La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
J'informe le Sénat que la commission des lois m'a fait connaître qu'elle a d'ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu'elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d'une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration actuellement en cours d'examen.
Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'immigration et à l'intégration (nos 362, 371).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus au titre III.
TITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES AUX MESURES D'ÉLOIGNEMENT
L'amendement n° 199 rectifié, présenté par M. Frimat, Mme Alquier, MM. Badinter, Bel et Bockel, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 33, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 213-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En aucun cas, le refus d'entrée sur le territoire ne peut donner lieu, pour les mineurs, à une mesure de rapatriement contre le gré de l'intéressé avant l'expiration d'un délai d'un jour franc. »
La parole est à M. Bernard Frimat
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, malgré le caractère intime de notre discussion ce matin, je veux attirer votre attention sur cet amendement très simple.
En aucun cas, le refus d'entrée sur le territoire opposé à un mineur étranger ne peut donner lieu à une mesure de rapatriement contre son gré avant l'expiration du délai d'un jour franc. Ce délai lui permet de s'organiser, de faire valoir ses droits, de déposer une demande d'asile ou encore d'avertir les autorités consulaires dont il relève afin de faire régulariser sa situation auprès de celles-ci. C'est une période au cours de laquelle l'intéressé ne peut être renvoyé.
La loi du 26 novembre 2003 a modifié les règles qui existaient antérieurement. Actuellement, le bénéfice du jour franc n'est accordé qu'aux personnes qui en font explicitement la demande sur la feuille de notification de droits qui leur est présentée.
On sait les problèmes que l'application de cette loi pose pour l'étranger dans la compréhension de ses droits. Je citerai, à cet égard, le défaut de présence physique d'un interprète, qui entraîne souvent une méconnaissance par l'étranger de ses droits, le défaut de compréhension de ce que recouvre réellement juridiquement la notification susvisée. De ce fait, l'étranger recourt peu fréquemment au bénéfice du jour franc.
Lors de son audition par la commission d'enquête sur l'immigration clandestine, la présidente de l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers, l'ANAFÉ, maître Hélène Gacon indiquait : « Dans la pratique que nous enregistrons du fait de nos contacts directs avec les étrangers que nous recevons à notre bureau en ZAPI 3, nous avons la tristesse de constater que, dans la quasi-totalité des cas, cette faculté n'est pas utilisée. »
Cette situation a été dénoncée par Alvaro Gil-Robles, commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe.
L'application de cette réforme touche encore plus durement les mineurs. Or, l'amendement que nous vous proposons, mes chers collègues, tend à améliorer leur situation. Il faut qu'ils puissent bénéficier d'une procédure spécifique de protection, en plus de l'intervention des administrateurs ad hoc, dont la présence constitue, pour nous, un progrès certain, mais insuffisant.
On sait d'ailleurs que les interventions de ces administrateurs, qui disposent de très peu de temps pour appréhender la situation du mineur, ont fait l'objet d'un bilan mitigé.
Toujours dans le cadre de la commission d'enquête, le président du tribunal de grande instance de Bobigny citait des chiffres explicites : Pour 2004, sur 604 cas recensés, « il semble qu'environ 220 à 250 aient pu faire pleinement l'objet d'une prise en charge par un administrateur ad hoc. [...] Cela veut dire que, dans certains cas, l'intervention de l'administrateur ad hoc va être extrêmement légère : il aura à peine le temps d'avoir un contact avec le mineur pour prendre le pouls de sa situation. »
Parfois, cet administrateur ne dispose même pas du temps nécessaire pour voir le mineur. J'en veux pour preuve l'évocation par la présidente de l'ANAFÉ du cas de mineurs chinois. Selon ses propos, « quand le mineur chinois arrive, on lui notifie une procédure de maintien en zone d'attente, manifestement sans respecter son droit à demander de disposer du jour franc, l'administrateur ad hoc n'a même pas le temps d'être désigné et le mineur est refoulé ».
L'amendement n° 199 rectifié a pour objet de rétablir l'automaticité de l'application du jour franc pour les mineurs. Monsieur le ministre, accepter cette mesure ne me paraît pas être un sacrifice hors de votre portée. L'adoption de cette disposition améliorerait incontestablement la prise en charge juridique d'une catégorie d'étrangers à laquelle il ne peut être fait application du droit commun.
Monsieur le rapporteur, vous ne pouvez avoir oublié que l'une des propositions de la commission d'enquête concernait ce jour franc. Depuis, la réflexion ayant pu être poursuivie, cet amendement devrait recevoir de la part de la commission un accueil enthousiaste.
Mon cher collègue, soyez rassuré ; dès potron-minet, je poursuivais ma réflexion sur l'amendement n° 199 rectifié et surtout sur l'amendement n° 48 de la commission !
Plus sérieusement, chacun a bien compris la nature du problème. Un mineur qui arrive sur le territoire national peut bénéficier, s'il est en zone d'attente, de l'intervention d'un administrateur ad hoc.
La commission d'enquête a effectivement eu à connaître de cette difficulté. M. Philippe Jeannin, président du tribunal de grande instance de Bobigny, auquel M. Frimat vient de faire référence, lors de son audition, a analysé la situation de façon équilibrée. Il a ainsi estimé qu'il fallait certes accorder plus de droits aux mineurs, mais qu'il fallait, dans le même temps, être prudent parce que ces jeunes enfants risquaient de faire l'objet de manipulations, de tomber aux mains de filières, notamment d'immigration clandestine, qui profitent du système. Il convient donc de faire la part des choses entre ces deux impératifs.
Il est vrai que le rapport de la commission d'enquête recommandait de faire bénéficier les mineurs du jour franc.
Depuis, la situation a été réexaminée peut-être plus en fonction des véritables enjeux. De ce fait, la position retenue a évolué et consiste dorénavant à trouver un équilibre de façon à se prémunir contre les filières mafieuses tout en permettant aux jeunes mineurs d'avoir une assistance le plus rapidement possible.
C'est la raison pour laquelle la commission a déposé l'amendement n° 48, que nous examinerons dans quelques instants, tendant à ce que l'administrateur ad hoc puisse intervenir dès l'arrivée du mineur pour l'informer clairement de ses droits et pour appréhender sa situation dans les meilleurs délais.
En conclusion, je rappellerai qu'en 2005, à l'aéroport de Roissy, 601 personnes non admises se sont déclarées mineures, alors que 124 d'entre elles ont été reconnues majeures à l'issue d'un examen médical. Le nombre n'est certes pas très élevé, mais, s'agissant de mineurs, il faut rester très prudent.
L'intervention de l'administrateur ad hoc à partir de l'arrivée du mineur constitue une avancée par rapport à la situation actuelle. Elle lui permettra de disposer de plus de temps pour mener à bien sa mission.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 199 rectifié.
Madame la présidente, cette intervention vaudra présentation de l'amendement n° 48.
Monsieur Frimat, vous avez laissé entendre que je pourrais faire un sacrifice qui ne serait pas hors de ma portée. Mais il n'est pas question de sacrifice lorsqu'il s'agit d'assurer toute la prévention nécessaire à l'égard de mineurs confrontés à des difficultés, quelles que soient leur origine et leur situation.
Je mesure la portée de votre intéressante proposition, qui ne doit pas être négligée, loin s'en faut.
Contrairement à ce que vous soutenez, le bénéfice du jour franc préalablement au réacheminement d'un étranger maintenu en zone d'attente n'a pas été supprimé. Alors que, jusqu'à l'adoption de la loi de 2003, cette procédure présentait un caractère d'automaticité, ladite loi s'est limitée à organiser les règles procédurales selon lesquelles est recueillie la volonté de l'étranger.
L'intéressé, qui, désormais, sera informé par écrit de ce droit, dans une langue qu'il comprend, sera appelé à indiquer s'il souhaite en bénéficier.
Cela étant dit, vous avez raison d'insister, monsieur le sénateur, sur le fait que, même si cela représente une avancée, l'administrateur ad hoc n'est pas présent aux côtés du mineur pendant une période suffisante pour lui permettre de bénéficier des informations et de l'assistance nécessaires.
Nous nous posons tous la question de savoir si un mineur isolé non accompagné d'un représentant légal est apte à indiquer s'il souhaite bénéficier de ses droits. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a émis un avis très favorable sur l'amendement n° 48 de la commission, tendant à ce qu'un mineur isolé non accompagné d'un représentant légal soit assisté par un administrateur ad hoc dès le commencement de la procédure de non-admission. Il appartiendra, dès lors, à l'administrateur ad hoc de solliciter, le cas échéant, le jour franc.
Dans ces conditions, je vous demande, monsieur Frimat, de bien vouloir retirer l'amendement n° 199 rectifié, au profit de l'amendement n° 48 de la commission. À défaut, le Gouvernement ne pourrait qu'émettre un avis défavorable.
Je tiens d'emblée à remercier M. le rapporteur et M. le ministre d'avoir répondu sur le fond. Nous remplissons entièrement notre fonction, qui consiste à débattre.
Monsieur le ministre, je ne retirerai pas cet amendement, parce que l'effort qui vous est demandé est minime. Il est vrai que je ne souscris pas à la philosophie répressive du présent projet de loi.
Nous voulons tout simplement garantir un jour franc à des mineurs non admis sur le territoire. Il s'agit non pas des textes - nous nous sommes prononcés contre en 2003, dont acte ! - mais de la pratique.
Lors des auditions de la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine, la présidente de l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers, l'ANAFE, ainsi que le président du tribunal de grande instance de Bobigny n'ont pas commenté les textes ; ils ont simplement dit la réalité, à savoir que, de fait, l'accès au jour franc n'est pas garanti, contrairement à que prévoit l'amendement n° 199 rectifié, que je présente en cet instant.
Certes, l'amendement n° 48 de la commission précise que le procureur de la République, avisé immédiatement par l'autorité administrative, désignera un administrateur ad hoc. Quelles garanties aurons-nous que ce sera le cas dans la pratique ? Quels seront les moyens alloués à cet administrateur ad hoc ? Seront-ils en nombre suffisant ? Pourront-ils intervenir tout de suite ? Aura-t-on l'assurance que la procédure sera effective ?
Si, aujourd'hui, les textes de loi étaient appliqués, nous n'aurions pas besoin de défendre un tel amendement ; nous le faisons simplement parce que nous savons que, dans la pratique, les choses ne se passent pas ainsi. C'est la raison pour laquelle nous maintenons cet amendement.
J'ai eu l'occasion, lors de la discussion générale, de faire remarquer à M. le ministre que naîtraient peut-être, chemin faisant, des soupçons d'ouverture. Or, ce matin, je constate, monsieur le ministre, qu'il est encore trop tôt pour que vous puissiez donner une garantie à des mineurs et que vous préférez vous en remettre à l'intervention du procureur. Telle n'est pas notre conception. Ce que nous vous demandons ne représentait pourtant pas un très gros effort !
Je ne puis que regretter votre décision et je demande un scrutin public sur cet amendement.
Je mets aux voix l'amendement n° 199 rectifié.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin a lieu.
Il est procédé au comptage des votes.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 208 :
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 198, présenté par M. Frimat, Mme Alquier, MM. Badinter, Bel et Bockel, Mme Cerisier- ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus- Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 33, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 221- 5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé :
« Art. L. 221- 5 - Le mineur de 18 ans ne peut être placé en centre de rétention administrative. »
La parole est à M. Bernard Frimat.
Cet amendement pose le principe de l'interdiction de placer un mineur en centre de rétention. Il se situe dans la continuité du précédent amendement tout en abordant un autre aspect du traitement réservé aux mineurs étrangers dans notre pays.
Il ne nous paraît pas tolérable de laisser perdurer la situation existante. D'ailleurs, lequel d'entre nous, dans cet hémicycle, peut se satisfaire de la présence de jeunes mineurs, voire de bébés, en centre de rétention ? Ils n'y ont pas leur place et les justifications avancées nous semblent très légères.
Nous ne pouvons nous satisfaire de la réponse consistant à dire que du matériel spécifique est prévu ou qu'un espace spécifique est réservé aux familles avec enfants. La réalité, nous le savons, est tout autre.
Quant aux fonctionnaires qui accomplissent un travail difficile dans ces centres de rétention, ils gèrent la présence des enfants comme ils le peuvent et, souvent, sans moyens spécifiques.
Dans son rapport annuel de 2005, la commission nationale de déontologie de la sécurité mentionnait le cas d'un nourrisson d'un mois né en France en août 2005 et placé au centre de rétention d'Oissel en Seine-Maritime avec sa mère d'origine somalienne. Or le centre n'était pas équipé pour recevoir des enfants en bas âge. Il a ainsi été constaté « une absence de présentation au service médical et une éviction des professionnels des services sociaux qui désiraient intervenir. Ni la mère ni l'enfant n'ont reçu de nourriture adaptée. Ils ont été retenus dans un véhicule de la police aux frontières, la PAF, pendant près de huit heures sans eau ni nourriture. »
Lors de nos différents déplacements dans le cadre de la commission d'enquête, nous avons pu constater de visu la présence de très jeunes enfants dans des situations de précarité.
Ces situations constituent pour nous, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, une violence intolérable qui vient s'ajouter au choc déjà incontournable lié au voyage pour parvenir jusqu'à nos frontières.
Ces enfants ne méritent pas cela, au seul motif que leurs parents ne possèdent pas les papiers nécessaires pour être admis en France. Cette situation est, selon nous, en contradiction totale avec notre tradition d'accueil et les valeurs de notre République. Je ne sais s'il s'agit là d'un outrage, mais, pour nous, cela est insupportable.
Les valeurs de la République ne sont pas à géométrie variable.
Le placement des mineurs en centre de rétention met notre pays en contradiction avec les engagements internationaux, notamment la convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant, ratifiée par de nombreux pays, mais pas par les États-Unis.
En conclusion, je dirai que le fait de maintenir un enfant dans un milieu privatif de liberté du seul fait de ses liens familiaux, alors qu'il n'a commis aucun délit - son âge le mettant à l'abri de tout cela - est en contradiction avec les dispositions de cette convention, notamment les articles 2 et 3, dont je vous épargnerai la lecture, mes chers collègues.
Vous nous parlez souvent du message que la France doit ou ne doit pas envoyer. En ce qui me concerne, je demande à chacun, s'agissant d'un tel sujet et au-delà de ce qui peut nous diviser, de se poser simplement en conscience la question : le message que la France doit envoyer est-il celui de la présence de bébés et de jeunes mineurs en centre de rétention ?
Pour toutes ces raisons, je vous demande de voter notre amendement.
L'amendement n° 48, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Avant l'article 33, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase de l'article L. 221-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigée :
« Lorsqu'un étranger mineur non accompagné d'un représentant légal n'est pas autorisé à entrer en France, le procureur de la République, avisé immédiatement par l'autorité administrative, lui désigne sans délai un administrateur ad hoc. »
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 198 ?
Comme l'a souligné notre collègue Bernard Frimat, cet amendement vise à empêcher que des enfants mineurs ne soient placés en centre de rétention. Or une telle disposition aurait pour effet de rendre impossible l'éloignement des familles en situation irrégulière.
D'une part, le placement en centre de rétention ne s'applique pas aux mineurs isolés ; d'autre part, il n'est prononcé qu'après la mise en oeuvre d'autres mesures, comme l'assignation à résidence, qui sera, on peut l'imaginer, privilégiée par les services de l'État si elle est possible.
Ainsi, les personnes concernées pourront mener autant que faire se peut une vie de famille normale, et le placement en centre de rétention administrative ne constituera qu'une exception, que la commission estime nécessaire de conserver, au principe de l'assignation en résidence.
Pour autant, comme l'a souligné le rapport de la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine, il est nécessaire que les conditions matérielles d'accueil des clandestins soient améliorées ou du moins que les centres de rétention administrative soient organisés pour les recevoir.
Or, madame Borvo Cohen-Seat, il est incontestable que des efforts significatifs ont été entrepris depuis 2003 pour rénover les centres de rétention.
Je ne prétends pas que tout a été fait et que tout va très bien dans ces centres ; je soutiens simplement qu'a été engagé un véritable effort, qui doit être poursuivi, car nous avons le devoir de faire en sorte que les conditions matérielles d'accueil des clandestins soient les meilleures possible.
Sous le bénéfice de ces explications, la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 198.
Tout d'abord, je n'ajouterai rien aux propos de M. le rapporteur, qui a donné des précisions très utiles.
Toutefois, monsieur Frimat, je m'étonne de votre intérêt subit pour la situation des mineurs qui seraient placés en centre de rétention. En effet, vous avez été aux affaires pendant des années et ce problème ne vous préoccupait pas beaucoup !
Les centres de rétention administrative peuvent accueillir les mineurs accompagnant leurs parents sous réserve de l'accord de ces derniers et de la conformité du centre à des normes réglementaires.
C'est parce que vous ne les avez pas adaptés, madame !
Et vous, vous l'avez été pendant vingt ans !
Pendant vingt ans, je n'ai pas observé que vous les mettiez aux normes !
Ce n'est tout de même pas nous qui sommes à l'origine de la honte du centre de Sangatte ! Nous, nous avons réglé le problème en quelques semaines !
Protestations sur les travées du groupe socialiste.
Vous êtes mal placés pour donner des leçons ! Vous êtes restés suffisamment longtemps aux affaires au cours des vingt dernières années pour savoir que quatre ans constituent une durée très courte pour engager des procédures, organiser des appels d'offre, ouvrir des enquêtes d'utilité publique et lancer des chantiers !
Nous avons eu le mérite de programmer les crédits et d'entamer les procédures nécessaires. Étape par étape, nous accomplissons aujourd'hui ce que vous n'avez pas fait hier, en rénovant les centres de rétention. Ainsi, aux termes de l'article 14 du décret du 30 mai 2005, les centres susceptibles d'accueillir les familles d'immigrés devront disposer de chambres spécialement équipées et, notamment, de matériels de puéricultrices adaptés. Certaines de ces chambres ont déjà été réalisées !
Le respect de l'unité des familles et du droit de l'enfant constitue pour nous une exigence, alors qu'il ne vous a jamais préoccupé par le passé ! Bien entendu, nous veillons à ce que soit pleinement respectée la convention internationale des droits de l'enfant, qui stipule que l'enfant ne peut être séparé de ses parents.
À l'occasion de l'examen d'un précédent article, j'ai rappelé, au nom du ministre de l'intérieur, que nous avions lancé un grand programme visant la fermeture, la réhabilitation ou la construction de nombreux centres de rétention, conformément à toutes les normes en vigueur, ce qui n'avait jamais été la priorité des gouvernements précédents.
D'ailleurs, s'agissant de ce programme, j'apporte aujourd'hui une information supplémentaire à la Haute Assemblée : mardi dernier, sur décision du ministre d'Etat, le centre de rétention administrative pour hommes du dépôt du palais de justice de Paris a été fermé. §
Mesdames, messieurs les sénateurs, C'est nous qui avons fermé ce dépôt, dont les conditions matérielles étaient très insuffisantes, et non pas la majorité qui était au pouvoir entre 1997 et 2002, alors que le centre de rétention était déjà dans un état déplorable à l'époque !
Nous n'avons aucune leçon à recevoir dans ce domaine !
Le Gouvernement émet un avis totalement défavorable sur cet amendement. Il est par ailleurs favorable à l'amendement n° 48.
La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur l'amendement n° 198.
Je traiterai du fond et répondrai donc d'abord à M. le rapporteur.
Monsieur le rapporteur, vous avez affirmé qu'une simple assignation à résidence pourrait être prononcée et que la mise en rétention resterait exceptionnelle. Je vous en donne acte. Toutefois, même l'exception nous semble insupportable !
Monsieur le ministre, vous venez de donner un exemple parfait de votre façon d'appréhender les problèmes : quand vous ne disposez pas d'arguments sur le fond, quand vous n'avez rien à dire, vous faites de la polémique !
Je vous rappelle, car vous semblez l'avoir oublié, que pendant les vingt dernières années votre majorité a été au pouvoir pendant quelque temps - malheureusement, je vous l'accorde !
Selon vous, l'action menée par votre majorité serait parfaite. Ne faites-vous jamais retour sur vous-même ? Cela vous conduirait à penser que vous auriez pu agir autrement !
Ce 16 juin 2006, nous ne défendons pas une position de circonstance, nous exprimons une opposition de fond, nourrie par la réalité que nous observons et dont, me semble-t-il, aucun d'entre nous ne peut se satisfaire.
Monsieur le ministre, comme vous n'avez rien à répondre sur le fond, tant la situation est scandaleuse, vous faites de la polémique. Vous renvoyez les responsabilités sur tel ou tel et vous nous annoncez le dernier exploit du ministre d'État, à savoir la fermeture du dépôt du palais de justice de Paris. J'imagine que dans la suite de la discussion nous vous entendrons égrener d'autres exploits de ce type.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué le centre de Sangatte. Ces derniers temps, êtes-vous allé dans les environs de Sangatte et dans la ville de Calais ?
Avez-vous observé que ces immigrés clandestins, à la recherche non pas d'un séjour en France mais d'un passage vers l'Angleterre, vivent toujours là, et dans les pires conditions ?
Mon ami député Bernard Roman a évoqué à l'Assemblée nationale un article paru dans La Voix du Nord, un grand quotidien d'information qui n'est pas particulièrement connu pour ses opinions gauchistes. Selon cet article, des employés de la ville de Calais, qui étaient allés nettoyer un bois près d'une usine désaffectée, avaient trouvé, au milieu de monceaux de détritus, des abris de fortune où survivaient les gens qui avaient quitté Sangatte !
Je conçois que vous vous adressiez des éloges et publiez vos propres bulletins de victoire, car on n'est jamais si bien servi que par soi-même. Toutefois, il faut faire preuve de décence.
Revenons au sujet ! Que vous demandons-nous ? Pour ma part, je ne vous parle pas de Sangatte.
Je ne vous parle pas du dépôt du palais de justice de Paris, ni de l'action menée par les gouvernements Chirac, Balladur, Juppé ou, depuis quatre ans, par le gouvernement auquel vous appartenez.
Moi, je vous parle de ce que vous n'avez pas fait !
Vous n'avez rien fait, alors que nous agissons !
Ce qui vous ennuie, c'est de ne plus arriver à cacher la vérité !
Monsieur le ministre, seule la polémique vous permet d'occulter votre bilan, qui a déjà été sanctionné lors de plusieurs consultations électorales et qui le sera de nouveau en dépit de vos effets de manche.
Pour que chacun soit placé devant ses responsabilités, nous avons demandé un scrutin public sur cet amendement. Ainsi, les positions des uns et des autres seront claires. On connaîtra ceux qui, dans cette assemblée, font des effets de manche et promettent monts et merveilles sur le co-développement et l'humanitaire, entre autres, mais trouvent normal que des bébés soient placés en centre de rétention, ce que, pour notre part, nous n'accepterons jamais !
Pas du tout, monsieur Frimat !
Vous proposez de rédiger entièrement l'article L. 221-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que nous souhaitons simplement modifier. Si votre amendement était adopté, notre amendement n° 48 disparaîtrait, ce qui serait dommage, car tout le monde sur ces travées souhaite, me semble-t-il, qu'un administrateur ad hoc soit désigné.
Je souhaite donc que nous votions d'abord sur l'amendement de la commission.
Le Gouvernement émet un avis favorable.
Monsieur Frimat, je vous répondrai très sereinement. Vous parlez d'effets de manche. Or, vous le savez, dans l'action politique, il y a ceux qui parlent et ceux qui font.
Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
De plus, vos propos sont dépourvus d'humanité ! Vous parlez de clandestins et d'immigrés, moi j'évoque des malheureux que vous avez entassés comme du bétail à Sangatte !
Comparez ce qui se passe aujourd'hui et la situation que vous nous avez laissée. Les chiffres sont là. En 2002, trois mille immigrés étaient accueillis à Sangatte. Aujourd'hui, 150 repas sont distribués chaque jour. Nous avons divisé par vingt le nombre des immigrés et nous les accueillons d'une façon beaucoup plus humaine, solidaire et généreuse.
Monsieur Frimat, nos approches sont fondamentalement différentes.
Notre programme de modernisation des centres de rétention administrative, ce n'est pas un effet de manche ! Il s'agit de 110 millions d'euros engagés entre 2005 et 2007, alors que vous n'aviez programmé absolument aucun financement entre 1997 et 2002 !
J'ajoute que nous avons introduit la transparence là où régnait l'opacité. Nous avons créé une commission de contrôle des CRA, les centres de rétention administrative, dans laquelle la Croix Rouge et la CIMADE siègent à titre d'observateurs. Nous disons ce que nous faisons et faisons ce que nous disons !
Monsieur Frimat, nos démarches sont fondamentalement opposées et les effets de manche, ce matin, sont dans votre camp.
En la matière, la polémique n'est pas de mise, et cette remarque vaut pour tout le monde !
Monsieur le ministre, en ce qui me concerne, j'ai usé très rapidement du droit accordé aux parlementaires par la gauche, en 2000, de visiter ces lieux où les gens sont privés de liberté, qu'il s'agisse des prisons et autres centres de détention ou de rétention. Tous ceux qui, comme moi, s'intéressent de près à ce sujet ont ainsi pu prendre la réelle mesure des problèmes que posent un certain nombre de ces lieux.
Je n'ai donc pas attendu 2002 pour agir. Cela fait six ans que je me bats pour dénoncer la réalité du centre de rétention du palais de justice de Paris et pour exiger sa fermeture. Les personnes y étaient détenues dans les sous-sols dans des conditions indignes, enfermées comme des rats !
Vous nous annoncez ce matin qu'il a été fermé. Nous n'avons pas été prévenus officiellement. Je m'apprêtais d'ailleurs à m'y rendre la semaine prochaine ; j'irai de toute manière, pour vérifier qu'il est réellement fermé !
Me permettez-vous de vous interrompre, madame la sénatrice ?
La parole est à M. le ministre délégué, avec l'autorisation de l'orateur.
Madame la sénatrice, sur la période 2000-2006 que vous évoquez, chacun doit prendre sa part de responsabilité, en toute humilité. Je souscris d'ailleurs totalement à ce que vous dites : le droit offert par la gauche aux parlementaires de pouvoir visiter les prisons et, plus généralement, les centres de rétention et de détention sous toutes leurs formes s'est avéré très utile, car il a permis aux élus de prendre connaissance de la réalité de la situation.
Je le reconnais volontiers, le mérite en revient au gouvernement que vous souteniez à l'époque. Pour avoir moi-même usé de ce droit à plusieurs reprises, je partage totalement votre avis sur la situation indigne de certains centres de détention et de rétention.
Or c'est bien pour ces raisons que, sur la période 2002-2007, grâce aux deux lois d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure et pour la justice, grâce à la loi relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, nous avons engagé les moyens nécessaires en termes de programmation. Je le dis sans esprit de polémique, jamais, dans le passé, de tels moyens n'avaient été prévus !
Madame la sénatrice, s'agissant de la fermeture du dépôt du palais de justice de Paris, le ministre de l'intérieur a souhaité, par respect pour eux, que les membres de la Haute Assemblée en soient les premiers informés à l'occasion de ce débat.
En l'espèce, je n'irai pas jusqu'à dire : « Vous en avez rêvé : nous l'avons fait ! » Puisque nous partageons les mêmes convictions sur cet état des lieux, nous devrions tous nous réjouir d'une telle décision. Dans ce domaine, il y a encore tant d'autres défis difficiles à relever, qui nécessitent des moyens importants. Je vous propose de les relever ensemble, pour donner à la France le visage humain qu'elle se doit de présenter à l'ensemble des grandes nations du monde.
Monsieur le ministre, puisque vous m'avez donné votre interprétation sur le centre de rétention du palais de justice de Paris, je vais vous exposer la mienne !
Cela fait des années que les militants associatifs ne cessent de dénoncer cette situation. Certains parlementaires qui sont allés sur place s'en sont rendu compte par eux-mêmes. C'est bien grâce à toutes ces actions, relayées par la presse, que le ministère de l'intérieur a considéré qu'une telle situation ne pouvait plus perdurer et qu'il convenait de fermer cet endroit honteux pour la République !
En définitive, voilà trois ans que sa fermeture aurait dû être prononcée. Mais, tous les six mois, elle était reportée.
Vous annoncez que ce centre est désormais fermé : tant mieux ! Cela dit, puisque vous n'avez pas l'intention de diminuer le nombre de personnes placées en rétention, les problèmes ne seront pas résolus pour autant. Elles seront simplement transférées au centre de rétention de Vincennes, qui accueillera encore plus de monde !
J'en viens maintenant à la situation des mineurs isolés qui séjournent en centre de rétention.
À l'époque où la gauche a institué l'intervention d'un administrateur ad hoc, j'avais essayé, mais en vain, de faire adopter une disposition pour que mineurs isolés soient en tout état de cause confiés à l'ASE, l'aide sociale à l'enfance.
Malgré toute leur bonne volonté, que je suppose réelle, les administrateurs ad hoc sont trop peu nombreux et ne disposent pas du temps et des moyens nécessaires pour examiner concrètement la situation des mineurs isolés. J'aimerais donc avoir des précisions sur ce point, car les décisions sont souvent prises à la va-vite. Pour ma part, je considère toujours qu'il eût été préférable que les mineurs isolés soient confiés à l'ASE.
D'ailleurs, puisque vous en appelez à un consensus sur la question, puisque vous souhaitez une réponse humaine, nous nous honorerions à déclarer unanimement qu'il est absolument inadmissible que des enfants en bas âge séjournent en centres de rétention. Je vous invite tous à vous y rendre, car il faut voir de près comment cela se passe.
Mais pas du tout ! Justement, cela fait six ans, depuis 2000, que je dénonce cette réalité !
Il nous faut créer les conditions nécessaires pour éviter que des familles comptant des enfants en bas âge ne soient placées en centre de rétention.
Monsieur le ministre, dans votre réponse à notre collègue Bernard Frimat, vous avez utilisé des arguments qui relèvent plus du débat médiatique que du débat parlementaire.
Vous nous accusez de n'avoir rien fait pendant vingt ans. Permettez-moi tout de même de vous le rappeler en toute équité, depuis 1986, la gauche et la droite ont chacune gouverné pendant dix ans. Cessez donc cette partie de ping-pong, car vos joutes oratoires fatiguent les Français !
Notre préoccupation rejoint celle que notre collègue Nicole Borvo Cohen-Seat vient d'exprimer : il est absolument intolérable d'autoriser la présence de jeunes enfants dans les centres de rétention.
En l'occurrence, il ne s'agit pas de nous appesantir sur ce que chacun a fait ou n'a pas fait.
C'est dommage de ne pas expliquer ce que vous avez fait. Vous auriez d'ailleurs du mal, puisque vous n'avez rien fait !
Monsieur le ministre, vous vous prétendez d'une grande sensibilité sur le plan humain. Alors, saisissez l'occasion qui vous est donnée par la discussion de ce projet de loi pour accepter cette mesure pleine d'humanité, qui vise à empêcher la présence de jeunes enfants dans les centres de rétention.
Aujourd'hui, notre responsabilité, c'est de légiférer et non de compter les points et de recenser les manques des vingt dernières années, qui, je le rappelle, sont fort équitablement partagés.
Mais cela m'intéresse de compter les points !
Parce que votre bilan est très déficitaire !
Monsieur le ministre, nous ne sommes pas ici pour compter les points de chaque camp.
Mais si, car il s'agit d'un problème d'humanité !
Nous sommes ici pour essayer de trouver une solution à la situation inhumaine vécue malheureusement par tant d'hommes, de femmes et d'enfants. Il faut d'ailleurs aborder le problème sous plusieurs angles, notamment pour identifier ceux qui sont responsables de toutes ces misères.
En ce qui concerne les mineurs isolés, dois-je vous rappeler que la France a signé la convention internationale des droits de l'enfant, qui protège tous les enfants jusqu'à l'âge de dix-huit ans ? Avec ce projet de loi, vous faites donc un pas supplémentaire dans la mauvaise direction, en institutionnalisant, une fois de plus, la violation de nos engagements internationaux.
Lorsqu'il est venu nous présenter ce projet de loi, M. Sarkozy nous a donné certains exemples sur le plan européen. Pour ma part, je citerai l'Italie, car le gouvernement de M. Prodi est en train d'y fermer les centres de rétention, indignes de notre époque.
De toute manière, nous ne pouvons pas rendre humain ce qui est inhumain. Aujourd'hui, nous avons la preuve que ces centres sont devenus, qu'on le veuille ou non, de véritables prisons administratives, même s'ils n'en portent pas le nom.
Il est inacceptable d'y placer des personnes sans papiers qui essayent de survivre et de sortir de leur misère. Ce ne sont pas des délinquants ni des voleurs, encore moins des violeurs ou des meurtriers. Ils n'ont commis aucun autre délit que celui d'essayer de s'en sortir. Alors pourquoi les mettre en prison ?
Nous, les Verts, nous nous sommes toujours battus pour la fermeture de ces centres de rétention. Aujourd'hui, notre proposition est claire : nous souhaitons privilégier les assignations à résidence, qui constituent une manière beaucoup plus humaine pour essayer de régler la question.
En outre, nous préférons que les mineurs isolés soient confiés à l'ASE, qui dispose des moyens pour les sortir de leur situation et pour leur préparer un meilleur avenir.
J'ai été saisie d'un amendement n° 198 rectifié, présenté par M. Frimat, Mme Alquier, MM. Badinter, Bel et Bockel, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :
Avant l'article 33, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 551-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un article L. 551-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 551 -4.- Le mineur de 18 ans ne peut être placé en centre de rétention administrative. »
La parole est à M. Bernard Frimat.
J'ai bien entendu les propos de M. Hyest sur la rédaction initiale de notre amendement, qui ne prévoit pas la désignation d'un administrateur ad hoc. Je le remercie de ses conseils avisés, qui sont bien arrivés jusqu'à moi ! Je viens donc de déposer un amendement n° 198 rectifié, qui n'enlève rien au fond de notre proposition. Nous sommes ouverts à la discussion pour faire avancer nos idées.
Mes chers collègues, il ne faudrait tout de même pas ignorer la réalité du problème !
Madame Boumediene-Thiery, vous êtes contre les centres de rétention. C'est votre point de vue, soit ! Mais, si nous vous suivons, tous ceux qui sont en situation irrégulière pourront faire ce qu'ils veulent et circuler comme ils l'entendent !
Mais non, je propose une assignation à résidence. Vous êtes toujours dans la suspicion totale !
Il faut bien surveiller tous ceux qui fraudent et ont des faux papiers ! Quelles autres solutions avons-nous ? Vous nous dites que M. Prodi ferme les centres de rétention en Italie. C'est vrai, mais nous en avons aussi fermés en France, parce qu'ils étaient indignes.
Je vous l'accorde, les centres de rétention administrative ne doivent pas être des prisons. Il s'agit de disposer d'endroits suffisamment adaptés pour que des familles puissent normalement y séjourner, le moins longtemps possible, bien entendu.
Mes chers collègues, vous avez avancé des arguments inouïs pour dénoncer la faiblesse de notre pays en la matière.
Mais si, cela existe sous une forme ou sous une autre ! Au demeurant, nous devons pouvoir « garder sous la main » ces personnes pour vérifier leur situation. C'est la moindre des choses, du moment que tout se passe dans le respect de leur dignité !
Quand je vous écoute, je me demande vraiment où nous sommes !
Vos propos sont parfois totalement irréalistes ! Aucun pays ne peut se priver des moyens de pouvoir retenir, à n'importe quel moment, les étrangers en situation irrégulière. C'est notre seule garantie en la matière.
En revanche, beaucoup d'efforts doivent être faits sur la qualité et l'adaptation des centres de rétention. Bien entendu, il ne faut pas placer une personne en centre de rétention si elle donne toutes les garanties nécessaires.
Madame Tasca, j'ai présidé la commission d'enquête du Sénat sur les prisons. Nous avons constaté un désintérêt, quasi séculaire, de la République pour ces questions. Pour autant, le plan prévu dans la loi d'orientation et de programmation pour la justice commence à porter ses fruits et améliorera la situation sur beaucoup de points.
À ce sujet, je souhaiterais d'ailleurs rappeler que, si la construction d'établissements pénitentiaires a été parfois impossible - je pense notamment à Lyon, où une prison est indigne -, c'est parce que certains élus locaux, qui se réclament pourtant hautement de la justice et des droits de l'homme, n'ont rien fait pour la favoriser.
M. Philippe Goujon. applaudit
Madame Boumediene-Thiery, nous ne sommes effectivement pas là pour compter les points. Des femmes et des hommes qui siègent à gauche dans cet hémicycle ne peuvent pas dire qu'eux seuls aiment les enfants. Nous aimons autant que vous les enfants qui arrivent sur le sol de la République !
Cela étant, comme l'a dit le président Hyest, ce qui est important, c'est l'accueil des familles et des mineurs. C'est la raison pour laquelle la problématique de l'administrateur ad hoc est essentielle, de même que la façon dont un certain nombre de renseignements sont dispensés.
À cet égard, monsieur le ministre, je souhaiterais soulever un problème majeur : vous savez qu'actuellement, pour déterminer l'âge de nos enfants, il existe une méthodologie osseuse qu'un certain nombre de médecins jugent inadaptée. Il convient d'entendre ces experts médicaux car, si l'on progressait en la matière, cela permettrait de savoir qui est vraiment mineur, ce qui réglerait un certain nombre de problèmes.
Selon vous, il n'y a que des faux ! Il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour, chère madame !
Il est assez rare que je prenne la parole dans cet hémicycle, mais je voudrais vous faire part de mon expérience personnelle.
Depuis des années, bien avant mon entrée dans la vie politique, je m'occupe des droits de l'enfant au sein d'une association qui lutte contre la maltraitance des enfants dans notre pays.
Madame Boumediene-Thiery, quand je vous entends parler d'enfants de dix-huit ans...
Je ne vous interromps jamais ! Si vous me laissiez parler, ce serait très aimable de votre part.
Aujourd'hui, il y a un mot que l'on oublie, c'est le mot « respect » : respect des enfants, respect des individus.
Aujourd'hui, il est inadmissible que l'on enferme des personnes dans des conditions absolument indignes de notre pays. Actuellement, le problème est non pas la mise en rétention des familles, des enfants, des mineurs, des petits-enfants, mais les conditions dans lesquelles on les détient.
Dans mon association, nous préférons un enfant en rétention avec sa famille, dans de bonnes conditions, plutôt que dans un état épouvantable parce que sa famille s'en désintéresse.
Je parle par expérience et si je m'énerve c'est parce que je vois, aujourd'hui, les conditions inadmissibles dans lesquelles vivent certains enfants, sans parler du traitement que leur réserve leur famille : un animal, madame, ne le ferait pas subir à son petit !
Croyez-moi, il est préférable que ces personnes soient en rétention dans de bonnes conditions plutôt qu'abandonnées sur notre territoire, sans aucune surveillance, dans un total dénuement, et dans des conditions épouvantables.
Mon propos ira dans le sens de celui de Mmes Hermange et Debré, que je remercie pour leurs interventions particulièrement pertinentes.
Dans chacun de nos textes relatifs à la sécurité intérieure ou à l'immigration, de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure au présent texte, le Gouvernement s'est toujours préoccupé du sort des enfants afin de régler un certain nombre de situations qui étaient inacceptables dans notre pays
Vous faites référence aux enfants. Or, nous savons que les enfants étrangers, comme vous le dites si bien, sont malheureusement très souvent l'objet d'exploitation...
...de la part d'un certain nombre de gens que je qualifierai de « criminels », d'organisateurs de filières de traite d'êtres humains.
On connaît, par exemple, les filières roumaines et la manière dont on organise, en Roumanie, l'infirmité d'un certain nombre d'enfants pour les exploiter ensuite dans un certain nombre d'autres pays. La France a été, en la matière, l'un des principaux pays cibles et il a fallu une grande négociation entre le gouvernement français et le gouvernement roumain pour que nous puissions démanteler, les unes après les autres, ces filières.
Grâce à un certain nombre de dispositions, notamment de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, puis de la loi relative à la sécurité intérieure, nous avons pu non seulement y mettre un terme, mais en plus apporter, chez nous, un traitement social à l'ensemble de ces mineurs.
Votre proposition, madame Hermange, mérite d'être prise en compte : nous avons déjà engagé des procédures en termes d'analyses génétiques et autres pour préciser l'âge des intéressés, sachant qu'un certain nombre de filières se sont livrées à de nombreuses manipulations.
Pour aller dans le sens de Mme Isabelle Debré, j'ajouterai que nos centres de rétention - et j'en ai visité, madame Borvo - sont organisés de manière qu'en accueillant un mineur ils accueillent un enfant.
En effet, je tiens à le rappeler, un centre de rétention n'est pas centre de détention, ni une prison.
C'est un lieu où, comme vous l'avez dit, monsieur Portelli, on accueille un étranger pour vérifier sa situation au regard de la législation nationale.
Ou bien l'étranger concerné est en situation régulière et il y passe peu de temps, ou bien il est en situation irrégulière auquel cas, souvent avec le concours d'un certain nombre d'associations, on étudie leur éventuelle régularisation ou leur rapatriement.
En aucun cas, les mineurs isolés ne peuvent être renvoyés dans leur pays d'origine. Ils font donc l'objet d'un traitement social très précis et les conditions d'accueil qui leur sont réservées sont alors souvent nettement supérieures à celles qu'ils connaissent lorsque l'administration les prend en charge. Ils bénéficient d'un cadre nettement plus humain, qui nous permet bien souvent de les mettre à l'abri d'un certain nombre de situations indignes.
Vous donnez le sentiment que nous placerions des mineurs en centre de rétention dans des conditions indignes. Or il n'en est rien. En effet, nous essayons, au contraire, de les protéger en les mettant à l'abri d'un certain nombre de menaces, en les faisant bénéficier d'un traitement social qui fait de la France un pays exemplaire en la matière.
Le débat que vous avez ouvert nous a permis de démontrer que notre pays est exemplaire par rapport à un grand nombre d'autres nations. Je remercie les orateurs de la majorité qui, par leurs interventions, ont largement remis à plat les choses, relativisé les critiques et tout simplement démontré que la démarche dans notre pays était à l'opposé de ce que d'aucuns laissent entendre.
Je suis saisie d'un amendement n° 198 rectifié bis, présenté par M. Frimat, Mme Alquier, MM. Badinter, Bel et Bockel, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 33, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 551-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un article L. 551-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 551 -4.- Le mineur de moins de 13 ans ne peut être placé en centre de rétention administrative. »
La parole est à M. Bernard Frimat.
Madame Debré, je vous ai écoutée sans vous interrompre et je vous ai entendu dire qu'à dix-huit ans on n'est plus un enfant. À cet age, et nous serons d'accord sur ce point, on est mineur. Cela m'a conduit à rectifier mon amendement de façon qu'il vise les mineurs « de moins de treize ans » et que la notion d'enfant ne donne plus lieu à débat.
Ce que nous demandons, d'autres le demandent. J'ai déjà cité Álvaro Gil-Robles et son rapport : je pense que c'est suffisant. La priorité va jouer pour l'amendement n °48.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n °198 rectifié bis ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable. Laissez-moi, monsieur Frimat, vous livrer un exemple : si un enfant de moins de treize ans, en situation irrégulière, est exploité par une filière...
Exclamations sur les travées du groupe CRC.
Il n'est pas isolé, il est avec sa famille.
Monsieur Frimat, vous avez proposé la discussion et vous savez combien j'y suis attaché, notamment sur ce point qui est important.
Votre intention est généreuse, mais je vois les rapports qui nous parviennent et les situations dramatiques auxquelles nous sommes confrontés.
Ne pensez surtout pas que je mette un seul instant en cause les bonnes intentions qui ont présidé à l'élaboration de votre amendement, mais mesurez aussi les drames qu'il pourrait générer chez un certain nombre d'enfants de moins de treize ans, qui subissent, eux, totalement l'exploitation de leur propre famille.
Nous ne pourrions plus les mettre à l'abri si, par votre amendement, vous remettez en cause l'organisation administrative actuelle.
C'est précisément parce que nous voulons protéger ces enfants que nous ne pouvons qu'être défavorables à votre amendement.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 33.
Je mets aux voix l'amendement n° 198 rectifié bis.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin a lieu.
Il est procédé au comptage des votes.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 209 :
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 47, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Avant l'article 33, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le début du troisième alinéa de l'article L. 222-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé : « Par décision du juge, l'audience peut également se dérouler...
le reste sans changement
L'amendement n° 46, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Avant l'article 33, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le début de l'article L. 552-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé : « Par décision du juge, les audiences prévues au présent chapitre...
le reste sans changement
Il s'agit de donner la possibilité de recourir au dispositif de visioconférence au moment des audiences de prolongation de la rétention administrative. Le consentement de l'étranger serait supprimé et l'entière liberté de recourir ou non à la visioconférence serait laissée au juge.
Nous estimons, depuis 2003 et la loi Perben II, que ce dispositif doit continuer à être encouragé, à une condition qui est essentielle et que nous avons eu l'occasion de vérifier, à savoir que les droits accordés aux parties au procès soient évidemment parfaitement respectés et qu'elles aient toute latitude pour les exercer.
S'agissant de ces deux amendements, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée, car il a un doute sur la possibilité de supprimer le consentement de l'étranger, eu égard à la décision du Conseil constitutionnel en date du 20 novembre 2003.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 33.
Je mets aux voix l'amendement n° 46.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 33.
L'amendement n° 393, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 33, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les articles 131-30, 213-2, 221-11, 222-48, 225-21, 311-15, 312-14, 321-11, 322-16, 324-8, 414-6, 422-4, 431-8, 431-12, 431-19, 434-46, 435-5, 441-11, 442-12, 443-7, 444-8, du code pénal sont abrogés.
Les articles L. 362-5 et L. 364-9 du code du travail sont abrogés.
L'article 8-1 de la loi n° 73-548 du 27 juin 1973 relative à l'hébergement collectif, tel que modifié par la loi n° 93-1027 du 24 août 1993 est abrogé.
Le dernier alinéa de l'article 42-11 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives est abrogé.
Le II de l'article 18 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité est abrogé.
L'article 476-16 du code de la justice militaire est abrogé.
Le 2° du II de l'article 78 de la loi n° 98-467 du 17 juin 1998 relative à l'application de la Convention du 13 janvier 1993 sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques et sur leur destruction est abrogé.
L'article 729-2 du code de procédure pénale est abrogé.
Le 5° de l'article 23 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure est abrogé.
L'article 6 de la loi du 18 août 1936 portant abrogation de la loi du 12 février 1924 et réprimant les atteintes au crédit de la nation est abrogé.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Le ministre de l'intérieur avait promis d'abolir la double peine ; il dit l'avoir fait dans sa loi du 26 novembre 2003. Or il n'en est rien : elle demeure toujours une réalité quotidienne.
Je recommande, sur ce point, la lecture du Livre noir de la double peine, qui a été récemment édité par la CIMADE, le GISTI, la LDH et le MRAP.
Aux termes de la loi de 2003 ont seulement été créées quelques catégories protégées. Le résultat est qu'aucun étranger n'est totalement à l'abri d'une expulsion, quand bien même il est en mesure de prouver de fortes attaches familiales et de longues années de vie en France, puisque la notion de « liens privés et familiaux », qui permet cette protection, est entendue restrictivement.
En matière de vie familiale, la protection ne concerne que les conjoints de Français et les parents d'enfants français. Même pour eux, s'ajoute la condition d'un séjour régulier en France d'au moins dix ans.
Quant à la vie privée, la protection n'est accordée que si la personne concernée réside en France depuis qu'elle a atteint au plus l'âge de treize ans ou si elle y a résidé régulièrement pendant vingt ans au moins.
On est bien loin de l'abolition de cette « double peine », qui contrevient pourtant à plus d'un titre aux principes directeurs de notre droit pénal.
C'est une règle discriminatoire, qui aboutit à punir une personne deux fois pour un même délit, au motif exclusif qu'elle n'est pas de nationalité française. Elle heurte le principe d'égalité devant la loi pénale en créant une peine sans lien direct avec l'infraction elle-même mais fondée sur la qualité d'étranger de la personne concernée.
Cette discrimination créée par la peine d'interdiction du territoire apparaît encore aggravée quand on s'attache à ses conséquences, qui vont jusqu'à contredire le principe de la personnalisation des peines. Elle rend, par exemple, impossible de fait les mesures d'aménagement de la peine.
Elle contrevient donc aux droits fondamentaux au travail ou à la formation de la personne concernée, au motif de sa situation irrégulière au regard du droit au séjour.
Dès lors, parce que l'objectif de réinsertion sociale disparaît, c'est le sens même de la peine qui se trouve dilué avec l'interdiction du territoire français.
De plus, elle a des conséquences extrêmement lourdes pour les personnes condamnées, qui, vivant en France depuis de nombreuses années, y ont toutes leurs attaches. Le retour dans un pays avec lequel elles n'ont d'autres liens que celui d'une « nationalité de papier » apparaît alors, à bien des égards, dramatique, lorsqu'il les sépare de leur famille, de leurs amis, de leurs voisins, de leur école ou de leur travail.
Pour toutes ces raisons, nous pensons qu'il est urgent d'en finir avec la double peine. Tel est l'objet de notre amendement.
Cette disposition est de la même veine que l'amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 22, que nous avons examiné hier, et qui portait sur la suppression éventuelle des délits d'aide à l'entrée illégale ou d'entrée illégale sur le territoire. Le présent amendement visant à supprimer une peine complémentaire relative à l'interdiction du territoire français, la commission émet un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article L. 213-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par les mots : «, soit d'un arrêté de reconduite à la frontière pris, moins d'un an auparavant, sur le fondement du 8° du II de l'article L. 511-1 et notifié à son destinataire après la publication de la loi n° du relative à l'immigration et à l'intégration ».
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 196 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 394 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l'amendement n° 196.
En l'occurrence, il s'agit d'un amendement de suppression, ce qui ne surprendra personne.
La proposition qui nous est faite, en effet, fait partie, à nos yeux, de cette politique du « tout-répressif » - nous avons déjà amplement développé notre point de vue sur ce sujet - mais aussi du « tout-inutile ». §
En effet, il existe déjà des procédures grâce auxquelles l'interdiction d'accès au territoire dans les conditions prévues dans la nouvelle rédaction de l'article 33 peut être prononcée : l'article L. 213-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui permet d'interdire l'accès au territoire pour la préservation de l'ordre public, par exemple en cas d'interdiction d'accès au territoire ou d'arrêté d'expulsion ; la loi du 18 mars 2003, qui permet la reconduite à la frontière si la personne concernée, qu'elle soit ou non en possession d'un visa, trouble l'ordre public ; la loi du 26 novembre 2003, qui a étendu le dispositif à ceux qui travaillent de façon clandestine alors qu'ils n'ont qu'un visa touristique.
La rédaction qui nous est proposée est inutile et, en fait, dangereuse, puisqu'elle tend surtout à ce que l'accès du territoire puisse être refusé sans que cette interdiction soit motivée. Il y a là une atteinte aux droits fondamentaux. C'est une disposition très grave au regard des droits de l'homme. Il est possible que cette mesure soit déférée au Conseil constitutionnel et que celui-ci soit donc amené à se prononcer.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 394.
La loi du 26 novembre 2003 a prévu la possibilité de prononcer contre une personne étrangère une mesure de reconduite à la frontière sur le fondement de la menace à l'ordre public édictée au 8°de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
L'article 33 du présent projet de loi prévoit la possibilité de lui refuser l'accès au territoire français pendant un an : est ainsi réintroduite dans la législation l'interdiction administrative du territoire. Si l'on y accole la disposition de l'article L. 624-1, qui fait du retour un délit punissable de trois ans de prison, tous les éléments sont réunis pour que la mesure de reconduite à la frontière emporte de plein droit l'interdiction du territoire.
Il y a là un glissement très dangereux, une nouvelle double peine, en quelque sorte.
De plus, est confié au préfet le contrôle de l'accès au territoire.
La possibilité de prendre un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière ne visait jusqu'alors qu'à mettre fin à une situation irrégulière. La menace à l'ordre public devait être établie pour interdire l'accès au territoire lors de l'examen de la demande de visa. Demain, si cet article était adopté, et comme le souligne très justement la commission, « la menace à l'ordre public n'aurait pas à être spécialement établie ». Une menace « simple » pourra donc entraîner un refus de visa.
La disposition insérée dans l'article 33 a pourtant été censurée par le Conseil constitutionnel, dans une décision en date du 13 août 1993 prise sur le fondement de l'article VIII de la Déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. »
Dans cette décision, le Conseil constitutionnel a considéré qu'une punition, à savoir l'interdiction du territoire, était prononcée sans égard quant à la gravité du comportement ayant motivé l'arrêté de reconduite à la frontière et sans possibilité d'en dispenser l'intéressé, ni d'en faire varier la durée.
L'automaticité de la mesure prévue par l'article 33 ignore ce critère de gravité et interdit tout aménagement de la peine.
Cet article 33 vise à ce que soit refusée l'entrée sur le territoire français aux étrangers qui, moins d'un an auparavant, ont été frappés d'un arrêté de reconduite à la frontière édicté au cours d'un séjour de moins de trois mois. Il tend, notamment, à lutter contre le travail clandestin et les filières liées à cette situation.
Aussi, la commission est défavorable à ces deux amendements de suppression.
J'aimerais que chacun sache exactement de quoi nous parlons.
À qui s'applique la double peine ? Je n'ai pas envie de faire de polémique...
...mais je rappelle que, sur ce sujet, nous avons partagé les mêmes convictions. Vous avez proposé la suppression de la double peine. M. Nicolas Sarkozy a inscrit dans notre législation la suppression de cette double peine.
Si ! La double peine concerne un étranger installé en France de manière durable, ayant des intérêts personnels, une famille, et qui commet un délit : le fait de le sanctionner pour ce délit et de l'expulser constitue une double peine.
Dans le cas présent, il ne s'agit absolument pas de cette situation, il s'agit des visas Schengen, c'est-à-dire des visas touristiques d'une durée maximale de trois mois.
Ne me dites pas, madame le sénateur, que la mesure prévue à l'article 33 - le fait d'interdire le territoire national à un étranger venu pour trois mois en France et qui y commet un délit - s'assimile à une double peine !
J'attire votre attention sur le fait qu'au cours de l'année écoulée cent trente personnes, dans notre pays, ont été frappées par un tel arrêté. Qui étaient-elles ? Il s'agissait d'individus extrêmement dangereux, à savoir des proxénètes, des trafiquants d'armes, de drogue, d'enfants, des individus qui sont à la tête de filières criminelles particulièrement dangereuses.
Grâce à l'expulsion de ces cent trente personnes particulièrement dangereuses qui organisaient des filières pouvant, à tout instant, menacer la sécurité personnelle des citoyens français ou étrangers vivant en France, des centaines d'autres qui étaient exploitées et des milliers d'autres qui en subissaient les conséquences se sont trouvées mises à l'abri.
Comprenez bien une chose : de telles expulsions ne s'assimilent pas du tout à une double peine ; grâce à elles, nous mettons hors d'état de nuire sur le territoire national un certain nombre d'individus dangereux.
Par cet article 33, il ne s'agit de rien d'autre que de renforcer les moyens dont dispose l'État français pour lutter contre ces filières et contre ces individus. Je ne comprends donc pas vos arguments. Mais sans doute n'aviez-vous pas compris que ces mesures visaient ce genre d'individus ?
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'article 33 est adopté.
L'amendement n° 268, présenté par M. Frimat, Mme Alquier, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 34, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 213-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... . - Lorsque l'étranger sollicite son admission au titre de l'asile, la décision de refus d'admission ne peut être prononcée qu'en raison du caractère manifestement infondé de la demande d'asile.
« Une demande d'asile a un tel caractère lorsqu'elle est manifestement insusceptible de se rattacher à des motifs de reconnaissance de la qualité de réfugié au sens de l'article L. 711-1 du présent code ou d'octroi de la protection subsidiaire au sens de l'article L. 712-1 du présent code. »
La parole est à M. Bernard Frimat.
Par cet amendement, il s'agit de tenter de préciser la notion de demande manifestement infondée.
Nous sommes tous conscient des conséquences graves qu'une décision erronée, et il peut s'en produire, peut avoir pour le demandeur d'asile. Il convient donc de préciser juridiquement ce que signifient les mots « manifestement infondée ». Je reconnais que ce n'est pas chose aisée, car le terme « infondé » vient d'un barbarisme anglais mal traduit et on se trouve donc souvent dans une situation juridique incertaine.
Nous proposons de retenir la définition fondée sur les conclusions du comité exécutif du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés, auquel on peut reconnaître une certaine expertise en ce domaine. Cette définition renvoie aux articles L. 711-1 et L. 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui reprennent ces éléments.
En effet, selon l'article L. 711-1 du présent code, « la qualité de réfugié est reconnue à toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté ainsi qu'à toute personne sur laquelle le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés exerce son mandat aux termes des articles 6 et 7 de son statut tel qu'adopté par l'Assemblée générale des Nations unies le 14 décembre 1950 ou qui répond aux définitions de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ». L'objectif de notre amendement est donc de nous permettre de disposer d'une référence plus précise.
Ensuite, selon l'article L. 712-1, « sous réserve des dispositions de l'article L. 712-2, le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé à toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié mentionnées à l'article L. 711-1 et qui établit qu'elle est exposée dans son pays à l'une des menaces graves suivantes :
« a) la peine de mort ;
« b) la torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;
« c) s'agissant d'un civil, une menace grave, directe et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d'une violence généralisée résultant d'une situation de conflit armé interne ou international ».
Il s'agit donc d'une tentative de précision juridique afin que l'on sache exactement de quoi on parle.
Actuellement, c'est l'OFPRA, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui se prononce sur les demandes d'asile à la frontière. Compte tenu de sa compétence particulière en la matière, il est tout à fait susceptible d'appréhender ces situations de la meilleure façon possible. C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'intitulé du titre Ier du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé : « L'obligation de quitter le territoire français et la reconduite à la frontière ».
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 197 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 395 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l'amendement n° 197.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 395.
On entend beaucoup de choses dans cet hémicycle. Vous me permettrez donc de formuler quelques remarques sur la façon dont vous nous présentez les choses.
J'en viens à l'amendement n° 395. Si l'article 34 paraît de pure forme, il s'agit en fait d'une disposition qui anticipe la décision de notre assemblée concernant l'article 36, qui crée cette mesure. Notre demande de suppression de cet article, ou en quelque sorte de coordination préventive, est ainsi conforme à notre refus de voir adoptée cette nouvelle mesure administrative d'éloignement qu'est l'obligation de quitter le territoire français, l'OQTF - sigle formidable ! -, qui serait associée à une décision préfectorale statuant sur un titre de séjour.
Dans l'état actuel de la législation, un étranger qui fait l'objet d'un refus de délivrance, de renouvellement ou de retrait de titre de séjour se voit notifier par l'administration une décision correspondant à une de ces trois situations et invitant en général l'étranger à quitter le territoire. Celui-ci peut alors engager, dans le délai de deux mois, les recours administratifs habituels, s'il conteste la décision prise à son encontre.
Si l'article 36 était adopté, ce dispositif serait bouleversé. Sous couvert de simplification et de réduction du contentieux - ce qui reste à prouver -, cette nouvelle mesure constitue une atteinte de plus aux droits fondamentaux des personnes et un affichage de la façon dont vous entendez traiter les étrangers.
Il s'agit d'une mesure de contrainte - « l'invitation » devenant « obligation », car vous jouez en plus sur les mots - réglant en une seule fois la situation de l'étranger concerné. Quant au nouveau dispositif de recours, il constitue une régression par rapport à la situation actuelle.
Ainsi que le dénoncent de nombreuses organisations, cette disposition rendrait très difficile toute possibilité d'examen de la situation des personnes, dans un premier temps quant à leur droit au séjour, dans un second temps quant à leur souhait de repartir volontairement, et enfin quant aux conséquences d'un retour forcé au regard de leurs droits fondamentaux.
Nous reviendrons bien entendu au cours du débat sur tous ces éléments et sur leurs conséquences. Mais, d'ores et déjà, nous demandons la suppression de l'article 34.
Défavorable.
S'agissant du fond, nous nous expliquerons au moment de l'examen de l'article 36.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'article 34 est adopté.
L'intitulé du chapitre Ier du titre Ier du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé : « Cas dans lesquels un étranger peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière ».
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 200 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 396 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l'amendement n° 200.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 396.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'article 35 est adopté.
L'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :
1° Les dispositions actuelles constituent un II ;
2° Au début de l'article, il est inséré un I ainsi rédigé :
« I. - L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa.
« La même autorité peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse à quitter le territoire français lorsqu'elle constate qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par l'article L. 121-1.
« L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai d'un mois à compter de sa notification. Durant ce délai, l'étranger a la possibilité de solliciter le dispositif d'aide au retour financé par l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations. Passé ce délai, cette obligation peut être exécutée d'office par l'administration.
« Les dispositions du titre V du présent livre peuvent être appliquées à l'étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dès l'expiration du délai prévu à l'alinéa précédent. » ;
3° Les 3° et 6° sont abrogés.
Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 201 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 397 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l'amendement n° 201.
Cet article réforme de façon importante le contentieux administratif en matière de droit des étrangers.
Actuellement, dans trois hypothèses - le refus de délivrance, le refus de renouvellement et le retrait d'un titre de séjour -, l'administration procède de la façon suivante : la décision de refus ou de retrait est assortie d'une invitation à quitter le territoire dans un délai d'un mois. Ce délai coïncide avec la possibilité de solliciter le dispositif d'aide au retour financé par l'ANAEM, l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, qui a remplacé l'OMI, l'Office des migrations internationales.
Cette décision est alors susceptible d'un recours gracieux ou d'un recours contentieux auprès du tribunal administratif. Mais aucun de ces recours n'est suspensif de la décision de refus ou de retrait. Passé le délai d'un mois à compter de l'invitation à quitter le territoire, l'administration a la possibilité de prendre un arrêté de reconduite à la frontière, mesure d'éloignement contraignante qui peut, à son tour, faire l'objet d'un recours contentieux devant le tribunal administratif dans un délai de 48 heures.
Dans les trois mêmes hypothèses, le projet de loi prévoit que l'administration peut assortir sa décision de refus ou de retrait d'un titre de séjour ou du récépissé de demande de carte de séjour d'une OQTF. L'étranger dispose alors d'un délai d'un mois pour quitter le territoire volontairement.
En revanche, passé ce délai, l'OQTF vaut mesure d'éloignement contraignante : l'administration n'a pas besoin de prendre une nouvelle décision. Ainsi, le refus de délivrance, de renouvellement ou de retrait d'un titre de séjour, et l'OQTF qui peut l'accompagner constituent les deux volets d'une décision unique, qui ne peut faire l'objet que d'un seul recours devant le tribunal administratif. Celui-ci doit être introduit dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision de refus ou de retrait, assortie d'une OQTF. Ce recours suspend l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, sans pour autant faire obstacle au placement en rétention administrative.
Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine.
Si l'obligation de quitter le territoire est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance et l'étranger est muni d'un titre de séjour provisoire jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas.
Présentée abusivement comme une simplification administrative, la radicalisation apparente de l'éloignement repose sur une logique d'affichage. Elle peut s'avérer le cas échéant, et dans l'hypothèse de la mise en place de quotas nationaux ou ethniques, être une arme d'autant plus redoutable que l'appel reste non suspensif.
Sous prétexte de désengorger les tribunaux et de fusionner les décisions de refus ou de retrait du titre de séjour avec la décision de reconduite à la frontière, cet article prive les étrangers du droit de se défendre, ce qui représente, à nos yeux, une régression inacceptable.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 397.
L'article 36 crée l'OQTF, mesure directement inspirée du projet de directive européenne sur les normes et procédures communes en matière d'éloignement du territoire.
Il s'agit d'associer à une décision de l'administration préfectorale statuant sur un titre de séjour non plus une mesure d'invitation à quitter le territoire français, comme c'est le cas actuellement, mais une décision distincte, l'obligation de quitter le territoire français. Cette mesure de contrainte, car il s'agit d'une obligation et non plus d'une invitation, présente l'avantage, pour les préfectures, de ne plus avoir à prendre, après une décision rendue sur un titre de séjour, une mesure de reconduite à la frontière quelques semaines après.
Le cas de l'étranger serait ainsi réglé en une seule fois, le refus de séjour étant associé automatiquement à l'obligation de quitter le territoire. L'étranger aurait donc un mois après la notification conjointe pour quitter le territoire français. Une fois passé ce délai, l'OQTF deviendrait elle-même une décision permettant la mise en oeuvre d'une mesure d'éloignement, à l'instar de l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière.
Le Gouvernement justifie ce nouveau régime en arguant du fait que l'OQTF va simplifier les procédures et désengorger les tribunaux administratifs, grâce à la mise en place d'un contentieux unique pour le refus de séjour et la reconduite à la frontière.
Or, ces objectifs ne seront pas atteints, bien au contraire !
Tout d'abord, le recours unique ne désengorgera pas les tribunaux : il conduira à systématiser les recours contentieux contre les décisions de refus de séjour, car cette réforme empêchera tout recours administratif, hiérarchique ou gracieux.
Ensuite, l'OQTF introduit confusion et complexité dans la mesure où le nouveau régime va coexister avec le recours en référé contre les refus de séjour et avec le recours contre les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière, les APRF, notifiés par voie administrative.
Par ailleurs, le fait que l'audiencement des recours contre le refus de séjour et contre l'OQTF soit dissocié en cas de placement en rétention administrative laisse persister le système actuel.
Enfin, contrairement aux recours contre les APRF, la nouvelle procédure durera trois mois et fera appel à un commissaire au Gouvernement, même si le rôle de ce dernier est remis en cause par l'article 41 du projet de loi.
Cette garantie disparaît si l'étranger est en centre de rétention. Dans ce cas, le préfet informe le tribunal, qui statue en soixante-douze heures. Il paraît difficile d'organiser en trois jours une audience collégiale, ou même devant un juge unique, avec conclusions du commissaire au Gouvernement, d'autant que ce contentieux comporte une dimension humaine et subjective très forte qui devrait empêcher une justice trop expéditive.
Nous sommes foncièrement opposés à cette fusion des décisions de refus de séjour, d'invitation à quitter le territoire et de reconduite à la frontière qui ne vise qu'à rejeter les étrangers le plus facilement possible et le plus rapidement possible du territoire français.
Voilà donc la philosophie de votre texte, et tant pis pour les garanties procédurales et les droits fondamentaux des étrangers !
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons, mes chers collègues, d'adopter notre amendement de suppression de l'article 36.
L'amendement n° 49, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. Supprimer la deuxième phrase du troisième alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
II. Compléter le texte proposé par le 2° de cet article pour le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par un alinéa ainsi rédigé :
« L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français peut solliciter le dispositif d'aide au retour financé par l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, sauf s'il a été placé en rétention. »
La parole est à M. le rapporteur.
L'article 36 prévoit que l'aide au retour peut être sollicitée par l'étranger au cours du délai d'un mois qui suit la notification de l'obligation de quitter le territoire français, c'est-à-dire pendant la période où cette décision n'est pas exécutoire.
Dans la droite ligne de la recommandation n° 39 de la commission d'enquête, la commission des lois propose d'étendre la possibilité de solliciter l'aide au retour à l'étranger sous le coup d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière.
Naturellement, cette mesure ne s'appliquerait pas aux personnes placées en centre de rétention en vue de leur éloignement.
Je demande, madame la présidente, la priorité pour le vote de cet amendement.
Le projet de loi regroupe les deux procédures distinctes, l'une relative au titre de séjour, l'autre à l'éloignement, qui coexistent aujourd'hui et qui sont assez lourdes pour les juridictions administratives.
À ce jour, les voies de recours prévues pour chacune de ces deux procédures obéissent à des délais très différents. Au-delà de la simplification administrative, l'unification de la procédure s'accompagnera d'une unification du délai à un mois, ce qui constituera d'ailleurs un avantage par rapport à la situation actuelle. En effet, pour les APRF, les recours doivent être exécutés dans un délai de quarante-huit heures ou de sept jours, alors que l'étranger aura désormais un mois pour effectuer un recours.
Faut-il également rappeler qu'à l'occasion des auditions menées par la commission d'enquête le président du tribunal administratif de Paris avait jugé cette réforme utile ? Elle l'est d'autant plus que le projet de loi supprime la notification postale des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière, qui se sont révélés peu efficaces.
La commission a donc émis un avis défavorable sur les amendements identiques n° 201 et 397.
J'ai bien compris que Mme Assassi comme M. Yung, en présentant de manière générale leur amendement, exprimaient en fait leur position d'ensemble sur les articles 36 à 58 du projet de loi. Ils me permettront d'en profiter pour exprimer la position du Gouvernement à la fois sur ces deux amendements en particulier et, en général, sur ces articles relatifs à la réforme des mesures d'éloignement et du contentieux qui s'y rapporte.
Je commencerai par préciser que c'est le Conseil d'État qui, en tant que gestionnaire des tribunaux administratifs, a expressément demandé au Gouvernement d'engager cette réforme.
Pour repositionner le problème, je rappellerai aussi que le contentieux du séjour des étrangers devant les tribunaux administratifs a littéralement explosé : on est passé de 20 000 affaires en 2000, soit 16 % du total des requêtes, à 40 000 affaires en 2005, soit 24 % du total des requêtes.
Ces contentieux sont d'autant plus nombreux qu'il y a des décisions « doublons » : d'abord, la décision n° 1 du refus du séjour, puis, décision n° 2, l'arrêté de reconduite à la frontière éventuellement pris un mois après la décision n° 1. Préfectures et tribunaux administratifs font donc deux fois le même travail.
À la demande expresse du Conseil d'État, le Gouvernement a travaillé depuis près d'un an à la définition d'un nouveau système qui respecte l'équilibre entre deux exigences, la simplification administrative et le respect des droits des étrangers.
Le dispositif a reçu l'avis favorable du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et a été approuvé par l'assemblée générale du Conseil d'État.
Mme Assassi, vous avez abordé la question de la collégialité, qui a plus particulièrement trait à l'article 41 qu'à l'article 36 lui-même.
Mon propos est général : tout ce que j'ai à dire aura été dit, mais vous aurez, bien sûr, tout loisir de revenir sur ces questions si vous le souhaitez.
D'abord, il est exact que le recours formé par l'étranger placé en centre de rétention administrative contre la décision d'obligation de quitter le territoire français sera jugé par un juge administratif. Selon la procédure de l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, repris dans l'article L. 776-1 du code de justice administrative, le jugement doit se faire dans un délai très bref, soit soixante-douze heures. C'est, ni plus ni moins, la procédure actuellement prévue - juge unique donc - pour les arrêtés de reconduite à la frontière qui s'appliquera.
Ensuite, la loi ne se prononce pas sur la question de la formation de jugement retenue par le tribunal administratif pour juger des recours contre la décision de refus de titre de séjour assortie d'obligation de quitter le territoire français lorsque l'étranger n'est pas placé en centre de rétention administrative.
Sur ce point, le Conseil supérieur des tribunaux administratifs, qui a approuvé, je le rappelle, le texte qui vous est soumis, estime que cette question relève non pas de la loi mais de la partie réglementaire du code de justice administrative, préparée par le ministère de la justice.
Il est donc totalement exclu d'accepter un amendement qui se prononcerait sur la composition de la formation de jugement, formation collégiale ou juge unique, en cette matière réglementaire.
Enfin, j'entends bien que des organisations syndicales des magistrats des tribunaux administratifs ne sont pas de cet avis. Ces organisations sont cependant représentées au sein du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et il leur appartient dans cette enceinte, et dans cette enceinte seulement, de faire valoir leurs arguments.
Telle est donc la position du Gouvernement s'agissant des articles 36 à 58 ; bien évidemment, il émet un avis défavorable sur les amendements nos 201 et 397, et un avis favorable sur l'amendement n° 49.
Il est suffisamment rare que des juges administratifs se mettent en grève pour que leurs propos méritent que l'on y prête attention.
En l'occurrence, monsieur le ministre, vous arguez de la simplification des procédures, mais nous arguons, nous, des droits fondamentaux, et nous considérons que, quel que soit l'engorgement des tribunaux, qui constitue en lui-même une question dont on pourrait longtemps discuter, il est inacceptable que l'on puisse admettre, parce qu'il s'agirait de personnes étrangères, un recul de ces droits.
C'est la raison pour laquelle nous avons déposé des amendements, sur cet article et sur les suivants.
L'article 36 nous éloigne des procédures actuelles, qui offraient aux étrangers un minimum de garanties en leur permettant de présenter deux recours distincts et de voir leur situation personnelle réellement étudiée.
Il est indubitable que les tribunaux administratifs sont débordés par l'explosion des contentieux liés aux refus de séjour et aux reconduites à la frontière. Le contentieux du droit des étrangers représentait 10 % des requêtes présentées aux tribunaux administratifs voilà dix ans, contre 25 % aujourd'hui. Une forte pression s'exerce donc sur les juges du fait du poids de ce contentieux.
Pour autant, la solution à cet engorgement des tribunaux ne doit absolument pas être la remise en cause des recours telle que vous la proposez.
Monsieur le ministre, vous subordonnez l'équité du procès et les droits de la défense à l'efficacité administrative.
Les tribunaux administratifs ont besoin d'une augmentation substantielle de leurs moyens et de leurs effectifs pour mener à bien leurs missions et pour que la qualité du jugement soit préservée. Vous ne pouvez prétendre réformer la justice et la rendre plus efficace en supprimant les contentieux et en ne permettant pas aux personnes de se défendre contre des décisions administratives trop souvent arbitraires.
Alors que vous prétendez apporter de la clarté et de la cohérence aux procédures de recours juridictionnel, vous ne faites que les obscurcir et les rendre encore plus difficilement applicables dans les faits.
Cette réforme des procédures de recours vise en fait à détourner ces procédures de leur objectif initial, qui est de permettre aux étrangers de contester lors d'un procès équitable les décisions qui ont été prises à leur détriment.
Cette réforme des procédures de recours, destinée en fait à priver les étrangers de leurs droits, n'est pas sans rappeler les méthodes prescrites par votre circulaire de février 2006.
Cette circulaire, adressée aux préfets et procureurs, organise en effet une véritable « traque » des étrangers irréguliers, avec, une nouvelle fois, l'efficacité administrative comme objectif affiché. Elle précise par exemple, avec un cynisme certain, la procédure à suivre pour piéger les requérants au droit d'asile ou à un titre de séjour dans les préfectures : il suffit de les y faire venir grâce à une convocation qui doit exclure, bien entendu, « toutes indications relatives à l'éventualité d'un placement en rétention, tout descriptif [étant] à proscrire ».
Ces méthodes montrent que l'on aurait bien tort de manquer de vigilance quant aux droits fondamentaux et aux libertés publiques.
C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à voter la suppression de l'article 36.
L'amendement est adopté.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le ministre, j'ai été attentive à vos arguments mais sur le fond, ils ne m'incitent pas à modifier le vote contre du groupe communiste républicain et citoyen sur l'article 36. C'est terrible !
Sourires
Comme nous avons déjà eu l'occasion de le dire, sous prétexte notamment d'aménagements techniques ou de simplification des procédures, votre réforme revient, en réalité, à réserver aux étrangers un traitement expéditif - et c'est sur ce point que nous ne sommes pas d'accord, monsieur le ministre -, au mépris de leurs garanties et de leurs droits les plus élémentaires.
Faut-il rappeler qu'il s'agit ici de la liberté d'aller et venir de personnes de droit ?
J'insiste sur le fait que, loin de désengorger les tribunaux administratifs, loin de simplifier les procédures, cette réforme produira exactement l'effet inverse.
N'est-ce pas d'ailleurs le constat qu'a fait la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine. Elle notait en effet, à propos de cette simplification des procédures, que « l'impact sur l'activité des juridictions ne serait peut-être pas aussi important qu'espéré ».
Notre collègue M. Buffet lui-même doute de l'efficacité de ce dispositif puisqu'il écrit dans son rapport : « Toutefois, pour que la réforme du contentieux de l'éloignement soit réellement efficace, il semble à votre rapporteur que les services de police et de gendarmerie devront se donner les moyens d'exécuter rapidement les OQTF. À défaut, ils risquent d'être exécutés aussi rarement que les APRF notifiés par voie postale. »
Je pense sincèrement qu'il s'agit là d'un mauvais dispositif, inefficace, dangereux au regard des droits de la personne et des garanties procédurales, inutile... et que nous devons le retirer du présent projet de loi.
Aussi, je vous invite, mes chers collègues, à ne pas voter l'article 36 tel qu'il est rédigé. Nous demandons un scrutin public, madame la présidente.
Je mets aux voix l'article 36, modifié.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin a lieu.
Il est procédé au comptage des votes.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 210 :
Le Sénat a adopté.
Dans le premier alinéa de l'article L. 511-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après la référence : « 1° », sont insérés le mot et la référence : « du II ».
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 202 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 399 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery pour défendre l'amendement n° 202.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 399.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'article 37 est adopté.
Dans l'article L. 511-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après la référence : « 8° », sont insérés le mot et la référence : « du II ».
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 203 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 400 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery pour défendre l'amendement n° 203.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 400.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'article 38 est adopté.
L'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, après les mots : « Ne peuvent faire l'objet », sont insérés les mots : « d'une obligation de quitter le territoire français ou » ;
2° Le 3° est abrogé ;
2° bis À la fin du 6°, les mots : « un an » sont remplacés par les mots : « deux ans » ;
3° Dans le 7°, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois », et, après les mots : « n'ait pas cessé », sont insérés les mots : « depuis le mariage » ;
4° Le 8° est complété par les mots : « depuis le mariage » ;
5° Il est ajouté un 11° ainsi rédigé :
« 11° Le ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ainsi que les membres de sa famille, qui bénéficient du droit au séjour permanent prévu par l'article L. 122-1. » ;
6° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« En outre, ne peut faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière pour l'un des motifs prévus aux 1° à 4° du II de l'article L. 511-1 l'étranger ressortissant d'un pays tiers qui est membre, tel que défini à l'article L. 121-3, de la famille d'un ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse. »
Je suis saisie de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 401, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat
En vertu de la loi de novembre 2003, les catégories d'étrangers qui étaient protégés contre une mesure d'expulsion acquièrent ainsi une protection contre les mesures de reconduite à la frontière.
À peine trois ans après l'adoption de cette loi, la protection de certains étrangers est déjà remise en cause.
Ainsi, la disposition de l'article L. 511-4 qui protégeait les étrangers résidant habituellement sur le territoire depuis plus de quinze ans est abrogée. Cette abrogation se situe dans la même logique que celle qui est relative à la délivrance d'un titre de séjour après dix années de résidence habituelle en France.
Une fois encore, maintenir une protection contre un arrêté de reconduite à la frontière en faveur de ces étrangers serait également une prime à l'irrégularité. Reconnaître qu'un étranger a pu, malgré l'irrégularité de son séjour, établir des liens stables et durables en France, voire y fonder une famille, ce qui rend nécessaire de le protéger contre un éloignement, est inconcevable pour ce gouvernement.
De même, la précarisation du séjour des conjoints étrangers de Français est, elle aussi, confirmée avec cet article. En effet, actuellement, les conjoints de Français sont protégés s'ils sont mariés depuis au moins deux ans, délai déjà rallongé par la loi de 2003, puisque, auparavant, il était d'un an.
Manifestement, le délai exigé n'était pas assez long : la protection pour ces conjoints ne sera effective qu'après trois ans de mariage si cet article devait être adopté.
Toutes ces mesures visent à sanctionner les attaches familiales, sociales, affectives et culturelles qu'ont pu nouer les étrangers en France. Telles sont les raisons qui nous conduisent à présenter cet amendement de suppression de l'article 39.
L'amendement n° 204, présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer les 2° à 4° de cet article.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery
Cet article définit les catégories d'étrangers qui ne peuvent pas faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière, et qui sont donc protégés.
Le problème, c'est que cet article réduit la liste des personnes protégées contre cette reconduite et, donc, contre cette OQTF. Il supprime le 3°, c'est-à-dire la catégorie d'étrangers qui justifient par tous moyens résider habituellement en France depuis plus de quinze ans, sauf s'ils ont été, pendant cette période, titulaires d'une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant ».
Il s'agit d'une véritable précarisation, j'allais dire d'une fabrication de nouveaux sans-papiers, puisqu'on va retirer de la liste les personnes qui résident habituellement en France. Non seulement elles n'auront plus accès au renouvellement de droits, mais, en plus, elles ne seront même plus protégées contre l'expulsion.
L'Assemblée nationale, par coordination, a porté de un an à deux ans la contribution du parent à l'entretien et à l'éducation de l'enfant mineur résidant en France. Ce parent, qui était lui-même protégé, se retrouve, une fois de plus, soumis à l'arbitraire. En effet, qui va décider de l'éducation de l'enfant ? Selon quels critères va-t-on évaluer l'existence d'une contribution effective à l'éducation de l'enfant ? Cela relèvera du pouvoir discrétionnaire du préfet.
Au 7°, s'agissant de l'étranger marié avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé et que le conjoint ait conservé la nationalité française, le texte actuel prévoit qu'ils doivent être mariés depuis au moins deux ans.
Le projet de loi porte ce délai à trois ans, ce qui, une nouvelle fois, révèle la suspicion à l'égard de ces fameux faux mariages. Là encore, nous sommes dans une inacceptable et éternelle suspicion.
En revanche, il est créé une nouvelle catégorie de bénéficiaires d'une protection contre l'éloignement. Si on ne peut que s'en féliciter, il s'agit en fait de l'application d'une norme européenne. En effet, aux termes d'une directive de 2004, les ressortissants de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'Espace économique européen, qui fait donc l'objet d'une convention avec l'Union européenne, comme la Norvège et l'Islande, ou de Suisse pourront être protégés. Par ailleurs, les membres des familles de ces personnes qui sont ressortissants d'un pays tiers ne pourront pas faire l'objet d'un éloignement. C'est l'application de la directive, et rien d'autre.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression de cet article.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 402 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 498 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le 2° de cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour défendre l'amendement n° 402.
Il s'agit bien évidemment d'un amendement de repli.
Petit à petit, nous le voyons bien, au fur et à mesure de l'examen de ce texte, la reconnaissance de droits découlant de la résidence habituelle en France est anéantie. En effet, au nom de ce qu'on pourrait appeler un certain parallélisme des formes, la résidence habituelle en France depuis plus de quinze ans ne protège plus l'étranger contre une mesure d'éloignement, au même titre qu'elle ne permet plus la délivrance d'une carte de séjour temporaire.
Cela traduit bien la volonté du Gouvernement de mettre fin, dans les deux cas, à une prétendue prime à l'irrégularité. Il est à rappeler que c'est notamment sur l'initiative de M. Jean-Louis Debré que la régularisation des sans-papiers après quinze ans passés en France fut possible.
Pour réveiller les mémoires, je le cite : « Il faut être raisonnable. Quinze ans, c'est une période qui marque la vie d'une femme ou d'un homme, une période au cours de laquelle des liens personnels se sont tissés et d'autres défaits. En fait, après quinze ans, l'intéressé n'a plus guère de liens avec son pays d'origine et il a fait sa vie en France. »
Le Gouvernement prend bien la responsabilité de reconduire à la frontière une personne qui aura séjourné quinze ans sur notre territoire, qui aura construit sa vie, fondé sa famille et n'aura peut-être plus aucune attache avec son pays d'origine.
Le ministre de l'intérieur nous a présenté la commission d'admission exceptionnelle au séjour comme une avancée permettant de ne plus attendre dix ans avant de régulariser les sans-papiers. Aujourd'hui, ces quelques progrès s'évanouissent. Il est même à craindre que nous soyons confrontés à des situations humaines plus que dramatiques.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour défendre l'amendement n° 498.
Il s'agit également d'un amendement de repli. Nous voulons démontrer toute l'atrocité de ce projet de loi, qui n'est en rien humanitaire, contrairement à ce que l'on voudrait nous faire croire.
D'un simple trait de plume, vous ôtez à des personnes qui résident en France depuis dix ou quinze ans, qui y ont des attaches familiales et sociales, non seulement tout espoir de régularisation, mais aussi toutes garanties et protection en matière d'éloignement.
Vous supprimez la protection issue de la « présence habituelle » sur le territoire français. Vous refusez de reconnaître cette résidence habituelle comme ouvrant au migrant le droit de pouvoir rester sur notre sol et de conserver ses liens puisque, au bout de dix ans, l'intégration est en cours, des liens familiaux, professionnels et sociaux se sont créés.
Ce n'est rien d'autre qu'une négation du droit au respect de la vie privée et familiale, consacré par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. Nous avons là un nouvel exemple de votre persévérance à bafouer les engagements et accords internationaux signés par la France.
La conséquence directe de la précarisation du droit des étrangers sera non pas une simplification des procédures, comme vous l'avez annoncé, mais un nouvel engorgement des tribunaux administratifs pour toutes sortes de recours contentieux : refus d'accorder un visa de long séjour, refus d'une demande de carte, obligations à quitter le territoire.
Ce que les migrants étrangers n'obtiendront pas par la préfecture, ils tenteront, et c'est normal, de l'obtenir par les tribunaux, qui, heureusement, demeurent liés par le respect de la Convention européenne des droits de l'homme. Nous verrons alors quels noeuds se créeront.
L'amendement n° 403, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le 2° bis de cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Il s'agit, là encore, d'un amendement de coordination.
En effet, pour les mêmes raisons qu'à l'article 24, nous considérons que l'obsession du Gouvernement de lutter contre les paternités de complaisance va un peu loin. Elle constitue une atteinte au droit de mener une vie familiale et normale, garanti par la Commission européenne des droits de l'homme mais aussi, au regard de l'intérêt supérieur des droits de l'enfant, garanti par la Convention internationale des droits de l'enfant, que la France a signée.
L'amendement n° 404, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le 3° de cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Nous contestons, par cet amendement, la précarisation croissante des couples franco-étrangers.
Les conjoints de Français sont, eux aussi, depuis le début de cet examen, systématiquement suspectés de fraude. C'est la protection du conjoint étranger contre un arrêté de reconduite à la frontière qui est remis en cause. Pour être effectivement protégé, il faudra attendre trois ans après le mariage, à la condition que la communauté de vie n'ait pas cessé.
Ce délai est bien trop long. Deux ans suffisent amplement pour ne pas suspecter un mariage de complaisance, d'autant que les procédures de divorce sont régulièrement engagées dans les trois premières années de mariage.
L'amendement n° 405, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le 5° de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« ... ° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, dont les liens personnels ou familiaux en France sont tels qu'une mesure de reconduite à la frontière porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. »
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Cet amendement vise à garantir les droits fondamentaux des étrangers. Nous souhaitons accorder une protection contre une mesure d'éloignement à l'étranger qui, comme dans le cadre de la délivrance de plein droit de la carte de séjour temporaire vie privée et familiale, justifie de liens personnels et familiaux en France tels qu'une mesure de reconduite à la frontière porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
Cette rédaction, dont la portée a été considérablement réduite par le Gouvernement à travers l'article 24 du présent projet de loi, n'est autre qu'une référence directe à la Convention européenne des droits de l'homme. Elle nous semblait appropriée pour accorder à ces étrangers une protection contre une mesure d'éloignement.
La commission est défavorable à l'amendement n° 401.
En effet, l'article 39 du projet de loi a pour objet d'adapter la définition des catégories d'étrangers protégés contre les mesures de reconduite à la frontière afin de tenir compte des modifications des règles de délivrance des titres de séjour qui sont prévues aux articles 24 et 27 du présent projet de loi.
Si cette coordination n'était pas faite, le risque serait de voir réapparaître des étrangers ni régularisables ni « éloignables ».
Pour les mêmes raisons, la commission a également émis un avis défavorable sur l'amendement n° 204.
La commission est défavorable aux amendements identiques n° 402 et 498.
Le deuxième paragraphe de l'article 39 a pour objet de ne plus protéger contre les mesures d'éloignement les étrangers justifiant de quinze ans de résidence habituelle en France. Cette adaptation est cohérente avec la suppression, à l'article 24 du projet de loi, de la délivrance de plein droit de la carte vie privée et familiale aux étrangers justifiant de dix ans de résidence habituelle en France.
Pour les mêmes raisons, la commission a émis un avis défavorable sur les amendements n° 403 et 404.
Enfin, la commission est défavorable à l'amendement n° 405. Tout d'abord, les catégories protégées couvrent déjà en grande partie le cas de figure visé par l'amendement. Ensuite, si l'article L. 313-11 prévoit la délivrance d'une carte de séjour temporaire à cette catégorie d'étrangers, c'est toujours au regard des caractères disproportionnés de l'atteinte à la vie privée et familiale par rapport au motif du refus. Si les motifs sont insuffisants, le préfet peut refuser de délivrer ce titre et il doit, le cas échéant, pouvoir prendre une mesure de reconduite à la frontière.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur tous ces amendements.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 39 est adopté.
L'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile devient l'article L. 512-1-1. -
Adopté.
L'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rétabli :
« Art. L. 512-1. - L'étranger qui fait l'objet d'un refus de séjour, d'un refus de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour ou d'un retrait de titre de séjour, de récépissé de demande de carte de séjour ou d'autorisation provisoire de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français mentionnant le pays de destination peut, dans le délai d'un mois suivant la notification, demander l'annulation de ces décisions au tribunal administratif. Son recours suspend l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français sans pour autant faire obstacle au placement en rétention administrative dans les conditions prévues au titre V du présent livre.
« Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine. Toutefois, en cas de placement en rétention de l'étranger avant qu'il ait rendu sa décision, il statue, selon la procédure prévue à l'article L. 512-2, sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi, au plus tard soixante-douze heures à compter de la notification par l'administration au tribunal de ce placement. La clôture de l'instruction est prononcée à l'audience ou au terme des débats.
« Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au titre V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. »
Les procédures d'éloignement des étrangers seront simplifiées et rendues plus efficaces avec la création d'une seule décision portant refus d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français. Cela se traduira par la suppression des arrêtés de reconduite à la frontière signifiés par voie postale, dont le taux d'exécution est extrêmement faible, il faut malheureusement le constater.
Monsieur le ministre, je souhaite donc appeler votre attention sur le contentieux que suscitent ces procédures d'éloignement et, partant, sur la nécessité qui se fait jour de mieux organiser la défense même de l'administration devant les juridictions administratives et judiciaires.
Au tribunal administratif de Paris, par exemple, dont je connais bien l'activité, le taux d'annulation des arrêtés de reconduite à la frontière est de l'ordre de 15 %. Or l'administration n'est pas systématiquement défendue ni même représentée aux audiences. C'est pourquoi je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, si vous envisagez de généraliser l'expérience conduite à la préfecture du Rhône, que connaît bien M. Buffet et qu'a pu apprécier la commission d'enquête du Sénat lors de son déplacement à Lyon, expérience qui consiste à confier la représentation juridique à un réserviste civil de la police nationale ? Cela a permis, je le souligne, de faire chuter le taux d'annulation de 18 % à 6 %, soit de plus de moitié.
La réponse que vous nous apporterez éclairera notre débat sur cet article.
Monsieur le ministre, l'article 41 nous semble fondamental. En effet, les dispositions que nous abordons maintenant démontrent de manière radicale le peu de respect que votre gouvernement a pour les droits fondamentaux, y compris pour le droit international.
Tout d'abord, ce texte prévoit de réformer très profondément la procédure administrative contentieuse applicable au séjour des étrangers et aux mesures d'éloignement du territoire français.
Il est créé un nouveau dispositif permettant de fusionner en une seule décision le refus de délivrer une carte de séjour et la mesure d'éloignement. Cela aura un impact considérable sur les conditions de traitement des requêtes présentées par les étrangers et par leurs avocats devant les juridictions administratives.
Pire encore, dans notre droit, le principe législatif de la collégialité, énoncé dans l'article 3 du code de justice administrative, constitue la garantie fondamentale de l'effectivité réelle du contrôle juridictionnel exercé par les tribunaux envers les autorités administratives et politiques.
Or, sans l'avouer, votre projet de loi vise à instaurer la pratique du juge unique en matière de recours contentieux par des étrangers.
Votre projet de loi comporte en lui-même une sérieuse menace sur le principe du fonctionnement collégial des tribunaux administratifs. Mais ce n'est que l'un des points saillants des réformes en cours et susceptibles d'affecter les juridictions.
En effet, votre gouvernement a officiellement transmis au Conseil d'État un projet de décret visant à instituer une procédure dérogatoire de jugement non collégial pour l'examen des recours introduits devant les tribunaux administratifs pour les personnes en situation de handicap, les chômeurs, les élèves de l'enseignement, les bénéficiaires de l'aide personnalisée au logement, l'APL, en fait, pour les exclus.
L'adoption de ce décret, qui pourrait entrer en vigueur dès le 1er septembre 2006, serait de nature à porter à près de 90 % le volume des décisions rendues par des juges uniques au niveau des tribunaux administratifs, ce qui aura des conséquences dramatiques directes sur l'autorité de ces juridictions, sur l'indépendance des magistrats et sur l'organisation interne des tribunaux. Bref, en un seul mouvement, vous dessinez une justice à deux vitesses en matière de juridiction administrative, ce que l'on ne peut accepter dans un État de droit.
D'un côté, les litiges qui auront une caractéristique de noblesse, les justiciables qui présenteront une certaine richesse, une certaine notabilité seront jugés par une formation collégiale, avec la présence d'un commissaire du Gouvernement ; de l'autre, les litiges qui auront une caractéristique vile, les pauvres, les élèves de l'enseignement secondaire, les automobilistes ou bien les handicapés, les personnes ayant fait l'objet de retraits d'allocations par exemple, bref, tous ceux qui seront en situation d'exclusion, de discrimination, donc bien sûr les étrangers, seront présentés à un juge unique.
Vous êtes, par ailleurs, à l'origine d'un processus de remise en cause de l'organisation des chambres collégiales, qui porte atteinte à l'image même de l'ensemble des juridictions administratives. Affaire après affaire, la collégialité s'impose comme l'une des conditions d'une vraie justice et l'expérience nous l'a encore montré récemment avec l'affaire d'Outreau.
En décidant d'intervenir par la voie d'un simple décret, le Gouvernement s'expose au risque juridique d'une censure pour incompétence négative de la loi sur l'immigration par le Conseil constitutionnel, puis de cette mesure réglementaire d'application par le Conseil d'État.
Vos projets de loi et de décret ne sont ni plus ni moins qu'une atteinte supplémentaire aux libertés publiques et, surtout, un affaiblissement de l'autorité judiciaire. Les Verts, comme l'ensemble des organisations judiciaires, ne peuvent que dénoncer ce comportement et les combattre.
Monsieur le ministre, au-delà des considérations d'ordre général que vous avez évoquées, l'article 41 du présent projet de loi, comme vient de l'indiquer Mme Alima Boumediene-Thiery, remet en cause le principe de la collégialité des tribunaux administratifs.
Il ne s'agit pas de nier les difficultés auxquelles sont confrontés les tribunaux administratifs. Il ne s'agit pas davantage de nier l'explosion du nombre de recours contentieux effectués par des étrangers ni le fait que l'exécution de la loi de programme de 2002 n'a pas permis de résorber l'engorgement des tribunaux.
Néanmoins, cet engorgement ne peut constituer un argument pour mettre en cause la qualité des jugements qui sont rendus et, par voie de conséquence, la qualité des droits de la défense.
Pour présenter le nouveau dispositif relatif à l'obligation de quitter le territoire, M. le rapporteur écrit, à la page 29 de son rapport : « le nouveau mécanisme ne retirerait aucun droit à l'étranger. En effet, son droit au recours est entièrement préservé tout en simplifiant les procédures pour les préfectures et les tribunaux administratifs. » Après avoir étudié ces éléments, nous nous permettons de douter de cette affirmation.
Nous sommes en effet dans un cercle vicieux : plus on créera, et ce projet de loi est exemplaire à cet égard, de nouvelles dispositions visant à durcir les conditions d'accueil et de séjour et à accélérer les procédures, plus les autorités administratives verront leurs décisions remises en cause devant les tribunaux administratifs, plus les tribunaux seront sollicités, plus le contentieux sera important.
En réalité, monsieur le ministre, sur la question de la collégialité, votre gouvernement avance masqué. Nous savons en effet qu'un projet de décret est en train d'être examiné par le Conseil d'État. Celui-ci, comme Mme Boumediene-Thiery vient de le dire, aura pour conséquence de revenir sur le principe de la collégialité, principe pourtant fondamental, qui figure dans ce que les juges administratifs appellent le « décalogue des juridictions administratives », à savoir l'article L. 3 du code de justice administrative, qui affirme le principe de la collégialité.
Nous savons également que le Gouvernement souhaite s'appuyer sur l'article L. 222-1 de ce code, qui pose le fondement du principe du juge unique, pour imposer une telle évolution, qui sera présentée comme une réforme fondamentale des juridictions administratives. Je ne reviens pas sur l'immense champ des contentieux concernés par une telle décision, celui des étrangers n'en représentant qu'une partie.
Cette réforme est très fortement contestée dans les milieux judicaires. La grève des magistrats administratifs du 7 juin dernier n'est pas un événement anecdotique. Le mouvement a reçu le soutien d'un grand nombre d'organisations d'avocats, ainsi que de nombreuses associations, notamment l'Association des paralysés de France.
C'est la première fois qu'une grève est organisée pour défendre un principe élémentaire de justice, celui de la collégialité. Comme le rappelait un syndicaliste, les décisions collégiales constituent une « garantie essentielle » de l'indépendance et de l'autorité des tribunaux administratifs, notamment face au pouvoir d'État.
J'en reviens au contentieux plus précis qui surgira avec cette nouvelle procédure relative à l'obligation de quitter le territoire. Parce que vous réunissez, monsieur le ministre, dans une décision unique trois aspects différents, le refus de séjour, l'obligation de quitter le territoire et le pays de destination, les recours pourront être dépecés en plusieurs morceaux et plusieurs juridictions seront susceptibles d'intervenir.
De plus, ce texte s'est enrichi d'une disposition nouvelle, qui prévoit que l'instruction est close à l'audience ou au terme des débats. Normalement, l'instruction est close avant l'audience. Cette mesure rendra plus difficile - il s'agit d'une conséquence évidente - l'intervention du commissaire du Gouvernement quand la clôture sera prononcée à l'audience. C'est donc, là encore, une manière insidieuse de remettre en cause le principe de la collégialité.
Ne croyez-vous pas, monsieur le ministre, qu'il serait judicieux de préserver la qualité, l'indépendance et la sérénité des débats, en affirmant ce principe de collégialité que vous vous apprêtez à démanteler par voie de décret dès l'adoption de ce projet de loi ?
Je suis saisie de onze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 205 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 406 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Bariza Khiari, pour présenter l'amendement n° 205.
La décision de refus de séjour, assortie d'une obligation de quitter le territoire français, sera régie par un nouveau régime contentieux.
Dans tous les cas, le délai de recours juridictionnel contre cette décision sera de quinze jours. Rappelons que le délai pour contester un refus de titre de séjour est de deux mois et le délai pour contester un arrêté de reconduite à la frontière de sept jours lorsqu'il est notifié par voie postale, et de quarante-huit heures quand il est notifié par voie administrative.
Devant le tribunal administratif, la procédure variera en fonction du placement en rétention, ou non, de l'étranger.
Si celui-ci n'est pas placé en rétention, le tribunal statue selon les modalités classiques : le recours est jugé par une formation collégiale éclairée par les conclusions d'un commissaire du Gouvernement, dans un délai de trois mois. Le tribunal statue alors, dans la même décision, sur le refus du séjour, la décision d'éloignement et la fixation du pays de renvoi.
Si l'étranger est placé en rétention, la procédure est celle qui est aujourd'hui applicable en matière de recours contre les APRF, les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière. L'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoit un jugement par un juge unique, sans commissaire du Gouvernement, intervenant dans les soixante-douze heures, s'applique alors. Toutefois, ce jugement ne portera que sur la mesure qui motive l'urgence, à savoir l'obligation de quitter le territoire et la désignation du pays de renvoi, et non plus sur le refus d'un titre de séjour, point qui sera jugé postérieurement.
Nous nous opposons aux modifications introduites par cet article relatives à la diminution des délais et au jugement par un juge unique. Telles sont les raisons pour lesquelles, mes chers collègues, nous avons déposé cet amendement de suppression.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 406.
Je ne reviendrai pas sur tout ce qui a été dit sur le nouveau régime contentieux, auquel nous nous opposons totalement. Plusieurs points de l'article 41 sont fortement contestables, même si certains estiment, comme vous l'affirmez, monsieur le ministre, que ces dispositions réussiront à désengorger les tribunaux. Je pense notamment au délai de recours accordé à l'étranger qui fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français.
Le projet de loi initial fixait un délai de recours de quinze jours, ce qui ne pouvait être que de la provocation. Comment est-il possible, dans un tel délai, lorsque l'on est étranger, de former un recours ? Était-ce une manoeuvre gouvernementale pour faire croire que le délai d'un mois constituait une avancée formidable, une sorte de « cadeau » accordé aux étrangers ? Ce ne serait pas étonnant, puisque nous savons que les annonces se succèdent, mais qu'elles sont suivies de démentis, qui sont eux-mêmes suivis de nouvelles annonces ! Toujours est-il que, même fixé à un mois, ce délai demeure bien trop court.
Par ailleurs, continuer à faire coexister plusieurs délais de recours sera, à l'évidence, source de contentieux, ce qui est évidemment contraire à ce qui est annoncé par le Gouvernement, à savoir la réduction du nombre de contentieux, au détriment, parfois, des droits de la défense.
Enfin, l'article 41 remet en cause la collégialité des formations de jugement, ce qui suscite des craintes quant à l'avenir de la justice administrative. Alors que, au même moment la commission d'enquête parlementaire sur l'affaire dite d'Outreau ne cesse de préconiser la collégialité, en s'insurgeant contre la solitude du juge d'instruction, vous décidez, plutôt que de conserver une justice collégiale, de la supprimer. Cette disposition est la préfiguration de l'instauration du juge unique en matière administrative.
Il n'est quand même pas banal que les juges administratifs se mettent en grève pour défendre leur indépendance, ce en quoi ils ont bien raison. Honnêtement, monsieur le ministre, vous seriez bien avisé de revenir sur la nouvelle procédure que vous essayez d'instituer.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 206 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 407 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, remplacer les mots : d'un mois
par les mots :
de deux mois.
La parole est à Mme Bariza Khiari, pour présenter l'amendement n° 206.
L'article 41 du projet de loi prévoit que la décision de refus de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français sera régie par un régime contentieux.
Dans tous les cas, le délai de recours avait été initialement fixé à quinze jours. L'Assemblée nationale, dans sa grande bonté, l'a porté à un mois. Par cet amendement, nous proposons de le fixer à deux mois. C'est le délai actuel pour contester un refus de titre de séjour. Ce délai permettra à l'étranger d'organiser, à tout le moins, sa défense dans des conditions réputées normales.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 407.
Il s'agit d'un amendement de repli. Nous souhaitons en effet que vous renonciez, monsieur le ministre, à créer des procédures d'exception - car il s'agit bien de cela - en ce qui concerne le contentieux des étrangers, pour revenir à des délais de droit commun, nettement plus raisonnables.
Je pense notamment au respect des droits de la défense, défense qui ne peut être préparée dans des délais aussi courts que ceux qui sont prévus par le projet de loi.
Même si le Gouvernement est revenu sur son idée de départ, à savoir un délai de recours de quinze jours, nous considérons que le délai d'un mois reste insuffisant. Je prendrai l'exemple des refus de séjour qui, actuellement, peuvent être contestés dans les deux mois. Avec la nouvelle procédure, ce délai sera ramené à un mois, au détriment bien sûr des droits des étrangers.
En effet, l'étranger devra prendre connaissance de la nature de la décision, en comprendre les conséquences et, surtout, trouver un avocat, contacter une association, dans le but de monter son dossier, et rassembler les pièces nécessaires pour former son recours. Le délai prévu, même ramené à un mois, reste insuffisant au regard de la réalité des procédures, de la situation des étrangers et des difficultés qu'ils rencontrent pour constituer un dossier.
C'est pourquoi nous proposons de rallonger le délai de recours en le fixant à deux mois.
L'amendement n° 408, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après les mots :
territoire français
supprimer la fin de la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Je défendrai en même temps l'amendement n° 410, car la logique est identique.
Ces deux amendements visent à supprimer une partie de la réforme relative à la procédure contentieuse du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français. Celle-ci prévoit en effet que, même lorsqu'un recours a été formé contre une OQTF, il est possible de placer l'étranger en rétention.
En effet, deux procédures vont désormais coexister, dont l'une sera accélérée lorsque l'étranger sera placé en rétention. Cette disposition permet à l'administration, en cours d'instance, de changer de procédure et, ainsi, de l'accélérer brutalement. En vertu du droit à bénéficier d'un procès équitable, dont devraient également jouir les étrangers, l'État ne peut se donner les moyens de changer de la sorte les règles du jeu en cours de procédure, et ce, bien évidemment, au détriment des étrangers.
C'est pourquoi nous demandons la suppression des dispositions relatives aux différentes règles de placement en rétention et de recours.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 207 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 411 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, remplacer les mots :
trois mois,
par les mots :
six mois
La parole est à Mme Bariza Khiari, pour présenter l'amendement n° 207.
L'article 41 prévoit que le tribunal administratif disposera de trois mois pour statuer sur trois décisions en même temps : le refus de séjour ou assimilé, l'obligation de quitter le territoire et le choix du pays de renvoi.
Compte tenu de l'importance de ces décisions pour l'étranger et des conditions de travail des tribunaux, il nous paraît raisonnable, pour toutes les raisons qui ont été invoquées précédemment, de porter ce délai à six mois.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 411.
Notre amendement vise également à rallonger le délai imparti au juge administratif pour délibérer. Le délai de trois mois nous paraissant insuffisant, nous proposons de le porter à six mois.
Nous connaissons la position du Gouvernement sur ce point, puisque M. le garde des sceaux a eu l'occasion de s'exprimer sur la question du juge unique. Nous savons que nous nous dirigeons vers l'abandon de la collégialité concernant la justice administrative. Je le répète, nous déplorons cette orientation. Nous aurions, en tant que parlementaires, intérêt à réfléchir davantage sur cette question, en particulier sur les conséquences de l'instauration d'un juge unique.
Encore une fois, j'insiste sur ce point, vous savez très bien tenir des discours quand, pressé par l'actualité ou par des affaires dramatiques, vous donnez le change à l'opinion publique. Mais, lorsqu'il s'agit de répondre efficacement à ces situations par des projets gouvernementaux, vous faites l'inverse de ce qu'il faudrait faire.
Je le répète une fois encore : nous déplorons l'abandon de la collégialité.
L'amendement n° 410, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer la deuxième phrase du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Cet amendement a été défendu par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
L'amendement n° 208, présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après les mots :
il statue,
insérer les mots :
en formation collégiale,
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Cet amendement étant particulièrement important, je prendrai la peine de développer l'argumentaire.
L'article 41 prévoit que, lorsque l'étranger est placé en rétention, le tribunal administratif statuera à juge unique, sans commissaire du Gouvernement, sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi.
Nous sommes clairement opposés au jugement à juge unique.
En effet, la collégialité est un principe fondamental de la procédure administrative contentieuse. Il est posé à l'article L. 3 du code de justice administrative : « Les jugements sont rendus en formation collégiale, sauf s'il en est autrement disposé par la loi ». Pourquoi ? Parce que cela permet, surtout lorsque les dossiers donnent lieu à une importante appréciation de faits qui touchent à l'humain, un échange, parfois une confrontation des opinions de chacun ; cela permet de mûrir une décision. Cette méthode de travail donne plus de garanties aux justiciables.
Elle renforce l'indépendance des juridictions. Il ne faut jamais oublier que, devant nos juridictions, une des parties, le plus souvent le défendeur, est toujours un ministre, un maire, un préfet, bref, un représentant d'une administration investie de pouvoirs exorbitants du droit commun. Le tribunal ou la cour sont là pour rétablir l'égalité des armes. Ils auront d'autant plus de poids face à ces institutions que leurs jugements seront rendus par des formations collégiales.
Pour ces raisons, les exceptions à la règle doivent être arrêtées par le législateur. En effet, les exceptions risquent de porter atteinte à l'indépendance de la justice administrative, qui est un principe de nature constitutionnelle.
C'est bien ce que précise l'article L. 3, que ne contredit pas l'article L. 222-1 du code de justice administrative, qui précise : « Les jugements des tribunaux administratifs et les arrêts des cours administratives d'appel sont rendus par des formations collégiales, sous réserve des exceptions tenant à l'objet du litige ou à la nature des questions à juger.
« Les juges délibèrent en nombre impair. ».
Cet article n'indique pas que les exceptions sont fixées par voie réglementaire. C'est pourtant le cas. Subrepticement, à l'occasion de la transformation, par ordonnance, du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel en code de justice administrative, l'ancien article L. 4-1 a été transformé en article réglementaire, l'article R. 222-13. Le législateur, par ordonnance, s'est contenté de fixer deux critères très vagues : la nature et l'objet du litige.
Il est clair que ces deux critères n'épuisent pas la compétence du législateur. Comment exercer un contrôle sérieux de la légalité du décret avec ces deux termes ? Qui pourrait dire, sur cette base, que le fait de confier à un juge unique le contentieux des titres de séjour serait illégal ? La nature ou l'objet du litige n'y conduisent pas immédiatement.
Le législateur doit en dire beaucoup plus et, compte tenu de la difficulté de l'énumération, sans doute doit-il l'exprimer en totalité.
Pourquoi la nouvelle liste proposée par le pouvoir réglementaire pose-t-elle problème ? Parce qu'elle va au-delà des contentieux juridiquement simples dont les enjeux sont faibles. Il en va ainsi du contentieux des étrangers qui n'est ni simple, ni de faible incidence sur les intéressés.
Ce sont ces extensions qui posent problème pour les raisons exprimées ci-dessus tenant à l'indépendance du juge administratif.
Il faut savoir par ailleurs que cette réforme n'est pas dictée par un souci de l'amélioration de la qualité des décisions rendues. Elle l'est seulement par la contrainte budgétaire et l'insuffisance des moyens qui nous sont alloués. Comment faire pour juger dans des délais raisonnables, ce qui est une autre exigence d'une bonne justice, sans augmenter les effectifs ? On modifie les méthodes de travail.
Dans ces conditions, et parce qu'il n'est pas question, pour le moment, de modifier l'article L. 222-1 du code de justice administrative ni de transformer en article législatif l'article R. 222-13 du code de justice administrative, nous demandons qu'à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration le Parlement exerce à nouveau pleinement ses compétences et inscrive dans la loi que les refus de titre de séjour assortis d'une obligation de quitter le territoire français sont jugés en formation collégiale.
Il s'agit de faire barrage aux dispositions les plus contestables de ce projet de décret. C'est ce qui motive notre amendement pour la formation collégiale au tribunal administratif.
L'amendement n° 409, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, remplacer les mots :
selon la procédure prévue à l'article L. 512-2
par les mots :
collégialement
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Je partage tout à fait les propos de ma collègue.
J'ajoute que si l'étranger est placé en rétention avant que le tribunal ait rendu sa décision, le tribunal statue en soixante-douze heures sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi.
La procédure applicable en l'espèce serait celle qui prévoit une formation de jugement à juge unique sans commissaire du Gouvernement, comme vient de le dire Mme Khiari. Comment, dans ces conditions, organiser une telle audience, laquelle sera nécessairement précipitée ?
Encore une fois, le fait d'utiliser la situation des étrangers pour instaurer le juge unique et une procédure simplifiée me paraît tout à fait malvenu.
L'amendement n° 50, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer la dernière phrase du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les autres amendements en discussion.
La disposition que nous souhaitons supprimer est de nature réglementaire.
J'en viens à l'avis de la commission sur les différents amendements.
La commission est défavorable aux amendements identiques nos 205 et 406.
D'abord, nous ramenons à un délai unique d'un mois la possibilité de recours contre à la fois le titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire. Comme cela a été dit tout à l'heure, ce fameux délai d'un mois constitue une amélioration. D'une part, il est beaucoup plus lisible non seulement pour ceux qui exercent les voies de recours, mais aussi pour les praticiens, ce qui, ne l'oublions pas, est loin d'être négligeable. D'autre part, il permet d'améliorer les choses, car les délais actuels sont extrêmement courts : quarante-huit heures ou sept jours.
Ensuite, - faut-il le rappeler ? - le juge unique est déjà la règle pour les recours contre les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière.
La commission est également défavorable aux amendements identiques nos 206 et 407, qui appellent des explications similaires.
Pour les mêmes motivations, la commission est défavorable à l'amendement n° 408.
La commission est également défavorable aux amendements identiques nos 207 et 411. Il lui apparaît en effet que le délai de trois mois qui est institué est tout à fait suffisant. À l'occasion des auditions qui ont eu lieu sur ce texte, personne ne l'a d'ailleurs remis en cause ou jugé comme étant de nature à priver les uns ou les autres de quelque moyen que ce soit d'exercer leurs droits.
La commission est défavorable à l'amendement n° 410. Il faut préciser d'abord que les deux formations de jugement auraient à connaître des décisions différentes bien que portant sur la même personne : d'une part, le refus de séjour et, d'autre part, l'obligation de quitter le territoire.
Ensuite, - faut-il le rappeler ? - la procédure actuelle prévoit déjà deux contentieux distincts, mais qui sont liés.
Enfin, il faut le dire clairement, le juge qui aura à connaître de l'obligation de quitter le territoire français, en cas de placement en centre de rétention, dans le délai de soixante-douze heures, peut, par voie d'exception, connaître de l'ensemble des titres et donc du refus de séjour.
La commission est défavorable à l'amendement n° 208. Le contentieux des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière relève déjà, je viens de le dire, du juge unique. Le projet de loi ne change rien au droit positif pour ce seul contentieux.
Je rappelle également que l'instauration du juge unique en la matière date du 10 janvier 1990. Il a montré qu'il pouvait être aussi efficace et respectueux des droits des plaignants.
Quant à l'amendement n° 409, la commission y est défavorable, puisque c'est déjà le cas : le juge unique statue sur ce point et le projet de loi ne change rien.
J'ai déjà répondu tout à l'heure à Mme Assassi sur la collégialité lorsque nous avons examiné l'article 36. Mais je veux rappeler que l'article 41, ligne à ligne, vous est proposé par le Gouvernement en plein accord avec le Conseil d'État. Certes, il déplaît à certains syndicats, mais cela n'est pas un argument suffisant pour penser que le Conseil d'État proposerait un dispositif portant atteinte aux libertés publiques. Ce n'est pas, me semble-t-il, dans sa tradition.
Je répète que la question de la collégialité sera tranchée par un décret préparé le garde des sceaux, après avis du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Je reconnais un certain talent à l'ensemble des parlementaires dans cette assemblée et sur toutes ces travées. Mais, dans quelques interventions, je n'ai pas toujours reconnu des propos correspondant à une articulation parlementaire. J'ai même eu le sentiment que certains d'entre vous lisaient des fiches préparées à l'extérieur et comportant un argumentaire que je crois avoir déjà lu par ailleurs...
Madame Khiari, vous auriez pu légèrement modifier l'articulation de votre long argumentaire sur l'amendement n° 208, car la phrase : « nous demandons que le Parlement se saisisse de la question de la collégialité » ne ressemble pas à une demande d'origine parlementaire ! D'où émane-t-elle ? Peut-être des syndicats dont vous vous faites le porte-voix en lisant attentivement les fiches qu'ils vous ont préparées. Moi qui suis attentif à ces détails, je n'ai reconnu dans ce que vous avez lu ni la grande personnalité ni le talent qui sont les vôtres !
Les termes de l'intervention de M. Goujon, que bien évidemment j'approuve, me permettent de répondre à un aspect de la demande dont Mme Khiari se faisait l'interprète. Un effort budgétaire en faveur de la juridiction administrative a été engagé avec une grande détermination : création de 130 postes de magistrats de tribunaux et de cours administratives entre 2002 et 2006 ; création de 132 postes d'agents de greffe, création de 90 postes d'assistants de justice. Voilà bien longtemps que des gouvernements n'avaient pas engagé de tels efforts en matière de renforcement de postes dans les juridictions administratives.
Monsieur Goujon, vous avez raison, il est tout aussi nécessaire d'améliorer les conditions dans lesquelles l'administration défend les intérêts de l'État devant les tribunaux administratifs et, à la suite de nombre de vos interventions, le ministre d'État a donné des instructions très fermes aux préfets de police pour qu'une organisation nouvelle à cet égard permette d'améliorer les performances.
En conclusion, le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques nos 205 et 406, 206 et 407, à l'amendement n° 408, aux amendements identiques n os 207 et 411, ainsi qu'aux amendements nos 410, 208 et 409.
En revanche, il est favorable à l'amendement n° 50 de la commission.
Je veux seulement rappeler à nos collègues que nous discutons de dispositions de nature purement réglementaires. En effet, tout ce qui concerne l'organisation des tribunaux administratifs et la procédure devant ces tribunaux a toujours été considéré comme faisant partie du règlement autonome de l'article 37 de la Constitution.
Par conséquent, cela ne relève pas du domaine de la loi et nous perdons notre temps !
Les amendements ne sont pas adoptés.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'amendement n'est pas adopté.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur l'amendement n° 208.
Ma collègue Bariza Khiari vous répondra tout à l'heure, monsieur le ministre, quant à l'authenticité de son intervention. Il est vrai que la lecture est un art difficile ; vous nous en donnez constamment l'exemple.
Nous avons procédé, comme M. le rapporteur, à des auditions. Au cours de celles-ci, nous avons effectivement entendu ensemble - M. le rapporteur a, je crois, et je parle sous son contrôle, procédé de la même manière - les représentants des deux organisations syndicales des magistrats administratifs, lesquelles sont représentatives. Or nous avons été frappés de constater que leurs analyses concordaient, ce qui n'est pas systématique dans le domaine de la magistrature. Par ailleurs, nous avons pu mesurer l'écho qu'a eu la manifestation qu'ils ont organisée et avons été surpris de la manière dont ils ont médiatisé cette question dans toute la France.
Nous ne remettons pas systématiquement en cause le juge unique. Il est la règle pour ce qui concerne les arrêtés de reconduite à la frontière, mais pas pour les titres de séjour. S'agissant de ces derniers, il importe, pour traiter les contentieux sur le refus de délivrer ces titres, d'avoir une collégialité, garantie d'indépendance du magistrat. Le magistrat, juge unique, qui décidera du refus des titres de séjour, il faudra, monsieur le ministre, songer à le protéger de la hiérarchie de l'État, car il a droit à l'indépendance.
En effet, on n'a pas à observer ses faits et gestes pour savoir ensuite combien de titres de séjour il a refusé de délivrer, combien de procédures d'appel il a accepté ou refusé, pour mesurer en quelque sorte son coefficient d'activité. Il ne faut pas essayer de faire entrer son action dans une norme, l'un de vos objectifs étant, comme nous l'avons régulièrement entendu, de faire du chiffre. C'est cette garantie-là que nous voulons obtenir !
Mon cher collègue Portelli, je suis toujours amateur de leçons de droit lorsqu'elles sont données avec le talent qui est le vôtre. Toutefois, nous savons parfaitement de quoi nous parlons. Nous estimons que ce qui se prépare est inquiétant, alors même que nos collègues de l'Assemblée nationale - mais je sais bien que le ministre ne les écoute que d'une oreille discrète - ne parlent, après l'affaire d'Outreau, que de collégialité et affirment que ce qui s'est passé à cette occasion - et ce n'est pas le problème des syndicats de magistrats - justifie le recours à la collégialité afin de pouvoir se prononcer sur des points délicats.
Pour garantir l'indépendance de la justice, ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu'il importe de retenir le principe de la collégialité pour juger les contentieux sur les titres de séjour ? C'est un principe essentiel auquel nous tenons. C'est pour cette raison que nous avons déposé l'amendement n° 208.
La forme est une chose, le fond en est une autre. En la circonstance, il y a un principe, sur lequel nous souhaitons que le Parlement se prononce.
Monsieur le ministre, vous avez été parlementaire ; vous savez bien que nous ne sommes pas spécialistes dans tous les domaines, même si nous sommes très doués. Nous avons également besoin de former notre jugement à la lumière d'auditions, et mon collègue Bernard Frimat a évoqué ce point. Monsieur le ministre, il n'est pas interdit de penser - dans le passé, au cours de votre carrière parlementaire, cela a aussi dû vous arriver - que les personnes auditionnées ont des choses sensées à nous dire.
L'article 41 du projet de loi révèle surtout une vision de la justice que nous ne pouvons accepter. Vous soumettez en effet les droits et les procédures judiciaires à des considérations de rentabilité qui sont intolérables.
Je le répète, les syndicats de magistrats administratifs se sont émus de cette décision et s'inquiètent de la perspective de voir le contentieux des étrangers confié à un juge unique, sans l'assistance d'un commissaire du Gouvernement. Nous savons déjà que le Gouvernement a tendance à favoriser la procédure à juge unique au détriment de la collégialité pour les contentieux les plus importants. Pourtant, vous savez comme moi que la légitimité de la chose jugée repose, pour une bonne partie, sur la décision collégiale.
Monsieur le ministre, dans l'affaire d'Outreau, tout le monde a dénoncé la solitude dangereuse du magistrat instructeur. Or, en l'occurrence, vous ne nous proposez finalement que de généraliser la procédure du juge unique. Je pense que l'on met le doigt dans un engrenage que les citoyens nous reprocheront. On va vers une multiplication d'« Outreau administratifs ».
Monsieur le ministre, nous le reconnaissons, vous ne résistez jamais au plaisir d'un bon mot. Mais tout le monde procède à des auditions, et le Gouvernement en premier lieu. Vous êtes d'ailleurs le premier à dire que vous avez auditionné je ne sais combien de personnes ! Je ne sais d'ailleurs si c'est vrai ! De leur côté, les parlementaires procèdent également à des auditions, et ils n'en tirent pas forcément les mêmes conclusions. On peut donc se dispenser de dire qu'il y a, d'un côté, des bons parlementaires et, de l'autre, des mauvais, au prétexte que ces derniers n'ont pas entendu la même chose. En fonction des dires de chacun, nous essayons de voir là où le bât blesse, en fonction de la philosophie qui est la nôtre s'agissant des droits des étrangers.
Monsieur Portelli, nous apprécions beaucoup vos qualités de juriste et de professeur de droit mais, s'agissant du principe de la collégialité - car c'est de cela qu'il s'agit ici -, le Parlement a son mot à dire ! La collégialité existe dans le domaine des contentieux, il n'y a pas de raison pour que ce ne soit pas le cas en matière de droit des étrangers.
J'ai entendu dire qu'un juge unique serait moins indépendant qu'une formation collégiale ! C'est absolument extraordinaire ! Pourtant, on le sait très bien, au cours de l'histoire, des formations collégiales ont été sous influence, bien plus que des juges uniques.
Il est vrai, la complexité de certains problèmes peut exiger que l'on fasse appel à une formation collégiale pour prendre des décisions importantes. C'est d'ailleurs souvent le rapporteur qui joue le rôle majeur dans les tribunaux administratifs, en portant un autre regard sur la situation. Mais n'exagérons rien tout de même !
Par ailleurs, il est totalement outrancier de comparer les décisions qui ont été rendues par un tribunal administratif avec celles qui ont été rendues dans l'affaire d'Outreau. C'est une telle déformation de la réalité que je suis étonné que l'on puisse aller jusqu'à avancer ces arguments !
L'indépendance du juge ne tient pas au fait qu'ils doivent être plusieurs. En effet, mes chers collègues, de nombreux juges uniques prennent tous les jours des décisions, et ils sont parfaitement indépendants. J'espère que tous les magistrats de France sont indépendants, quelle que soit la formation à laquelle ils appartiennent. Franchement, je l'espère.
Je mets aux voix l'amendement n° 208.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin a lieu.
Il est procédé au comptage des votes.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 211 :
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 409.
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur l'amendement n° 50.
Nous allons voter en faveur de cet amendement de la commission, dans la mesure où il est en parfaite conformité avec l'argumentation que j'ai développée tout à l'heure concernant le moment où l'instruction doit être close.
L'amendement est adopté.
L'article 41 est adopté.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures.