Ma collègue Bariza Khiari vous répondra tout à l'heure, monsieur le ministre, quant à l'authenticité de son intervention. Il est vrai que la lecture est un art difficile ; vous nous en donnez constamment l'exemple.
Nous avons procédé, comme M. le rapporteur, à des auditions. Au cours de celles-ci, nous avons effectivement entendu ensemble - M. le rapporteur a, je crois, et je parle sous son contrôle, procédé de la même manière - les représentants des deux organisations syndicales des magistrats administratifs, lesquelles sont représentatives. Or nous avons été frappés de constater que leurs analyses concordaient, ce qui n'est pas systématique dans le domaine de la magistrature. Par ailleurs, nous avons pu mesurer l'écho qu'a eu la manifestation qu'ils ont organisée et avons été surpris de la manière dont ils ont médiatisé cette question dans toute la France.
Nous ne remettons pas systématiquement en cause le juge unique. Il est la règle pour ce qui concerne les arrêtés de reconduite à la frontière, mais pas pour les titres de séjour. S'agissant de ces derniers, il importe, pour traiter les contentieux sur le refus de délivrer ces titres, d'avoir une collégialité, garantie d'indépendance du magistrat. Le magistrat, juge unique, qui décidera du refus des titres de séjour, il faudra, monsieur le ministre, songer à le protéger de la hiérarchie de l'État, car il a droit à l'indépendance.
En effet, on n'a pas à observer ses faits et gestes pour savoir ensuite combien de titres de séjour il a refusé de délivrer, combien de procédures d'appel il a accepté ou refusé, pour mesurer en quelque sorte son coefficient d'activité. Il ne faut pas essayer de faire entrer son action dans une norme, l'un de vos objectifs étant, comme nous l'avons régulièrement entendu, de faire du chiffre. C'est cette garantie-là que nous voulons obtenir !
Mon cher collègue Portelli, je suis toujours amateur de leçons de droit lorsqu'elles sont données avec le talent qui est le vôtre. Toutefois, nous savons parfaitement de quoi nous parlons. Nous estimons que ce qui se prépare est inquiétant, alors même que nos collègues de l'Assemblée nationale - mais je sais bien que le ministre ne les écoute que d'une oreille discrète - ne parlent, après l'affaire d'Outreau, que de collégialité et affirment que ce qui s'est passé à cette occasion - et ce n'est pas le problème des syndicats de magistrats - justifie le recours à la collégialité afin de pouvoir se prononcer sur des points délicats.
Pour garantir l'indépendance de la justice, ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu'il importe de retenir le principe de la collégialité pour juger les contentieux sur les titres de séjour ? C'est un principe essentiel auquel nous tenons. C'est pour cette raison que nous avons déposé l'amendement n° 208.
La forme est une chose, le fond en est une autre. En la circonstance, il y a un principe, sur lequel nous souhaitons que le Parlement se prononce.