Une bonne partie du discours du Gouvernement et de sa majorité sur le devenir de notre régime de retraite tient, évidemment, à ce que l’on appelle le papy-boom, c’est-à-dire le choc démographique que constituerait l’arrivée à l’âge de la retraite des générations nombreuses de l’immédiat après-guerre.
Or une étude sur les besoins de financement des retraites dans les différents pays de l’Union européenne d’ici à 2060, réalisée par Eurostat, l’organisme statistique de la Commission européenne, nous indique que la France est loin d’être le pays le plus en peine pour financer son régime de retraite. C’est même l’un des pays où le papy-boom sera le moins onéreux.
En effet, entre 2010 et 2020, la part du produit intérieur brut que nous devrions consacrer à financer les retraites – ce qui n’est pas une utilisation malvenue de la richesse nationale ! – passera de 13, 5 à 13, 6 points, soit un surcoût de 1/10 de point.
Le mouvement de hausse atteindra son apogée en 2035 : nous devrions passer alors de 13, 6 à 14, 5 points de PIB, soit un surcoût de 1 point, avant que le renouvellement des générations ne produise un effet inverse, avec un taux de consommation de la richesse nationale passant de 14, 5 à 14 points entre 2035 et 2060.
S’il faut être attentif au papy-boom, il ne faut pas oublier que les générations plus creuses des années soixante-dix et quatre-vingt seront largement renouvelées par le rehaussement de la natalité que nous enregistrons depuis quelques années ; à tel point, d’ailleurs, que le surcoût relatif des retraites serait de 5/10 de points entre octobre 2010 et 2060 ! Cela place la France en excellente position dans l’Union européenne, où les seuls pays mieux placés sont ceux qui vont connaître probablement un déclin démographique.
La situation de notre pays n’est donc pas celle que vous décrivez. En outre, du fait de la loi Balladur, le taux de dépenses consacrées aux retraites a baissé entre 1996 et aujourd’hui, passant de 13, 5 à 13, 3 points de PIB.
La vérité commande de dire qu’on cherche à inquiéter nos concitoyens pour justifier les sacrifices qu’on leur demande, mais qui n’empêcheront pas, par exemple, l’indexation sur les prix, élément clé de la loi Balladur, de faire sentir ses effets, réduisant les pensions de 63 % à 53 % du dernier salaire en 2035, ce qui encouragera au passage le développement des fonds de pension.
En 1993, quelqu’un disait : « Les fonds d’épargne retraite auront toujours en France un rôle marginal et complémentaire. C’est uniquement si l’on pose ce principe que l’on aboutira à obtenir du législateur et des partenaires sociaux l’incitation à de vrais régimes de capitalisation favorisant l’épargne longue et les fonds propres des entreprises ». L’auteur de cette déclaration est bien connu : il s’agit de Raymond Soubie, qui a coécrit, à la demande du Président de la République, une bonne partie du projet de loi dont nous débattons.
On peut tout dire de cette réforme des retraites, mes chers collègues, sauf qu’elle est dictée par une contrainte démographique. Ce texte vise, en réalité, à réduire la part de la richesse nationale consacrée au financement public des pensions et à s’orienter vers des régimes de capitalisation. Voilà l’objectif de ces trois amendements ! C’est la raison pour laquelle nous voterons contre.