Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 16 juin 2006 à 21h00
Immigration et intégration — Vote sur l'ensemble

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de nos débats, je n'étonnerai personne en disant que les sénateurs du groupe CRC rejettent avec force l'esprit et la logique de ce projet de loi.

Il s'agit là, en effet, d'une « loi de plus », d'une « loi de trop », guidée par une logique sécuritaire et répressive de la même veine que les lois précédemment adoptées.

En outre, votre objectif, avec ce texte, est plus, à notre avis, de manipuler l'opinion publique, à l'aube d'importantes échéances électorales, que de peser réellement sur les flux migratoires.

Monsieur le ministre, sans retirer quoi que ce soit au talent dont vous avez fait preuve pour défendre à tout prix ce projet de loi, permettez-moi de m'étonner de n'avoir pas vu M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, participer à nos débats, excepté sa brève apparition au cours de la discussion générale et son coup médiatico-politique concernant le sort des enfants scolarisés.

Avec ce projet de loi, vous mettez en place une répression arbitraire et discriminatoire à l'encontre des étrangers, que vous désignez ouvertement comme étant les ennemis des Français, responsables, de surcroît, de tous les travers de notre société.

Ce faisant, vous alimentez le racisme qui sévit dans l'opinion publique, en particulier au sein des familles populaires, qui sont en situation de précarité et qui en viennent, à force de discours plus stigmatisants les uns que les autres, à considérer les étrangers comme étant leurs concurrents sur le marché du travail.

Vous opposez les gens entre eux, tout en les maintenant dans la même situation de précarité.

Dans le même temps, vous organisez la sélection des étrangers les plus dignes de venir s'installer et vivre dans notre pays selon des critères bien déterminés, laissant penser que ceux qui sont déjà présents sur notre sol ne seraient pas dignes d'y rester.

Ainsi, après avoir opposé les étrangers aux Français, vous allez maintenant opposer les étrangers entre eux. Diviser pour mieux régner, telle est visiblement votre devise !

Vous continuez à piller les pays les plus pauvres de leurs atouts, depuis les matières premières jusqu'aux matières grises. C'est inacceptable !

Vous laissez croire également que la France est un pays d'immigration massive, alors que la pression migratoire à nos frontières - les études le prouvent - est bien moins importante que vous ne le prétendez.

L'envahissement du Nord par le Sud n'est qu'un fantasme. En réalité, les grandes migrations en provenance du Sud se font majoritairement vers les pays limitrophes - donc au Sud -, ce que vous savez pertinemment !

Il faut aider les pays du Sud à se développer.

À cet égard, je regrette que vous ayez refusé les amendements du groupe CRC tendant à aider au développement des pays les plus pauvres en annulant leur dette à l'égard de la France, en consacrant 1 % de notre PIB à l'aide au développement, en instaurant, par exemple, une taxe sur les transactions financières.

Par ailleurs, ce texte, qui, je le rappelle, prône une immigration « choisie », désigne - et c'est là une première - l'immigration familiale comme étant une immigration subie.

Dans cette logique, vous avez décidé de vous attaquer aux droits fondamentaux d'un certain nombre de personnes : je pense, notamment, au droit au séjour par le mariage ou encore au regroupement familial, pourtant déjà réduit à plusieurs reprises, sans parler de la remise en cause du droit d'asile.

Ce faisant, vous jetez la suspicion sur l'ensemble des étrangers - réguliers ou irréguliers - présents sur notre sol qui deviennent tous des suspects, des fraudeurs. Les mariages mixtes sont ainsi soupçonnés d'être de petits arrangements entre amis pour obtenir des papiers - au bout de quatre ans quand même ! Quant aux reconnaissances de paternité, elles deviennent des reconnaissances de complaisance ; le dispositif du regroupement familial actuel, jugé trop généreux, devient, pour sa part, une source d'abus, les dispenses de stage de cinq ans pour certaines catégories de personnes étant, quant à elles, abusives ; enfin, les demandeurs d'asile seraient de faux réfugiés !

Outre nos amendements visant à supprimer les dispositions les plus graves de ce texte, nous avons fait toute une série de propositions que vous vous êtes obstiné à rejeter, monsieur le ministre.

Dès lors, nous ne pouvons que déplorer la conception de l'immigration défendue par le Gouvernement et sa majorité, conception rétrograde s'il en est, frileuse, enfermée sur elle-même, étriquée, bref, dénuée de toute ambition et de toute générosité.

Pour notre part, nous avons tenu à défendre une conception plus « humaniste » de l'immigration et, surtout, nous avons posé comme postulat à toute modification législative le renforcement de l'aide au développement des pays source d'émigration et la régularisation, sous certaines conditions, des sans-papiers présents sur notre sol.

Quant au volet relatif à l'intégration, il montre que cette dernière ne vous sert qu'à mettre un obstacle supplémentaire à l'obtention de papiers !

Je conclurai mon intervention en citant le chiffre quatorze. Quatorze, tel est en effet le nombre de jours qu'il reste aux milliers d'enfants scolarisés dans nos écoles avant d'être expulsés du territoire français avec leurs parents sans papiers, alors même que l'année scolaire, aux niveaux élémentaire et primaire, s'arrête le 4 juillet !

Enfin, je tiens à souligner que la circulaire ministérielle, prétendument si généreuse, permettra en réalité d'épargner au mieux 1 200 enfants seulement sur les 50 000 qui sont concernés...

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