Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 16 juin 2006 à 15h00
Immigration et intégration — Article 42

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

L'article 42, d'une part, tend à supprimer les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière notifiés par voie postale ; d'autre part, il prévoit le recours à des magistrats honoraires pour statuer sur la légalité des APRF notifiés par voie administrative et sur les obligations de quitter le territoire français, ou OQTF.

Vous souhaitez ainsi répondre à l'encombrement des tribunaux administratifs par le recours à des magistrats honoraires.

Nous estimons, quant à nous, que la désignation par le président du tribunal administratif de magistrats honoraires, pour une durée de trois mois renouvelable, statuant sur les litiges relatifs aux arrêtés de reconduite à la frontière est une mauvaise solution au vrai problème de l'engorgement des tribunaux.

Cela revient de surcroît à réserver dans notre législation un traitement vraiment à part pour les étrangers, qui se verront ainsi privés du droit à un procès équitable.

C'est inadmissible !

Nous pensons que l'honorariat ne garantit pas la meilleure connaissance du sujet. Il ne s'agit pas en la matière uniquement d'éléments de droit : les dossiers en question font aussi l'objet d'une appréciation en subjectivité qui représente une part importante et qui est à prendre en compte dans la décision rendue.

Par ailleurs, je m'interroge sur le dispositif que vous proposez.

Des juges n'ayant pas exercé depuis longtemps ne risquent-ils pas d'être insuffisamment compétents dans un domaine en constante évolution ?

Malgré ce que vous nous avez indiqué à propos de la collégialité, j'insiste pour dire notre crainte qu'un « monsieur contentieux des étrangers » ne statue seul sur tous les litiges afférents et que le principe de collégialité, principe directeur de notre organisation juridictionnelle, ne soit ainsi bafoué.

Or la formation à juge unique est particulièrement inadaptée à un contentieux où la part de subjectivité conditionne le jugement rendu.

Si l'on couple cette disposition avec la mise en place de délais trop brefs pour statuer à la fois sur la légalité du refus de séjour et sur celle de l'obligation de quitter le territoire, la justice rendue en matière de droit des étrangers risque alors de devenir plus qu'expéditive.

Enfin, il est utile de rappeler que, si cette mesure est aujourd'hui proposée, c'est parce ce que le Gouvernement n'a pas, une fois n'est pas coutume, n'est-ce pas ? tenu les engagements qu'il avait pris en matière de recrutement de magistrats dans le cadre de la loi du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice.

Il est inadmissible que les étrangers fassent les frais de votre incurie, monsieur le ministre délégué.

Pour toutes ces raisons, nous vous proposons d'adopter notre amendement tendant à supprimer la possibilité de recourir à des magistrats honoraires et de revenir ainsi sur une disposition dangereuse pour les droits des étrangers.

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