Intervention de Robert Bret

Réunion du 28 novembre 2007 à 10h20
Loi de finances pour 2008 — Participation de la france au budget des communautés européennes

Photo de Robert BretRobert Bret :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le débat sur le prélèvement opéré sur les recettes de l'État au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes intervient dans un contexte européen particulier.

La construction européenne traverse une crise existentielle sans précédent, et le risque de rupture avec les peuples est réel. Ce n'est pas la version finale du traité modificatif, adopté à Lisbonne le 19 octobre dernier, destiné à remplacer le traité établissant une Constitution pour l'Europe qui changera les choses, pas plus que sa ratification par voie parlementaire.

Dès lors, le budget communautaire pour 2008 est-il porteur d'une vision renouvelée, d'une ambition repensée, synonyme d'espoir pour les peuples ? Des peuples qui doivent être au coeur de la construction européenne et qui en sont aujourd'hui écartés, car on redoute leur vote.

Avec l'agenda politique européen pour l'année 2008, s'ouvre une nouvelle année cruciale pour l'Europe et la France, coïncidant avec une série d'événements qui doivent mobiliser toute notre attention et toute notre énergie : la présidence française de l'Union européenne au second semestre 2008, la clause de rendez-vous en 2008-2009 prévue par l'accord sur les perspectives financières, la réforme du financement de l'Union européenne, la réforme de la PAC et la procédure de ratification du traité réformateur.

Face à de tels enjeux, permettez-moi, tout d'abord, de souligner le manque de transparence et de communication qui affecte ce texte relatif à la fois à l'avenir et au quotidien de nos concitoyens : sa discussion et son adoption méritent un suivi attentif.

Chers collègues, nul n'est censé ignorer le budget communautaire, car il s'agit de l'instrument financier qui traduit les choix politiques, l'action et l'ambition européenne. Ainsi, sa dimension tant quantitative que qualitative est porteuse de sens et de conséquences. Autrement dit, le niveau du budget communautaire et, surtout, sa répartition entre les différentes actions permettent de pointer le sens de la construction européenne.

Or, force est de constater la continuité avec les budgets précédents, et nous ne pouvons que regretter que, pour les années 2007-2013, le budget de l'Europe ne semble pas en mesure de répondre à de grands défis, tels que la solidarité dans une Union européenne à vingt-sept, l'affirmation d'une Europe plus forte et agissant pour un monde plus solidaire et plus sûr, le progrès de la citoyenneté et de la participation des peuples ou encore la résorption du déficit démocratique de l'Union européenne.

Du reste, si nos concitoyens demeurent écartés des choix européens, on peut également s'interroger sur le rôle de notre propre assemblée et sur un certain nombre de fictions.

Le mythe de la souveraineté parlementaire pourrait laisser croire à un pouvoir annuel d'autorisation quant à la mise à disposition des ressources propres par le Gouvernement à la Commission européenne. Le Parlement procéderait à un vote d'autorisation de prélèvements sur recettes de l'État membre au profit de l'Union européenne. Malheureusement, la réalité juridique et politique est tout autre. Elle est moins favorable à la représentation nationale !

En officialisant la technique du prélèvement sur recettes, le quatrième alinéa de l'article 6 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, dite LOLF, consacre le vote du Parlement sur un article spécifique relatif au « prélèvement communautaire » Mais, dans les faits, cette disposition n'introduit pas une innovation considérable. L'ambiguïté sur la nature de l'intervention du Parlement en la matière n'est pas totalement levée.

La LOLF suspend formellement le versement des ressources propres au bon vouloir des parlementaires et réduit les Communautés européennes à de simples bénéficiaires d'une libéralité de l'État. La lecture du quatrième alinéa de l'article 6 laisse à penser que les parlementaires auraient la faculté de rétrocéder directement un montant déterminé des recettes au profit des Communautés européennes.

Pourtant, le système des ressources propres et les obligations communautaires qui en découlent ôtent au Parlement une part non négligeable de son pouvoir d'autorisation budgétaire. Or l'autorisation budgétaire constitue l'une des prérogatives essentielles du Parlement. Son pouvoir financier repose sur des fondements constitutionnels explicites et sur sa légitimité démocratique.

Le budget communautaire constitue juridiquement l'acte qui prévoit et autorise pour chaque année l'ensemble des recettes et des dépenses de l'Union européenne. L'évolution du budget européen est une question politiquement sensible. L'éventualité d'un vote négatif est inhérente à toute mise aux voix. Elle est politiquement envisageable et juridiquement possible au regard de la rédaction du quatrième alinéa de l'article 6 de la loi organique du 1er août 2001. Au vote se trouvent consubstantiellement liées la possibilité de débat et la capacité d'amender ou, à tout le moins, de rejeter ce sur quoi porte le vote.

Pourtant, compte tenu des engagements communautaires de la France en la matière, de la parole donnée, la mise à disposition des ressources propres présente un caractère obligatoire, et tout manquement est systématiquement sanctionné. Les obligations de l'État membre placent le Parlement dans une situation de compétence liée, qui exclut tout pouvoir d'autorisation parlementaire. Son vote ne saurait, par définition, avoir valeur d'autorisation.

En cas de vote négatif, c'est-à-dire dans l'hypothèse d'un refus parlementaire du versement des ressources propres, l'État membre français n'en est pas moins tenu de verser la contribution due. À défaut, il s'expose, en outre, à une procédure contentieuse communautaire susceptible d'aboutir à une condamnation par la Cour de justice des Communautés européennes.

Cette situation dénote l'absence de liberté de choix laissée au Parlement et donc à la représentation nationale. Elle symbolise le déficit politique qui continue de marquer la construction européenne, y compris dans sa dimension financière. Cette question est d'autant plus pointue que les montants en jeu ne sont pas négligeables.

Au total, le budget général des Communautés européennes pour 2008 est fixé, comme cela a été rappelé, à 128, 4 milliards d'euros en crédits d'engagement et à 119, 4 milliards d'euros en crédits de paiement. Le projet de budget pour 2008 s'établit à 0, 97 % du revenu national brut, RNB, de l'Union européenne en crédits d'engagement. Il est inférieur à celui de 2007, puisque la part du RNB représentait 1, 08 %.

Important bénéficiaire du budget européen, la France est aussi l'un des principaux contributeurs en volume. La contribution française au budget communautaire devrait atteindre 18, 4 milliards d'euros en 2008. Elle se situe à 0, 3 milliard d'euros en dessous de la loi de finances initiale pour 2007 et à 1, 6 milliard d'euros au-dessus de la prévision d'exécution pour 2007.

Bref, le projet de budget pour 2008 s'inscrit, de par notre niveau de contribution, dans la continuité des précédents.

Sans revenir sur l'ensemble des politiques financées par le budget communautaire, je dirai quelques mots au sujet des dépenses en faveur de la politique de cohésion, de l'espace de liberté, de sécurité et de justice, et des actions extérieures de l'Union européenne.

S'agissant des dépenses en faveur de la politique de cohésion, j'insisterai simplement sur la nécessité de lutter contre les disparités économiques, sociales et territoriales. C'est sur ce plan que l'Europe est attendue par les peuples. C'est dans la lutte contre les inégalités que la construction européenne trouvera son sens profond.

S'agissant des crédits d'engagement, les montants affectés à la sous-rubrique « liberté, sécurité et justice » augmentent de 10, 1 % par rapport au budget pour 2007, tandis que les crédits de paiement augmentent de 0, 9 %. Comme pour l'année 2007, la moitié des crédits d'engagement de cette sous-rubrique seront consacrés au nouveau programme-cadre « solidarité et gestion des flux migratoires ».

Sous un intitulé prêtant à confusion, cette politique européenne s'inscrit en réalité dans un mouvement répressif, qui se vérifie également au niveau des États membres.

À cet égard, nous souhaitons faire une mise en garde. L'Union européenne ne doit pas se muer en forteresse des temps modernes. Le visage de l'Union européenne ne peut se réduire à des politiques fondées sur des systèmes de contrôle policiers sophistiqués, sur le recul de la politique d'asile, sur les centres de rétention. Il importe donc aujourd'hui que l'Union se donne enfin, au-delà des déclarations d'intention, un projet politique et les moyens de le réaliser, un projet au service de la paix, de la justice et de la solidarité avec le Sud.

S'agissant des actions extérieures, après une diminution de 3, 7 % en 2006 et de 21, 5 % en 2007, le projet de budget pour 2008 fait état d'une légère augmentation de 4, 7 %. Le budget octroyé à l'action extérieure de l'Union européenne reste dérisoire. Cela confirme, en tout état de cause, que l'Union n'est pas prête à s'imposer comme un acteur mondial sur la scène internationale. À cet égard, nous ne pouvons que manifester une vive inquiétude. La faiblesse de l'ambition financière est significative d'un certain recul de l'ambition internationale de l'Union européenne.

En définitive, et ce sera ma conclusion, le budget que vous défendez, monsieur le secrétaire d'État, s'inscrit dans la continuité des précédents et ne comporte aucune trace visible de relance digne de ce nom, laissant espérer que l'Europe pourrait apporter, tant à notre peuple qu'aux autres peuples européens, une réponse positive et forte à leurs attentes.

Par conséquent, les sénateurs du groupe communiste, républicain et citoyen ne peuvent, à travers moi, qu'exprimer leur désaccord avec le prélèvement sur les recettes de l'État au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes.

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