À l’image de beaucoup d’autres, cet article est un cheval de Troie contre un principe pourtant affirmé comme intangible dès l’article 1er, à savoir la retraite par répartition. Il vise en effet à introduire progressivement un régime par capitalisation.
Depuis le début de notre discussion, cette « réforme » fait l’objet d’un véritable quiproquo.
Dans notre pays, le mot « réforme » a une histoire. À chaque fois, il s’est agi de placer l’être humain au centre, pour tenter d’améliorer son sort, ses conditions de vie, sa liberté et ses droits. Telle est l’histoire de la réforme.
Vous nous dites, monsieur le ministre, qu’il faut mettre en œuvre une réforme des retraites. Bien sûr ! Vous avez d’ailleurs été obligé, pour justifier la nécessité de votre action, de reconnaître que le système actuel devait être amélioré, notamment pour ce qui concerne, d’une part, l’égalité entre les hommes et les femmes et, d’autre part, la pénibilité.
Vous avez prétendu qu’il fallait pérenniser le système pour que les jeunes générations lui conservent leur confiance et ne se tournent pas vers des systèmes de retraite par capitalisation. Pour ce faire, il fallait trouver des ressources. C’est ainsi que vous avez justifié une réforme, en faisant mine d’améliorer le système des retraites et de placer l’être humain en son centre. Or c’est exactement l’inverse qui se produit !
J’évoquerai d’abord le problème de pénibilité. Aujourd’hui, parmi les travailleurs qui effectuent des travaux pénibles, 1 700 000 sont exposés aux produits toxiques ; 3, 7 millions environ subissent le travail de nuit. Mais votre réforme ne prend en considération que 30 000 personnes ! Au lieu d’améliorer le sort de ceux qui sont confrontés à la pénibilité, votre réforme se traduit par une régression : ils partaient à la retraite à 60 ans, ils partiront à 62 ans, au mieux ! Ne parlez donc pas de réforme, mais plutôt d’un retour en arrière, y compris pour ceux que vous avez voulu mettre au centre de vos préoccupations !
Je rappellerai ensuite la situation des femmes. Certes, vous avez essayé d’améliorer la situation des mères de trois enfants. Mais cela ne concerne que quelques milliers de personnes ! Pour toutes les autres, les millions de femmes qui sont déjà en situation d’inégalité, la régression est incontestable : 67 ans au lieu de 65 ans, et 62 ans au lieu de 60 ans !
Pour ce qui concerne l’équilibre financier, vous avez prétendu vouloir pérenniser notre système de retraite, pour que les jeunes générations aient confiance. Or, comme en témoignent les récentes enquêtes d’opinions, 80 % des Français ne croient pas que cette réforme permettra d’assurer la pérennité du régime par répartition.
Ainsi, vous avez réussi à préparer nos concitoyens à l’idée qu’ils devront, s’ils en ont les moyens, se tourner vers des systèmes complémentaires. Par conséquent, vous mettez immédiatement en danger le système de retraite par répartition, non seulement parce que votre réforme est injuste, mais aussi parce qu’elle n’assure pas la pérennité du financement des retraites, 45 milliards d’euros restant à trouver à l’horizon 2025.
Vous avez tout faux ! Cessez donc de nous faire des leçons sur la réforme. Oui, il faut une réforme ! Ce que vous mettez en place, c’est une régression !