Intervention de Joseph Kergueris

Réunion du 22 septembre 2008 à 17h00
Prolongation de l'intervention des forces armées en afghanistan — Débat et vote sur une demande d'autorisation du gouvernement

Photo de Joseph KerguerisJoseph Kergueris :

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, étant donné l’urgence de la situation, je me félicite que le Sénat accueille cet après-midi, dans le cadre d’une session extraordinaire, ce débat sur l’engagement de nos forces armées en Afghanistan et qu’il le conclue par un vote. Cela illustre et justifie, s’il en était besoin, la révision de la Constitution à laquelle notre assemblée et notre groupe ont pris une large part.

Mes chers collègues, nous devons nous prononcer ce soir sur le maintien de nos forces armées en Afghanistan : c’est là un acte grave, une décision qui va nous engager ; c’est une responsabilité majeure de nos vies de parlementaires, et c’est aussi, comme M. de Rohan le disait voilà un instant, l’occasion de préparer les débats futurs que nous aurons sur le même thème en application des nouvelles dispositions de la Constitution.

Aussi voudrais-je, avant d’évoquer le maintien de nos troupes et de répondre à la question qui nous est posée, rappeler les buts visés par la coalition internationale en Afghanistan, le rôle joué par la France au sein de celle-ci et, modestement, afin d’orienter notre réflexion future, tirer quelques leçons du passé.

C’est dans le plein respect du droit international que la résolution 1386, en date du 20 décembre 2001, a créé la Force internationale d’assistance à la sécurité, qui intervient militairement sur le fondement d’un mandat d’un an, périodiquement renouvelé par le Conseil de sécurité des Nations unies.

Ce mandat comporte quatre missions, que je voudrais maintenant rappeler : aider le gouvernement afghan à étendre son autorité à l’ensemble du pays ; mener des actions destinées à assurer stabilité et sécurité dans le pays, en coordination avec les forces nationales afghanes ; encadrer et soutenir l’armée afghane ; enfin, apporter un soutien aux programmes du gouvernement visant à désarmer les groupes illégaux.

La FIAS, coalition de pays volontaires déployée sous l’autorité du Conseil de sécurité des Nations unies, est placée, depuis août 2003, sous le commandement de l’OTAN. Aujourd’hui, trente-huit pays y participent, dont douze n’appartiennent pas à l’OTAN, et tous les pays de l’Union européenne y sont représentés, à l’exception de Chypre et de Malte.

La FIAS compte 51 000 hommes répartis dans cinq régions, au service d’une triple mission, objet de notre engagement : reconstruire l’Afghanistan, consolider son État de droit et lutter contre le terrorisme international qui menace l’ensemble des démocraties et la communauté mondiale.

La présence de la France est le fruit de la décision conjointe du Président de la République Jacques Chirac et de son Premier ministre de l’époque, Lionel Jospin, qui ont engagé nos forces armées en Afghanistan.

Ce fut, d’abord, un appui aérien important : nos appareils, stationnés sur des aéroports d’Asie centrale, ont effectué de nombreuses sorties, les plus importantes après celles des États-Unis.

Ce fut, ensuite, un soutien de notre groupe aéronaval, avec l’intervention d’un porte-avions.

Ce fut, enfin, l’intervention décisive de nos forces spéciales. Elles ont mené des actions de renseignement et de soutien aux interventions aériennes et des opérations de contre-guérilla. Convenons-en, ce concours s’est révélé tout à fait précieux.

Dans ce théâtre d’opérations difficile et dangereux, des pays exposaient particulièrement leurs troupes dans les engagements au sol : les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie, les Pays-Bas et le Canada. C’est pour remplir nos obligations de membre permanent du Conseil de sécurité que le Président de la République a décidé de renforcer et de redéployer nos effectifs, conformément à un engagement commun à toute la Force internationale qui a été pris au sommet de Bucarest, en avril dernier.

Les puissances internationales se sont engagées à s’appuyer mutuellement pour le partage du fardeau, à mettre des moyens adéquats à la disposition des commandants militaires, à permettre une souplesse d’utilisation maximale de nos forces et à éviter les victimes civiles. Aujourd’hui, en application de cet engagement, nous comptons en Afghanistan 2 550 soldats, 450 aviateurs et 300 marins. Il n’est pas inutile de rappeler ces éléments, tant ils pèsent sur notre réflexion et conditionnent notre décision.

Il me paraît en outre indispensable de souligner que l’Afghanistan n’a jamais cessé d’être l’objet d’une rivalité entre Orient et Occident, Russie et Grande-Bretagne, Union soviétique et États-Unis. L’histoire de ce pays a de tous temps été faite de conflits de toute nature. Parallèlement à notre action militaire forte et obstinée, nous devons continuer à renforcer notre action diplomatique dans le cadre de la coalition et de l’Europe.

Aujourd'hui, la question du maintien de nos troupes en Afghanistan est donc posée, notre assemblée devant se prononcer par un vote solennel. Dans cet Orient compliqué, dans ce Moyen-Orient dangereux, chacun attend la décision du Parlement français. Donner le sentiment d’hésiter, de reculer, de ne pas être tous unis serait une faute, à un moment où ceux et celles qui ont la charge de notre défense attendent notre soutien.

La coalition internationale a besoin de notre présence militaire. Aux côtés des hommes de la FIAS, nos alliés américains ont un contingent propre de 30 000 hommes et insistent sur l’importance de notre concours.

L’Union européenne, dont la France assure en ce moment la présidence, est présente en Afghanistan à la quasi-unanimité de ses membres. Malgré leur statut particulier de neutralité, la Suède, la Finlande et l’Autriche ont donné une réponse favorable.

Enfin, nous ne pouvons baisser la garde devant un terrorisme international qui menace sans cesse et en tout lieu chacun d’entre nous dans sa vie quotidienne.

Monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, permettez-moi d’exprimer deux souhaits : le retour en Afghanistan de nos forces spéciales, qui me paraît indispensable afin de renforcer notre dispositif, et l’octroi de moyens supplémentaires destinés à améliorer la sécurité de nos troupes.

Par ailleurs, je voudrais faire mienne la préoccupation exprimée en commission par notre collègue Yves Pozzo di Borgo, qui a souhaité la participation au plus près, dans le cadre d’un commandement multinational, de nos officiers aux différentes opérations militaires et l’accentuation de nos stratégies d’éradication de la drogue suivant des méthodes bien évidemment adaptées aux particularités de ce pays.

Il nous faudra certainement, à l’avenir, réfléchir à la durée de notre engagement et aux moyens mis en œuvre en appui de notre politique, sur le plan militaire, certes, mais aussi sur le plan diplomatique, tant au sein de la coalition que dans le cadre des responsabilités que nous exerçons actuellement dans l’Union européenne.

Nos neuf parachutistes et notre cavalier du régiment de marche du Tchad sont morts en Afghanistan dans un conflit dont l’objet ne se limite pas, il faut que chacun le sache, aux seules frontières de ce pays et qui peut à tout moment atteindre les nôtres. Souvenons-nous de leur sacrifice dans cet esprit.

Monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, le Gouvernement mène un combat courageux et juste contre les talibans et pour la liberté. C’est en gardant à la mémoire la phrase de Thomas d’Aquin selon laquelle « sont dignes de louanges ceux qui ont délivré le peuple d’un pouvoir tyrannique » que je vous indique que le groupe de l’Union centriste autorisera le maintien de nos forces armées en Afghanistan.

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