J’ai également parfaitement conscience d’un fait : la plupart d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, ont fait l’objet de sollicitations, ce qui est normal. Mais ce procédé a pu vous donner – à tort – une impression de dissensions. Il est en effet courant que la minorité opposée à une réforme sollicite plus ses auteurs que la majorité qui y est favorable. Il serait pourtant regrettable de pénaliser cette dernière, au motif qu’elle fut moins pressante lors des débats.
Quelles mesures prévues par le projet de loi, qui comporte deux volets, sont soumises à votre appréciation ?
Le premier volet concerne la réforme les réseaux consulaires – chambres de commerce et d’industrie et chambres de métiers et de l’artisanat – et tend à renforcer l’échelon régional.
Le second vise à simplifier les régimes administratifs de certaines professions réglementées, afin de dégager des marges de compétitivité. Cette simplification s’intègre dans la transposition dans notre droit national de la directive européenne relative aux services dans le marché intérieur.
J’aborderai tout d’abord la réforme des réseaux consulaires.
L’ambition assumée du présent projet de loi est de renforcer l’échelon régional des chambres consulaires. À cet objectif doit être immédiatement ajouté un second, de même importance : la préservation des services de qualité effectués sur le terrain par les chambres.
On a prêté à cette régionalisation des intentions qu’elle n’avait pas. Nous n’avons cédé en aucun cas à la tentation d’une position dogmatique, qui consisterait, au nom d’un parti pris prorégional, à sacrifier les territoires, les départements, la proximité, auxquels nous sommes tous attachés, moi le premier, dans cet hémicycle. Non, il ne s’agit pas de cela ! Dès lors, pourquoi faire le choix d’un renforcement de l’échelon régional ? Afin de répondre à cette question, j’évoquerai trois éléments, après avoir cependant rappelé que cette réforme s’inscrit dans le droit fil de la précédente, à savoir la loi adoptée sous la précédente législature et défendue par mon prédécesseur, Renaud Dutreil.
Premièrement, la régionalisation permettra aux chambres consulaires – nous en avons la conviction – de mutualiser un certain nombre de services et de compétences. Il s’agit, très concrètement, des services supports, comme l’informatique, la gestion des systèmes de paie, les outils de communication. La chambre régionale offrira aussi à l’ensemble des entreprises situées sur son territoire des services et des compétences que chaque chambre, au niveau local, ne peut pas nécessairement développer de la même façon.
Avant d’évoquer les avantages évidents en termes de coûts de gestion, en raison d’économies d’échelle et de capacités d’achat permettant de réduire les dépenses, je veux vraiment insister sur la qualité du service rendu. Les chambres régionales, en concentrant les compétences, en disposant d’un panel complet d’expertise, seront plus performantes, plus pointues et plus réactives pour répondre aux demandes des entreprises. En menant une réelle politique de gestion des ressources humaines, aujourd’hui inexistante à l’échelon régional, impliquant la formation des agents, lesquels pourront bénéficier d’un déroulement de carrière attractif, les chambres régionales deviendront à la fois des catalyseurs de compétences au service des entreprises et des acteurs attractifs pour les salariés eux-mêmes. Ce qui est vrai pour la mutualisation des compétences l’est aussi pour celle des process et des pratiques. La chambre régionale aura une position privilégiée de vigie pour repérer, apprécier et diffuser les meilleures pratiques.
Bien évidemment, chaque chambre territoriale conservera ses spécificités, des marges d’initiative, et un droit à l’expérimentation territoriale est même prévu explicitement dans le projet de loi.
Deuxièmement, cette régionalisation se justifie par le fait que la région est, d’un point de vue institutionnel, un puissant acteur pour la conduite des stratégies de développement économique. Sans chambre régionale forte, les entreprises – j’en ai la conviction – n’auraient pas le même poids pour faire entendre leur voix et pour peser sur les politiques économiques régionales. Or, je le dis clairement, je ne peux imaginer une politique régionale de développement économique qui ne s’appuierait pas en premier lieu sur les entreprises. Il est donc cohérent, naturel, logique et même indispensable de donner aux chambres les moyens de créer un interlocuteur de référence et, disons-le, susceptible de faire contrepoids à l’exécutif régional.
Troisièmement, la régionalisation permettra de diminuer les prélèvements qui pèsent sur les entreprises. Gardons toujours à l’esprit que le prélèvement opéré sur ces dernières pour financer les chambres de commerce et d’industrie s’élève à 1, 2 milliard d’euros. Alors que nous sortons difficilement de la crise, l’objectif de réduction de la pression fiscale sur nos entreprises doit être partagé par tous et encore davantage lorsqu’il va de pair, comme je l’ai indiqué, avec une amélioration de l’efficacité et de la qualité du service rendu.
Les réseaux consulaires eux-mêmes ont largement fait leur cet objectif. Si les services publics dans leur ensemble ambitionnent de proposer aux citoyens les meilleurs services à un coût moindre, il n’est pas illégitime que les établissements publics que sont les chambres s’engagent dans la même dynamique. Elles le font d’ailleurs avec détermination et le présent projet de réforme permettra une diminution de 120 millions d’euros des charges pesant sur les entreprises.
J’en viens aux missions dévolues aux chambres territoriales par le projet de loi.
Certains ont redouté que la réforme ne prive ces instances des ressources nécessaires. Je le dis solennellement, de telles craintes sont infondées ! Le Gouvernement n’a aucunement l’intention de remettre en cause le rôle et les missions des services de proximité assurés par les chambres consulaires. Le renforcement régional ne se fera pas aux dépens des chambres territoriales, qu’il s’agisse des chambres de commerce et d’industrie territoriales ou des chambres de métiers et de l’artisanat départementales. Toutes les chambres, sans exception, conserveront leurs missions de service de proximité aux entreprises, et il n’est pas question de se priver de leurs compétences. Une telle évolution ne serait pas supportable. Les chambres locales sont et demeureront l’échelon de proximité du réseau au service des chefs d’entreprise.
La commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire a trouvé un juste équilibre en affirmant le principe du recrutement des agents de droit public par les chambres de commerce et d’industrie de région, tout en prévoyant la possibilité d’une délégation permanente au profit des chambres territoriales pour le recrutement des agents de droit administratif.
Par ailleurs, grâce au travail de l’Assemblée nationale, la configuration spécifique, et même atypique, des chambres de commerce de la région d’Île-de-France est prise en compte. En effet, l’Île-de-France représentant environ un quart du poids économique de notre pays et la chambre de commerce et d’industrie de Paris recouvrant Paris et les trois départements de la petite couronne, il fallait tenir compte de cette situation exceptionnelle.
Enfin, les chambres disposeront de ressources fiscales pérennes, calculées à hauteur de 40 % sur une assiette foncière et à hauteur de 60 % sur une assiette « valeur ajoutée ». M. le rapporteur pour avis a utilement fait adopter un amendement visant à encadrer l’utilisation de ces ressources fiscales, et je ne peux que souscrire à cette initiative.
Le Gouvernement remettra un rapport faisant le bilan de ce dispositif sur la période 2011–2013 et proposera, le cas échéant, les adaptations qui s’imposeront. Je pense en particulier à la question de la pérennisation ou non du fonds de financement des chambres de commerce et d’industrie de région.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous rappelle que ces ressources fiscales ne représentent qu’environ 30 % des 4, 4 milliards d’euros de ressources des chambres. Les chambres de commerce et d’industrie territoriales, les CCIT, continueront donc de disposer directement d’environ 3, 2 milliards d’euros. D’ailleurs, les ressources fiscales elles-mêmes seront reversées par les chambres de commerce et d’industrie de région, les CCIR, aux CCIT, après prélèvement de la seule quote-part nécessaire au fonctionnement de la CCI de région. Au total, les chambres de commerce et d’industrie territoriales conserveront la très grande majorité des ressources financières.
L’ensemble de ces éléments, ainsi que le texte qui vous est aujourd’hui soumis, complété par les dispositions qu’y ont introduites les députés et les améliorations qu’y apportera certainement le Sénat, tiennent compte des appréhensions qui ont pu être exprimées. Le présent projet de loi est le fruit d’une recherche d’équilibre entre les orientations majoritaires des réseaux et les craintes exprimées par certaines chambres. Cependant, toute recherche d’équilibre doit se faire sans que soient perdus de vue les objectifs premiers et les fondements de la réforme. Le texte issu de la commission parvient, de ce point de vue, à un bon équilibre.
Comme je vous l’ai indiqué précédemment, le titre II du présent projet de loi concerne certaines professions réglementées du commerce, de l’artisanat et des services et vise à en simplifier les régimes administratifs et à dégager des marges de compétitivité pour ces professions.
Les simplifications initialement proposées s’inscrivent dans le cadre de la directive européenne relative aux services dans le marché intérieur. Pour ce qui concerne les domaines relevant de ma compétence, j’ai souhaité mener des concertations approfondies avec les professions concernées et, ainsi, profiter de la transposition de la directive précitée pour moderniser et adapter à un environnement en forte évolution leurs capacités d’exercice professionnel. Le travail de l’Assemblée nationale a permis d’en élargir le périmètre.
La réforme la plus importante est, bien sûr, celle des marchés d’intérêt national, les MIN. Aujourd’hui, un grossiste concurrent du marché d’intérêt national ne peut s’installer dans le périmètre dit « de référence » du marché, sauf dérogation préfectorale exceptionnelle. Le projet du Gouvernement vise à simplifier les critères d’octroi de cette autorisation.
L’Assemblée nationale est allée au-delà de cette ouverture en supprimant ces périmètres. Nous aurons l’occasion d’échanger nos points de vue sur ce sujet, mais, si le Gouvernement souhaite effectivement favoriser et stimuler la concurrence en réformant le dispositif actuel, il estime néanmoins qu’il faut maintenir la possibilité de créer ou de conserver un périmètre autour des marchés d’intérêt national.
Par exemple, il me paraîtrait raisonnable de soutenir une position de compromis consistant à ne soumettre à autorisation que les grossistes de taille importante. Ce compromis permettrait de concilier les différents intérêts : les intérêts des artisans, commerçants, épiciers, restaurateurs, qui souhaitent parfois pouvoir bénéficier de services de proximité, grâce à l’installation facilitée de nouveaux acteurs ; les intérêts de tous les entrepreneurs et agriculteurs, pour lesquels les marchés d’intérêt national constituent un débouché important et un modèle économique essentiel et satisfaisant.
À travers ce projet de loi, nous nous penchons aussi sur le métier d’agent d’artiste, dont l’exercice nécessite aujourd’hui une licence. Afin de faciliter l’accès à cette profession, il est proposé de remplacer cette licence par une obligation d’inscription à un registre national. Les incompatibilités d’exercice de cette profession sont réduites à l’activité de producteur d’œuvres cinématographiques ou audiovisuelles.
Plusieurs dispositions portent sur les experts-comptables.
Il est proposé d’assouplir les règles de détention de capital et de droits de vote des sociétés d’experts-comptables, ce qui permettra à ces dernières de faire venir de nouveaux partenaires.
Il est également proposé de permettre aux experts-comptables d’exercer une activité commerciale à titre accessoire, d’accepter un mandat social dans une société, un groupement ou une association, de conseiller et d’assister les entrepreneurs relevant du régime des micro-entreprises pour les aider à se développer.
La commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire a également adopté, sur proposition de M. le rapporteur, un amendement que je qualifierai d’« historique » pour les experts-comptables et les avocats. Cet amendement, il faut le saluer, convient parfaitement au Conseil national des barreaux comme au Conseil supérieur de l’ordre des experts comptables. Ainsi, les experts-comptables et les associations de gestion et de comptabilité pourront assister les personnes physiques dans leurs démarches administratives, fiscales et sociales.
L’Assemblée nationale a inséré un article additionnel qui étend les prestations relevant des services à la personne pouvant faire l’objet d’un paiement par un chèque emploi service universel. À cet égard, j’émettrai un avis favorable sur les amendements visant à renforcer les pouvoirs de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, en matière de contrôle des services à domicile.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’aurez compris, il s’agit là de faciliter l’exercice de professions réglementées du commerce et des services, et, dans cette période économique difficile, toute simplification administrative susceptible de développer la compétitivité me paraît bienvenue.
Telles sont les principales mesures du présent projet de loi.