Le ministre de l'intérieur avait promis d'abolir la double peine ; il dit l'avoir fait dans sa loi du 26 novembre 2003. Or il n'en est rien : elle demeure toujours une réalité quotidienne.
Je recommande, sur ce point, la lecture du Livre noir de la double peine, qui a été récemment édité par la CIMADE, le GISTI, la LDH et le MRAP.
Aux termes de la loi de 2003 ont seulement été créées quelques catégories protégées. Le résultat est qu'aucun étranger n'est totalement à l'abri d'une expulsion, quand bien même il est en mesure de prouver de fortes attaches familiales et de longues années de vie en France, puisque la notion de « liens privés et familiaux », qui permet cette protection, est entendue restrictivement.
En matière de vie familiale, la protection ne concerne que les conjoints de Français et les parents d'enfants français. Même pour eux, s'ajoute la condition d'un séjour régulier en France d'au moins dix ans.
Quant à la vie privée, la protection n'est accordée que si la personne concernée réside en France depuis qu'elle a atteint au plus l'âge de treize ans ou si elle y a résidé régulièrement pendant vingt ans au moins.
On est bien loin de l'abolition de cette « double peine », qui contrevient pourtant à plus d'un titre aux principes directeurs de notre droit pénal.
C'est une règle discriminatoire, qui aboutit à punir une personne deux fois pour un même délit, au motif exclusif qu'elle n'est pas de nationalité française. Elle heurte le principe d'égalité devant la loi pénale en créant une peine sans lien direct avec l'infraction elle-même mais fondée sur la qualité d'étranger de la personne concernée.
Cette discrimination créée par la peine d'interdiction du territoire apparaît encore aggravée quand on s'attache à ses conséquences, qui vont jusqu'à contredire le principe de la personnalisation des peines. Elle rend, par exemple, impossible de fait les mesures d'aménagement de la peine.
Elle contrevient donc aux droits fondamentaux au travail ou à la formation de la personne concernée, au motif de sa situation irrégulière au regard du droit au séjour.
Dès lors, parce que l'objectif de réinsertion sociale disparaît, c'est le sens même de la peine qui se trouve dilué avec l'interdiction du territoire français.
De plus, elle a des conséquences extrêmement lourdes pour les personnes condamnées, qui, vivant en France depuis de nombreuses années, y ont toutes leurs attaches. Le retour dans un pays avec lequel elles n'ont d'autres liens que celui d'une « nationalité de papier » apparaît alors, à bien des égards, dramatique, lorsqu'il les sépare de leur famille, de leurs amis, de leurs voisins, de leur école ou de leur travail.
Pour toutes ces raisons, nous pensons qu'il est urgent d'en finir avec la double peine. Tel est l'objet de notre amendement.