Intervention de Bernard Frimat

Réunion du 16 juin 2006 à 15h00
Immigration et intégration — Article 51

Photo de Bernard FrimatBernard Frimat :

Sur cet article, nous avons déposé deux amendements, qui seront présentés par Catherine Tasca, dont l'un tend à revenir sur un débat que nous avons déjà eu - et que nous aurons encore, sauf à lui trouver une issue favorable - sur le problème des jeunes enfants scolarisés de parents sans-papiers.

Comme vous avez pu le constater, madame la présidente, nous n'hésitons pas à faire avancer le débat lorsque nous le pouvons, notamment quand nous présentons des amendements de coordination, préférant le centrer sur les points « durs » et ne pas l'allonger à plaisir.

En l'occurrence, je m'efforcerai de ne pas dépasser mon temps de parole, tout en me réservant la possibilité d'intervenir à nouveau ultérieurement.

Nous souhaitons que les positions soient très claires et je vous ferai parvenir en temps opportun, madame la présidente, une demande de scrutin public.

À l'occasion de la discussion générale, j'ai attiré l'attention du ministre sur notre préoccupation profonde et l'émotion que suscite ce dossier, transcendant très largement les clivages politiques.

Tant qu'il en restait aux questions de flux ou de filières, le discours passait ; mais, dès lors qu'il s'est incarné en un enfant, que ses camarades de classe, les parents d'élèves, les professeurs ont vu subitement menacé d'expulsion, la réaction est devenue plus « charnelle », si vous me permettez l'expression, s'accompagnant d'un sentiment général de déchirement, et il n'était plus question alors d'appartenance à telle ou telle formation politique ou à telle ou telle fédération de parents d'élèves.

M. le ministre d'État nous a apporté une première réponse, à la tribune de cette assemblée, en annonçant une circulaire. Je vis toujours dans l'espoir qu'il reviendra nous dire qu'il fera mieux, car cette circulaire paraissait un peu restrictive au premier abord.

Aujourd'hui, nous en sommes non plus aux intentions, mais aux actes, puisque la circulaire a été publiée, le 13 juin dernier, et qu'elle contient déjà en elle-même sa propre disparition sachant que sa validité expirera le 13 août prochain.

Si je devais caricaturer ma pensée, je dirais que je préfère être irresponsable plutôt qu'inhumain, monsieur le ministre délégué. Quoi qu'il en soit, notre amendement n'est en rien irresponsable.

Je veux dire à quel point j'ai été frappé, comme ont dû l'être Jean-Noël Buffet, ainsi que Georges Othily, lors de notre visite au centre d'accueil de demandeurs d'asile de Miramas, où une mère de famille nous a dit avec bonheur que ses deux enfants scolarisés, arrivés depuis six mois, parlaient désormais parfaitement le français, se situaient en tête de leur classe et, surtout, avaient retrouvé la paix. Les éducateurs nous ont montré les dessins réalisés par ces enfants au moment de leur arrivée dans le centre, et toute l'horreur qu'ils exprimaient : combien elle tranchait avec le bonheur de la paix retrouvée ! Nous avons eu le sentiment d'un profond décalage.

Personnellement, je ne pourrai jamais comprendre pourquoi ces enfants constitueraient une menace pour la France.

Les deux médecins en poste dans la zone d'attente pour personnes en instance de Roissy sont tous deux d'origine étrangère, arrivés en France à l'âge de sept ou huit ans. Comme tous ces enfants, ils sont une chance pour la France.

Or la circulaire ne s'ouvre nullement sur un message d'accueil. Elle rappelle que la logique, c'est l'éloignement, et que le premier travail du préfet est de persuader les arrivants de repartir chez eux. Et on double la mise ! Quant aux possibilités de maintien sur le territoire, elles sont assorties de toute une série de conditions.

Monsieur le ministre délégué, pour éclairer la Haute Assemblée, pourriez-vous nous préciser si les critères sur lesquels se fonderont les préfets pour exercer leur pouvoir d'appréciation sont cumulatifs ou alternatifs, autrement dit si l'un d'entre eux suffit pour bénéficier d'un avantage qui, de toute manière, restera discrétionnaire et exceptionnel ?

Certes, on peut se réjouir de l'accélération du traitement des dossiers. Mais, si vous exigez, par exemple, la présence sur le territoire français depuis deux ans, ce critère venant s'ajouter aux autres, il jouera comme un couperet et aura des conséquences immédiates.

Après avoir entendu l'avis du ministre, nous aurons l'occasion de lui répondre en expliquant notre vote. Mais, comment vous dire, monsieur le ministre délégué ? Tous ici, nous avons notre histoire, nos références... Je ne puis en dire davantage.

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