Intervention de Muguette Dini

Réunion du 16 juin 2006 à 21h00
Immigration et intégration — Vote sur l'ensemble

Photo de Muguette DiniMuguette Dini :

Pour en revenir au projet de loi proprement dit, je tiens, monsieur le ministre, à vous rendre hommage pour votre écoute et votre disponibilité, écoute et disponibilité qui ont permis l'instauration d'un vrai débat, très important de par sa dimension humaine et compte tenu de l'urgence déclarée.

De fait, l'immigration est un thème difficile, sur le plan tant politique que passionnel.

Ce fut un débat politique, d'abord, car il n'est pas innocent, monsieur le ministre, que le Gouvernement ait inscrit ce texte à l'ordre du jour de la présente session, alors que la dernière loi votée en la matière date seulement de 2003 et que nous nous trouvons à quelques mois d'un rendez-vous électoral important.

Ce débat fut également passionnel, tant il est vrai que vous avez souhaité traiter de sujets délicats : je pense, notamment, aux problèmes liés à la famille, qu'il s'agisse du regroupement familial, du mariage, ou encore de l'instauration de la carte de séjour « vie privée et familiale ».

Il fut également passionnel pour la simple raison que vous avez souhaité revenir sur des règles existant depuis plus de dix ans, telles que la régularisation des sans-papiers ou l'automaticité de la carte de résident pour certaines catégories de personnes.

Ce débat fut aussi passionnel si l'on songe que vous avez annoncé, la veille même de l'examen de ce texte par le Sénat, la régularisation d'un certain nombre d'enfants scolarisés en situation irrégulière.

Enfin, ce fut un débat passionnel dans la mesure où vous n'avez pas hésité à utiliser un vocabulaire plutôt provocateur, tel que « immigration choisie », carte « compétences et talents », « accueil des élites ».

Dans ce contexte, nous avons souhaité vous aider à modifier, dans la mesure du possible, la tonalité de ce projet de loi pour passer d'une vision utilitaire à une vision plus humaniste.

Vous avez délibérément voulu laisser une marge de manoeuvre aux sénateurs, notamment, à ceux qui, comme nous, ont insisté sur la nécessité de favoriser le co-développement.

Sans remettre en cause l'idée d'une régulation de l'immigration, notre réserve par rapport à ce projet de loi repose, avant tout, sur le principe de l'immigration choisie en ce qu'il implique, en amont, une distinction entre un migrant utile et un migrant inutile, vision qui, selon nous, fait fi de la dimension humaine de l'immigration.

Vous le savez - nous n'avons cessé de le répéter -, un contrôle des flux migratoires ne peut se faire sans une politique volontariste d'aide au développement des pays d'où sont issus les émigrants. Il faut un dialogue constructif pour découvrir et inventer des projets pouvant effectivement retenir dans ces pays, en particulier en Afrique, les hommes et les femmes qui n'ont d'autre choix que de partir.

Une politique efficace de codéveloppement peut, seule, tarir le flux migratoire, car aucune loi ne pourra jamais empêcher les gens de fuir la misère.

Ainsi, dans un premier temps, nous nous étions opposés à la carte « compétences et talents », car la philosophie sur laquelle elle reposait ne nous semblait pas acceptable.

C'est pourquoi nous saluons les différentes initiatives destinées à mettre en valeur la notion de codéveloppement, initiatives encouragées par vous-même, monsieur le ministre, et votées par notre assemblée.

Je veux ici parler, bien sûr, de l'amendement de M. Pelletier, voté par notre groupe, tendant à créer un compte épargne codéveloppement, ou encore de l'amendement de notre collègue Hugues Portelli, cosigné par des membres de l'UC-UDF, prévoyant que la carte « compétences et talents » ne pourra être accordée à l'étranger originaire d'un pays de la zone de solidarité prioritaire que lorsque la France aura conclu, avec le pays concerné, un accord de partenariat en faveur du codéveloppement.

Ces amendements fournissent un fondement éthique à ce texte qui, compte tenu de certaines mesures coercitives, manquait d'un regard humain sur l'immigration.

Je voudrais également insister sur l'importance de l'un de nos amendements visant à confier aux commissions départementales du titre de séjour la compétence pour examiner les demandes de régularisation émanant d'étrangers en situation irrégulière depuis dix ans.

Comme nous avons eu l'occasion de le rappeler, une approche décentralisée de ces situations particulières nous paraît plus pertinente. En effet, les demandes de régularisation concernent très souvent des familles en situation de détresse, et donner à tel ou tel échelon local la faculté d'examiner ces cas particuliers nous semble, là encore, une façon de mettre l'accent sur la dimension humaine de l'immigration.

Dans le même ordre d'idées, grâce à l'amendement défendu par Jacques Pelletier, cosigné par Michel Mercier et adopté par le Sénat, une demande de visa de long séjour émanant d'un étranger entré régulièrement en France, marié dans notre pays avec un ressortissant de nationalité française et séjournant avec son conjoint sur notre territoire depuis plus de six mois sera présentée en France à l'autorité administrative compétente.

Il s'agit là d'une mesure de bon sens, qui évitera que les personnes concernées ne soient contraintes de retourner dans leur pays d'origine pour obtenir ce visa. Dans les faits, cette formalité aurait été le plus souvent impossible à accomplir et elle aurait ainsi maintenu en situation irrégulière un nombre encore plus important d'étrangers.

Enfin, comme mon collègue Denis Badré l'a souligné lors de la discussion générale, la dimension nationale de la question de l'immigration est largement dépassée. Il est urgent de traiter cette dernière au niveau européen.

En effet, en quoi est-il pertinent de légiférer sur le contrôle de nos frontières à l'heure de l'espace Schengen ? Nos frontières actuelles ne se situent-elles pas du côté de l'Espagne, de l'Italie, de la Slovaquie, de la Pologne ou de la Lituanie ? En outre, c'est bien sûr au niveau européen qu'une véritable politique de codéveloppement prendra toute son efficacité.

Pour conclure, il me semble important d'évaluer assez rapidement les effets des diverses mesures auxquelles nous allons apporter notre soutien, telles que, entre autres dispositions, les conditions du regroupement familial et du mariage mixte, la généralisation du visa de long séjour, la mise en oeuvre du contrat d'accueil et d'intégration, la création de la carte « compétence et talents ».

Il faudra rapidement vérifier que ces mesures, au lieu de limiter les fraudes, ne rendent pas impossible l'exercice du droit des étrangers à une vie familiale normale.

En attendant cette nécessaire évaluation, et dans la mesure où la discussion au Sénat a permis d'apporter au projet de loi certaines modifications auxquelles nous étions très attachés, la majorité des membres du groupe de l'UC-UDF votera ce texte.

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