Intervention de Annie David

Réunion du 20 octobre 2010 à 14h30
Réforme des retraites — Article 27 sexies A

Photo de Annie DavidAnnie David :

À travers le sort réservé aux salariés exposés à l’amiante, on peut mesurer combien votre texte est source d’injustices et d’inégalités.

Le fait de ne pas exclure les travailleurs exposés à l’amiante du dispositif tendant à reporter de deux ans l’âge légal de départ en retraite équivaut à les priver du droit à bénéficier de leur retraite !

En effet, s’il faut désormais attendre que la « pathologie » amiante soit déclarée, le salarié concerné ne pourra profiter de sa retraite que pendant une durée de six à dix-huit mois, qui correspond au délai de vie suivant l’apparition de la maladie ! Vous créez de la sorte une inégalité de traitement entre, d’une part, les salariés dont la pénibilité a été actée selon vos critères, et qui pourront partir à la retraite à 60 ans, et, d’autre part, les personnes exposées à l’amiante, dont l’âge de départ à la retraite se situera entre 60 et 62 ans.

Or nous savons toutes et tous que l’exposition à l’amiante, comme à l’ensemble des substances cancérogènes, provoque des pathologies survenant longtemps après l’exposition, souvent même après le départ à la retraite.

Ainsi a-t-on recensé sur la plate-forme chimique de Pont-de-Claix, en Isère, 50 maladies professionnelles reconnues liées à l’amiante, qui ont déjà provoqué 10 décès. Sur le seul site Arkema de Jarrie, 80 salariés se sont vu reconnaître une maladie professionnelle ; 30 d’entre eux sont déjà morts. Or tous ces décès sont intervenus dans la tranche d’âge 45-65 ans !

Vous nous répétez que cette réforme est juste. Or vous décidez de faire travailler aussi longtemps que les autres salariés celles et ceux qui mourront plus tôt à cause de leur travail. Où est la justice ?

Compte tenu de la prise en compte d’un taux d’incapacité, et non d’exposition, il faudra attendre qu’une pathologie amiante se déclare chez un salarié avant de lui accorder le bénéfice de la préretraite amiante.

On ne le répétera jamais assez, pour les salariés qui ont été exposés à l’amiante, la cessation anticipée d’activité est un droit, créé pour compenser leur perte d’espérance de vie !

J’ai étudié votre amendement, monsieur le ministre. S’il permet de maintenir les conditions actuelles d’âge de cessation d’activité pour les bénéficiaires d’une ACAATA, il est cependant insuffisant, voire injuste, du fait des conditions qu’il prévoit : les salariés concernés doivent avoir travaillé dans un établissement répertorié pendant une durée minimale fixée par décret.

Comme l’a dit Jean-Pierre Godefroy, il sera impossible à des salariés ayant travaillé sur des sites qui n’existent plus de faire reconnaître qu’ils ont subi une exposition à l’amiante pendant la durée minimale exigée.

Même si ces salariés dont l’emploi a été supprimé et le lieu de travail détruit ont été mutés sur des sites similaires, classés quant à eux amiante, ils ne pourront être reconnus comme des victimes de l’amiante car ils n’auront pas travaillé pendant la durée minimale exigée sur ces derniers sites.

L’amiante est l’une des seules causes de pathologie que ce gouvernement avait accepté de prendre en compte. Bien d’autres produits cancérogènes devraient pourtant être reconnus. C’est le cas des produits chimiques cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction, dits produits CMR.

Votre amendement, monsieur le ministre, ne répondra en rien à l’inquiétude et à la colère légitime des nombreux salariés exposés à l’amiante. Mais nous reviendrons sur ce point à l’occasion de l’examen des amendements.

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