur. J'en veux pour preuve l'évocation par la présidente de l'ANAFÉ du cas de mineurs chinois. Selon ses propos, « quand le mineur chinois arrive, on lui notifie une procédure de maintien en zone d'attente, manifestement sans respecter son droit à demander de disposer du jour franc, l'administrateur ad hoc n'a même pas le temps d'être désigné et le mineur est refoulé ».
L'amendement n° 199 rectifié a pour objet de rétablir l'automaticité de l'application du jour franc pour les mineurs. Monsieur le ministre, accepter cette mesure ne me paraît pas être un sacrifice hors de votre portée. L'adoption de cette disposition améliorerait incontestablement la prise en charge juridique d'une catégorie d'étrangers à laquelle il ne peut être fait application du droit commun.
Monsieur le rapporteur, vous ne pouvez avoir oublié que l'une des propositions de la commission d'enquête concernait ce jour franc. Depuis, la réflexion ayant pu être poursuivie, cet amendement devrait recevoir de la part de la commission un accueil enthousiaste.