Tous les élus politiques des départements concernés, comme des autres, ont compris que la mise sous tutelle de leur chambre se traduirait par une captation, par la chambre régionale, d’une partie de leurs ressources, mais aussi de leur pouvoir d’initiative.
Le cas francilien mis à part, l’équilibre actuel du texte associant régionalisation et missions de proximité soulève des problèmes de financement et de gouvernance majeurs. Les objectifs de mutualisation et de rationalisation sont de fait remis en cause. Si le texte initial du Gouvernement relevait d’une pure logique de régionalisation, au détriment des missions territoriales des CCI, l’Assemblée nationale, sensible aux dynamiques territoriales, a souhaité réintroduire une dose de proximité. Au gré des différentes versions, la contradiction entre logique régionale et dynamique territoriale est devenue trop forte. La mutualisation d’une partie du personnel à l’échelon régional se traduira, bien entendu, par un alignement des salaires à la hausse. Parallèlement, la possibilité accordée aux CCIT de recruter et de gérer des personnels sous statut met à mal la logique d’économie par mutualisation, puisque deux niveaux de gestion seront nécessaires. Enfin, la diminution des ressources publiques de 15 % d’ici à trois ans, en contradiction flagrante avec l’augmentation de la masse salariale, aura pour conséquence une dévitalisation des missions de proximité, mais aussi un surenchérissement des services offerts aux entreprises.
Pour certaines chambres, la ressource publique représente la plus grande partie de leur budget. Cette réforme signifie donc leur liquidation. De surcroît, à moyen terme, elle coûtera très cher, et rien ne permet de dire qu’elle portera ses fruits à plus long terme.
Par ailleurs, à ce stade de la navette parlementaire, la plus grande confusion règne encore sur le financement et l’articulation des compétences des CCI. La commission des finances du Sénat a réalisé un travail remarquable, mais, de son aveu même, les améliorations apportées restent insuffisantes, tant la cohérence du texte a été malmenée. Si le présent projet de loi était adopté en l’état, l’organisation du réseau serait kafkaïenne. À vous d’en juger !
Premièrement, les chambres régionales définissent la stratégie, reçoivent les ressources fiscales, gèrent une partie du personnel sous statut, regroupent les fonctions supports.
Deuxièmement, les chambres de commerce territoriales disposent de la personnalité morale et peuvent recruter par délégation. Mais, dans le même temps, elles n’ont plus aucune marge budgétaire pour mener la moindre opération de terrain.
Troisièmement, les chambres départementales d’Île-de-France seraient dépourvues de personnalité juridique, tout en étant assurées, par décret, de disposer des moyens financiers pour engager leurs projets. Le personnel sous statut est géré par la chambre régionale, tout en exécutant la stratégie d’une chambre territoriale.
Quatrièmement, afin de ne pas être vampirisées par les chambres régionales, certaines chambres territoriales importantes ont entre-temps imposé l’idée d’une chambre métropolitaine à laquelle s’applique le principe de subsidiarité, qui fait défaut aux CCIT.
La nouvelle organisation consulaire s’articule donc autour de chambres territoriales, de chambres métropolitaines et de chambres départementales sans que l’articulation des différentes compétences soit véritablement établie. Le financement des différents échelons repose sur des transferts et des contre-transferts de budget encore bien mal calibrés. L’objectif n’est sur aucun point atteint, qu’il s’agisse de simplification du droit, de lisibilité organisationnelle ou de rationalisation des coûts. Les réactions des élus consulaires dépassent de très loin les classiques résistances au changement inhérentes à toute réforme organisationnelle, les mécontentements se multiplient, ce qui témoigne d’une profonde inquiétude tant des élus que des personnels des chambres.
J’avoue ne pas comprendre les logiques ayant présidé aux différentes et nombreuses modifications du présent texte, qui réussit l’exploit de ne satisfaire ni la RGPP, ni les réseaux consulaires.
Nous avons eu, monsieur le secrétaire d’État, l’occasion de travailler ensemble sur plusieurs textes. Nos désaccords reposaient sur des bases idéologiques attendues, mais jamais votre position n’a manqué de cohérence. Aujourd’hui, permettez-moi de vous le dire, je ne retrouve pas dans l’actuel processus législatif le pragmatisme que j’avais su apprécier auparavant, et qui vous distingue !
Alors, de deux choses l’une : soit ce projet de loi a échappé à tout contrôle et les différents compromis en ont dénaturé la teneur, soit cette réforme vise l’objectif de la commission Attali, c’est-à-dire un réseau de vingt-deux chambres régionales, assorties de quelques succursales destinées à devenir des administrations para-préfectorales ayant pour mission de se poser en contre-pouvoir économique aux régions. Le débat nous en dira peut-être davantage.
Nous assistons à une véritable saga. En coulisses, elle avance à coup d’accords de dernière minute, de revirements et d’interventions diverses. Sur scène, elle prend la forme d’un texte incompréhensible et inapplicable.
Cette réforme a pour seule conséquence évidente d’accélérer la disparition de l’échelon départemental en expérimentant, dans le monde consulaire, la recentralisation. On est en train d’inventer le conseiller territorial consulaire !
À ce stade, les réserves que nous avons exprimées sur ce texte n’ont pas été levées, malgré les améliorations apportées par M. le rapporteur, dont je tiens à saluer le travail.
J’en viens rapidement à la seconde partie de ce texte.