Intervention de Claude Bérit-Débat

Réunion du 9 juin 2010 à 14h30
Réseaux consulaires — Discussion d'un projet de loi

Photo de Claude Bérit-DébatClaude Bérit-Débat :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, au moment d’entamer ce débat, j’éprouve comme un sentiment de déjà-vu.

En effet, la discussion sur l’avenir des collectivités territoriales nous avait préparés à l’idée moderne selon laquelle, désormais, dans la France du XXIe siècle, comme dans celle du XVIIIe siècle, l’autorité et le pouvoir doivent venir d’en haut.

Avec la réforme du réseau consulaire, à laquelle je consacrerai la totalité de mon propos, nous entrons donc de plain-pied dans la modernité : fini les CCIT autonomes et innovantes, place aux chambres régionales de commerce et d’industrie toutes puissantes et, osons l’oxymore, place au « centralisme régional ».

Dorénavant, la logique est descendante. La stratégie, les moyens, les financements : tout vient d’en haut. Tant pis pour les CCIT qui souhaiteraient définir elles-mêmes leur propre stratégie.

Je ne crois pas que cette réforme soit un progrès. Je sais, en revanche, que les solutions proposées sont très loin de correspondre aux besoins du réseau consulaire.

Je considère que ce projet de loi est, en réalité, un jeu de dupes. Et ce ne sont pas les ententes préalables conclues en Île-de-France qui me feront changer d’avis.

Nous avons tous vu et entendu les acteurs du réseau. Ils se sont effectivement prononcés en novembre 2008 pour une réforme ; mais ils ne sont pas prononcés pour cette réforme-ci. C’est pourquoi ils s’estiment dupés, et ils ont raison.

Je ne reviendrai pas sur le cas de l’Île-de-France. Je dirai simplement que cette région est le point de fixation d’une réforme contre laquelle des réticences de fond se sont légitimement fait jour.

Ces réticences, il faut donc les entendre, car ce projet de loi tend à transformer radicalement l’organisation locale de nos territoires.

En effet, la première question qu’il faut se poser est de savoir quel est l’échelon pertinent de l’action des chambres de commerce et d’industrie.

À mes yeux, c’est une question centrale. J’ai pu mesurer, pour l’avoir vécu, à quel point une CCI impulse et coordonne les initiatives qui valorisent le tissu économique local.

C’est pourquoi la proximité est, selon moi, la clé du succès. Cette réforme va rompre ce lien avec le territoire et va briser le dynamisme des CCI territoriales.

Je ne vous donnerai qu’un seul exemple. La CCI de la Dordogne, que je connais particulièrement bien, gère un parc des expositions qu’elle a créé et dont elle est propriétaire. En Aquitaine, il y a, vous vous en doutez, d’autres CCIT qui gèrent des équipements de ce type : il en existe à Bordeaux, à Agen et à Pau. Si demain la région impulse l’action consulaire, cela exacerbera la concurrence entre les CCIT. Rien n’empêchera alors qu’un salon innovant organisé dans un parc des expositions de CCI territoriale ne soit « délocalisé » dans un parc des expositions régional, au nom de la rentabilité et de la rationalisation.

On le voit, au lieu de renforcer la coopération entre les chambres, la régionalisation risque d’accentuer les inégalités qui existent déjà entre elles.

Cette concurrence s’étendra à toutes les activités des CCI, notamment à la formation première, aux écoles supérieures de commerce ou de management… La liste est loin d’être exhaustive.

Avec la régionalisation proposée, on oublie que la proximité, l’innovation et l’efficacité sont les trois pivots de l’action consulaire.

La proximité laissera place à l’éloignement. L’innovation sera remplacée par la pesanteur bureaucratique. L’efficacité, enfin, cédera le pas au formalisme administratif.

Avons-nous pourtant la certitude que l’échelon régional est effectivement le plus pertinent dans l’économie mondialisée actuelle ?

Le texte dote les chambres régionales d’une personnalité morale. Il leur donne un pouvoir budgétaire inédit et leur octroie la gestion des agents publics. Il leur donne la possibilité de définir une stratégie d’action globale à leur niveau, c'est-à-dire qu’il inverse la logique actuelle des chambres de commerce et d’industrie.

Les CCIT sont donc complètement mises sous tutelle. Je conteste cette nouvelle architecture du réseau consulaire, d’autant plus qu’elle est profondément contradictoire.

En effet, la régionalisation du réseau ne vise qu’un objectif : réaliser – cela a été dit à cette tribune – des économies, dans la logique de la RGPP.

Toutefois, cet argument n’est absolument pas valable : la commission des finances du Sénat l’a bien montré, malgré les précautions oratoires de M. le rapporteur.

La taxe pour frais de CCI transférée aux chambres régionales en est la meilleure preuve. Elle s’élèvera, selon la commission des finances, à 1, 2 milliard d’euros tandis que le transfert des agents publics coûtera, lui, 1, 7 milliard d’euros.

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