Intervention de Georges Othily

Réunion du 16 juin 2006 à 21h00
Immigration et intégration — Vote sur l'ensemble

Photo de Georges OthilyGeorges Othily :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à adresser mes remerciements à notre rapporteur pour l'excellent travail qu'il a fourni, avec la collaboration de la commission des lois et de tout le personnel du Sénat, à l'occasion de l'examen pendant deux semaines d'un texte qui contribuera certainement à l'application de notre droit partout sur notre territoire.

Quelle règle doit guider nos politiques d'immigration et d'intégration ? Nous pensons depuis longtemps que la France, pour paraphraser une formule bien connue, a fidèlement pris sa part de la misère du monde. Il lui faut accueillir, certes, mais surtout favoriser l'intégration.

Toutefois, en matière d'immigration plus que dans tout autre domaine, nous devons en permanence associer sévérité et justice, principe de réalité et humanisme. Tel Janus, notre politique d'immigration ne peut avoir que deux visages : celui de la fermeté et celui de la générosité.

Monsieur le ministre, c'est cette philosophie qui guide le projet de loi que nous avons examiné attentivement durant ces deux dernières semaines. Avec ce texte, il s'agit bien de rationaliser au maximum notre politique d'immigration, de tenter de maîtriser les flux migratoires et de nous doter de la politique d'intégration la plus juste qui soit.

Toutefois, toutes ces mesures ne prendront véritablement leur sens que si elles se déclinent à l'échelle européenne.

Peut-être le texte modifié et adopté par l'Assemblée nationale, voilà un mois, était-il plus sévère que juste, et ainsi quelque peu déséquilibré. En tout cas, nous pouvons aujourd'hui reconnaître, me semble-t-il, que la Haute Assemblée, dans sa grande sagesse, a rééquilibré ce texte vers plus d'humanisme et de justice, tout en demeurant ferme et réaliste.

À travers l'adoption de plusieurs amendements, qui émanent de la commission des lois ou qui ont trouvé des soutiens divers sur les travées de cet hémicycle, les exemples sont nombreux de l'apport, bien réel une fois de plus, du Sénat et du bicaméralisme.

Sur l'initiative de l'ensemble des membres du RDSE et de quelques-uns de nos collègues, le Sénat a introduit dans le projet de loi un dispositif innovant et très concret en faveur du codéveloppement, le « compte épargne codéveloppement ». Celui-ci incitera les étrangers résidant en France à diriger leur épargne vers des projets de développement dans les pays qui en ont le plus besoin, et qui sont aussi les pays de départ des immigrés.

Nous inscrivons ainsi dans la loi une réalité fondamentale qu'il ne faut jamais perdre de vue : l'immigration n'est jamais un véritable choix, elle est d'abord une fuite loin de la misère et de la souffrance.

Aussi, pour mettre un terme à l'immigration clandestine, celle-là même que nous entendons endiguer et contrôler, il nous faut, d'une part, aider les pays les plus pauvres à se développer et, d'autre part, donner à ces derniers les moyens d'offrir des conditions de vie acceptables à leur population et un avenir à leur jeunesse.

C'est en se fondant sur cette logique de codéveloppement que le Sénat a adopté un autre amendement, défendu par Jacques Pelletier et les membres du groupe du RDSE, aux termes duquel la carte « compétences et talents » ne pourra être renouvelée qu'une seule fois pour les étrangers issus des pays de la zone de solidarité prioritaire.

Ainsi, en favorisant le codéveloppement sur le long terme et le retour des élites issues des pays les plus fragiles, le Sénat a évité un effet très pervers du projet de loi initial, qui donnait lieu à des critiques fondées, à savoir le risque d'un « pillage » des cerveaux des pays les plus défavorisés, qui aurait accentué leur sous-développement et nourri toujours davantage l'immigration clandestine.

Un autre amendement déposé par mon groupe améliore sensiblement le projet de loi, en le rééquilibrant vers plus d'humanisme. C'est celui qui évite à un étranger entré régulièrement sur notre territoire et marié en France avec un Français de retourner dans son pays afin d'obtenir un visa de long séjour auprès des autorités consulaires. Nous avons souhaité rendre possible la délivrance d'un titre de séjour sur le territoire français par une autorité administrative compétente. Cette disposition de bon sens ne sera pas sans conséquences financières et matérielles au bénéfice des étrangers concernés.

Je limiterai mon propos à ces trois exemples. Ces trois amendements souhaités par Jacques Pelletier et soutenus par les sénateurs de mon groupe, au-delà de son clivage traditionnel, auront des effets considérables, en faisant du codéveloppement un outil réel de maîtrise de l'immigration ou en facilitant la vie des étrangers qui épousent des Français.

Bien évidemment, d'autres amendements, à commencer par ceux qui ont été présentés par notre excellent rapporteur, ont eux aussi permis d'améliorer sensiblement le projet de loi. Je pense, par exemple, à l'amendement qui a rétabli le droit pour les déboutés du droit d'asile de contester la décision fixant le pays de renvoi.

Bien entendu, ce texte demeure perfectible, et d'autres dispositions auraient mérité d'être modifiées, supprimées ou améliorées. Je pense, notamment, au droit d'asile, ou encore au regroupement familial.

Malgré cela, la majorité des membres de mon groupe, très satisfaits de l'adoption par la Haute Assemblée de nombreux amendements, approuve le projet de loi et le votera. D'autres, toutefois, demeurent plus réservés, voire profondément opposés à certaines dispositions bien précises. Ils se prononceront contre le projet de loi.

Enfin, mes chers collègues, ce texte a été pour moi l'occasion d'évoquer devant vous, une fois de plus, la situation bien particulière de la Guyane et de l'outre-mer.

La question de l'immigration clandestine est très préoccupante pour la Guadeloupe, la Guyane et Mayotte. Je me suis fait ici le porte-parole du mécontentement toujours croissant de la population guyanaise, profondément excédée par les atermoiements des gouvernements successifs face aux conséquences dévastatrices de l'immigration irrégulière et massive qui frappe notre grand territoire d'Amérique.

C'est pourquoi je vous avais proposé quatorze amendements spécifiques à la Guyane, afin de tenter d'enrayer ou de mettre un terme à un phénomène migratoire sans commune mesure avec ce que connaît la France hexagonale. Trois d'entre eux ont été adoptés. Je veux croire qu'il ne s'agit que d'un début et, préférant la stratégie des petits pas, j'approuverai moi aussi le texte amendé par le Sénat, même s'il demeure, je le répète, très insuffisant pour la Guyane.

Monsieur le ministre, s'il y a, d'un côté, la loi et, de l'autre, l'esprit de la loi, je crains qu'en Guyane nous ne soyons de plus en plus confrontés à ce que l'on pourra bientôt appeler « la loi du fleuve, la loi des savanes et la loi de la forêt ». Faisons tout, et vite, pour éviter l'apparition de lois parallèles !

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