Intervention de Richard Yung

Réunion du 16 juin 2006 à 9h45
Immigration et intégration — Article 36

Photo de Richard YungRichard Yung :

Cet article réforme de façon importante le contentieux administratif en matière de droit des étrangers.

Actuellement, dans trois hypothèses - le refus de délivrance, le refus de renouvellement et le retrait d'un titre de séjour -, l'administration procède de la façon suivante : la décision de refus ou de retrait est assortie d'une invitation à quitter le territoire dans un délai d'un mois. Ce délai coïncide avec la possibilité de solliciter le dispositif d'aide au retour financé par l'ANAEM, l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, qui a remplacé l'OMI, l'Office des migrations internationales.

Cette décision est alors susceptible d'un recours gracieux ou d'un recours contentieux auprès du tribunal administratif. Mais aucun de ces recours n'est suspensif de la décision de refus ou de retrait. Passé le délai d'un mois à compter de l'invitation à quitter le territoire, l'administration a la possibilité de prendre un arrêté de reconduite à la frontière, mesure d'éloignement contraignante qui peut, à son tour, faire l'objet d'un recours contentieux devant le tribunal administratif dans un délai de 48 heures.

Dans les trois mêmes hypothèses, le projet de loi prévoit que l'administration peut assortir sa décision de refus ou de retrait d'un titre de séjour ou du récépissé de demande de carte de séjour d'une OQTF. L'étranger dispose alors d'un délai d'un mois pour quitter le territoire volontairement.

En revanche, passé ce délai, l'OQTF vaut mesure d'éloignement contraignante : l'administration n'a pas besoin de prendre une nouvelle décision. Ainsi, le refus de délivrance, de renouvellement ou de retrait d'un titre de séjour, et l'OQTF qui peut l'accompagner constituent les deux volets d'une décision unique, qui ne peut faire l'objet que d'un seul recours devant le tribunal administratif. Celui-ci doit être introduit dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision de refus ou de retrait, assortie d'une OQTF. Ce recours suspend l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, sans pour autant faire obstacle au placement en rétention administrative.

Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine.

Si l'obligation de quitter le territoire est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance et l'étranger est muni d'un titre de séjour provisoire jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas.

Présentée abusivement comme une simplification administrative, la radicalisation apparente de l'éloignement repose sur une logique d'affichage. Elle peut s'avérer le cas échéant, et dans l'hypothèse de la mise en place de quotas nationaux ou ethniques, être une arme d'autant plus redoutable que l'appel reste non suspensif.

Sous prétexte de désengorger les tribunaux et de fusionner les décisions de refus ou de retrait du titre de séjour avec la décision de reconduite à la frontière, cet article prive les étrangers du droit de se défendre, ce qui représente, à nos yeux, une régression inacceptable.

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