Intervention de Michel Billout

Réunion du 9 juin 2010 à 14h30
Réseaux consulaires — Question préalable

Photo de Michel BilloutMichel Billout :

Pourtant, comme vous le savez, la plupart des pays de l’Union européenne ont décidé, pour transposer cette directive, de soumettre un projet de loi-cadre à leur représentation nationale. Si une telle procédure ne garantit en rien une meilleure application, elle permet à tout le moins aux différents parlements nationaux de s’emparer pleinement de cette question dans le cadre d’un véritable débat politique, et non pas seulement technique.

Nous pensons que, par respect de la démocratie et du rôle du Parlement, c’est cette démarche qui aurait dû être choisie par le Gouvernement. Car il est vraiment temps, mes chers collègues, d’établir le bilan des politiques prônées tant par les institutions européennes que par l’exécutif national.

Ainsi, au mépris du vote de nos concitoyens, le traité de Lisbonne a été ratifié. Or, malgré son entrée en vigueur, l’Europe connaît sa plus grave crise : le peuple grec, victime de la spéculation financière, est soumis à une cure d’austérité sans précédent. Celle-ci devrait bientôt toucher d’autres peuples européens, en Espagne, au Portugal et même en France, alors que l’on sait la misère sociale qu’une telle politique va générer.

Et ce n’est pas seulement l’avis des communistes ! Permettez-moi une citation et une seule, mais j’aurais pu en faire beaucoup d’autres : « L’Europe va dans la mauvaise direction. En adoptant la monnaie unique, les pays membres de la zone euro ont renoncé à deux instruments de politique économique : le taux de change et les taux d’intérêt. Il fallait donc trouver autre chose qui leur permette de s’adapter à la conjoncture si nécessaire. D’autant que Bruxelles n’a pas été assez loin en matière de régulation des marchés, jugeant que ces derniers étaient omnipotents. […] Et aujourd’hui, elle veut un plan coordonné d’austérité. Si elle continue dans cette voie-là, elle court au désastre ». C’est Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie et ex-chef économiste de la Banque mondiale, qui l’affirme. À ma connaissance, ce n’est pas un marxiste…

Car ce sont bien les traités consécutifs européens qui valorisent la rentabilité à outrance, l’indépendance de la BCE, l’entrée des marchés spéculatifs dans les activités d’intérêt général. Ce sont eux les responsables de la nouvelle crise que traverse l’Europe ! D’ailleurs, la directive Services est l’émanation la plus directe de cette philosophie économique dégénérescente.

À l’inverse, nous estimons que doit être mise en chantier une nouvelle directive garantissant non seulement aux États la possibilité d’intervenir dans l’économie comme acteur spécifique, mais également aux citoyens européens le respect de leurs droits fondamentaux, notamment grâce au mécanisme d’une harmonisation sociale par le haut.

Dans ce débat, nous continuons de penser de manière très prosaïque que moins de justice de proximité, moins d’enseignants dans nos écoles, moins de personnels soignants dans nos hôpitaux ne concourent pas à une société de progrès.

Ce discours de la rigueur n’est d’ailleurs plus supportable. Où est votre rigueur devant les banques et les actionnaires des grands groupes ? Quand allons-nous légiférer contre les parachutes dorés, sur les bonus des traders, contre la spéculation ? Sans doute faut-il encore un peu de gestation…

Aujourd’hui, les peuples européens mesurent que l’ouverture de tous les secteurs à la concurrence ne constitue pas une avancée, ni sur le plan social ni même sur le plan économique. C’est pourquoi nous estimons qu’il n’est pas temps de transposer la directive Services, au contraire. Renforçons plutôt les dispositifs de solidarité de notre législation nationale en faveur de la protection des droits sociaux de nos concitoyens et la présence effective de services publics sur l’ensemble du territoire.

Pour toutes ces raisons, je vous invite, mes chers collègues, à soutenir cette motion tendant à opposer la question préalable.

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