La loi du 26 novembre 2003 a prévu la possibilité de prononcer contre une personne étrangère une mesure de reconduite à la frontière sur le fondement de la menace à l'ordre public édictée au 8°de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
L'article 33 du présent projet de loi prévoit la possibilité de lui refuser l'accès au territoire français pendant un an : est ainsi réintroduite dans la législation l'interdiction administrative du territoire. Si l'on y accole la disposition de l'article L. 624-1, qui fait du retour un délit punissable de trois ans de prison, tous les éléments sont réunis pour que la mesure de reconduite à la frontière emporte de plein droit l'interdiction du territoire.
Il y a là un glissement très dangereux, une nouvelle double peine, en quelque sorte.
De plus, est confié au préfet le contrôle de l'accès au territoire.
La possibilité de prendre un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière ne visait jusqu'alors qu'à mettre fin à une situation irrégulière. La menace à l'ordre public devait être établie pour interdire l'accès au territoire lors de l'examen de la demande de visa. Demain, si cet article était adopté, et comme le souligne très justement la commission, « la menace à l'ordre public n'aurait pas à être spécialement établie ». Une menace « simple » pourra donc entraîner un refus de visa.
La disposition insérée dans l'article 33 a pourtant été censurée par le Conseil constitutionnel, dans une décision en date du 13 août 1993 prise sur le fondement de l'article VIII de la Déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. »
Dans cette décision, le Conseil constitutionnel a considéré qu'une punition, à savoir l'interdiction du territoire, était prononcée sans égard quant à la gravité du comportement ayant motivé l'arrêté de reconduite à la frontière et sans possibilité d'en dispenser l'intéressé, ni d'en faire varier la durée.
L'automaticité de la mesure prévue par l'article 33 ignore ce critère de gravité et interdit tout aménagement de la peine.