Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 16 juin 2006 à 9h45
Immigration et intégration — Article 36

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

L'article 36 crée l'OQTF, mesure directement inspirée du projet de directive européenne sur les normes et procédures communes en matière d'éloignement du territoire.

Il s'agit d'associer à une décision de l'administration préfectorale statuant sur un titre de séjour non plus une mesure d'invitation à quitter le territoire français, comme c'est le cas actuellement, mais une décision distincte, l'obligation de quitter le territoire français. Cette mesure de contrainte, car il s'agit d'une obligation et non plus d'une invitation, présente l'avantage, pour les préfectures, de ne plus avoir à prendre, après une décision rendue sur un titre de séjour, une mesure de reconduite à la frontière quelques semaines après.

Le cas de l'étranger serait ainsi réglé en une seule fois, le refus de séjour étant associé automatiquement à l'obligation de quitter le territoire. L'étranger aurait donc un mois après la notification conjointe pour quitter le territoire français. Une fois passé ce délai, l'OQTF deviendrait elle-même une décision permettant la mise en oeuvre d'une mesure d'éloignement, à l'instar de l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière.

Le Gouvernement justifie ce nouveau régime en arguant du fait que l'OQTF va simplifier les procédures et désengorger les tribunaux administratifs, grâce à la mise en place d'un contentieux unique pour le refus de séjour et la reconduite à la frontière.

Or, ces objectifs ne seront pas atteints, bien au contraire !

Tout d'abord, le recours unique ne désengorgera pas les tribunaux : il conduira à systématiser les recours contentieux contre les décisions de refus de séjour, car cette réforme empêchera tout recours administratif, hiérarchique ou gracieux.

Ensuite, l'OQTF introduit confusion et complexité dans la mesure où le nouveau régime va coexister avec le recours en référé contre les refus de séjour et avec le recours contre les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière, les APRF, notifiés par voie administrative.

Par ailleurs, le fait que l'audiencement des recours contre le refus de séjour et contre l'OQTF soit dissocié en cas de placement en rétention administrative laisse persister le système actuel.

Enfin, contrairement aux recours contre les APRF, la nouvelle procédure durera trois mois et fera appel à un commissaire au Gouvernement, même si le rôle de ce dernier est remis en cause par l'article 41 du projet de loi.

Cette garantie disparaît si l'étranger est en centre de rétention. Dans ce cas, le préfet informe le tribunal, qui statue en soixante-douze heures. Il paraît difficile d'organiser en trois jours une audience collégiale, ou même devant un juge unique, avec conclusions du commissaire au Gouvernement, d'autant que ce contentieux comporte une dimension humaine et subjective très forte qui devrait empêcher une justice trop expéditive.

Nous sommes foncièrement opposés à cette fusion des décisions de refus de séjour, d'invitation à quitter le territoire et de reconduite à la frontière qui ne vise qu'à rejeter les étrangers le plus facilement possible et le plus rapidement possible du territoire français.

Voilà donc la philosophie de votre texte, et tant pis pour les garanties procédurales et les droits fondamentaux des étrangers !

Pour toutes ces raisons, nous vous proposons, mes chers collègues, d'adopter notre amendement de suppression de l'article 36.

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