Les articles L. 521-2 et L.521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoient que certaines catégories d'étrangers bénéficient de protection contre l'expulsion.
Le premier de ces articles concerne les protections relatives et énumère cinq catégories d'étrangers ne pouvant faire l'objet d'une mesure d'expulsion que pour des raisons liées à la sûreté de l'État et à la sécurité publique, ou s'ils ont été définitivement condamnés à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans.
L'article 51 du projet de loi introduit trois modifications.
Nous approuvons totalement la troisième d'entre elles, qui tend à créer une nouvelle catégorie de bénéficiaires d'une protection contre l'éloignement, en application de la directive 2004/38/CE, à savoir les ressortissants de l'Union européenne d'un autre État partie à l'Espace économique européen, la Norvège, l'Islande ou la Suisse.
En revanche, nous proposons, par cet amendement, de supprimer les deux premières modifications.
La première concerne les conjoints de Français qui devront désormais prouver trois ans, au lieu de deux ans, de vie commune en France depuis leur mariage.
Ma collègue Mme Assassi vient de réagir comme nous sur cette disposition. Tout au long de ce débat, nous avons tous insisté sur le critère « vie privée et familiale » et sur l'importance de la vie familiale pour créer les conditions d'un bon équilibre et d'une bonne intégration. Or, monsieur le ministre délégué, nous rendons toujours plus difficile l'accès à une vie familiale de qualité. Ne sommes-nous pas en pleine contradiction ?
En outre, en portant la durée de vie commune de trois à deux ans, vous ne tenez pas compte de l'évolution de la société, même si elle peut paraître regrettable. Aujourd'hui, en effet, bon nombre de couples, tant français qu'étrangers, se séparent malheureusement avant deux ans de vie commune ; nous en connaissons tous autour de nous. Ce n'est pas pour autant que nous condamnons le mariage et que nous considérons les époux concernés comme des « sous-citoyens ». Dès lors, que devient le conjoint étranger en cas de rupture de la vie commune avant que la condition des trois ans soit remplie ? C'est lui faire payer vraiment très cher un accident de la vie devenu courant.
Au surplus, cet allongement de la durée exigée sera inévitablement une source de chantage ou, en tout cas, de dépendance au sein des couples mixtes, ce que nous refusons.
Quant à la seconde modification dont nous proposons la suppression, elle vise les étrangers pouvant apporter la preuve qu'ils résident en France depuis plus de quinze ans : ils ne bénéficieront plus d'une protection contre la reconduite à la frontière.
Franchement, monsieur le ministre délégué, des personnes arrivées en France depuis plus de quinze ans sont, à l'évidence, intégrées et ont créé des liens dans le pays. Vous ne pouvez donc pas tout à la fois discourir sur le malheur des étrangers et supprimer leur protection relative contre l'expulsion.
Nous pouvons tous affirmer ici, sur l'ensemble des travées, notre attachement à l'intégration des étrangers dans notre pays. Et il n'y a pas trop d'étrangers dans notre pays : le problème n'est pas celui de leur nombre, mais bien plutôt celui des mauvaises conditions d'accueil et d'intégration que nous leur réservons.
Tout ce qui est de nature à favoriser l'intégration nous paraît positif pour ouvrir notre communauté nationale à l'apport des étrangers.
Si nous multiplions les obstacles, en particulier pour des personnes qui résident depuis longtemps déjà dans notre pays, nous sommes véritablement dans une contradiction fondamentale avec nous-mêmes.
Je le répète, il n'y a pas trop d'étrangers en France : il y a des étrangers qui y sont entrés irrégulièrement, et il y a des étrangers auxquels nous n'offrons pas les conditions d'une véritable intégration.
Dans les deux cas que vise l'article 51, celui des personnes résidant depuis plus de quinze ans dans notre pays et celui des conjoints de Français, nous ramons véritablement à contre-courant de notre propre objectif d'intégration, monsieur le ministre délégué. C'est un très mauvais signal qu'adresse la France à l'étranger.