La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente.
La séance est reprise.
J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
(Texte de la commission)
Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.
Au cours des derniers jours, et particulièrement aujourd’hui, Guillaume Sarkozy a été omniprésent…
Ah ! sur les travées de l ’ UMP.
Quelle ne fut alors pas ma surprise de trouver, au milieu de mes documents relatifs à la réforme des retraites, une invitation ! « Monsieur le vice-président, nous organisons un prochain déjeuner de travail auquel nous vous avons convié sur le thème :…
… quelle sera l’assurance maladie de demain ? ».
Essayez de deviner autour de quelle personnalité était organisé ce déjeuner…
Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Je vous rappelle que Guillaume Sarkozy est le délégué général de Malakoff Médéric. Il organisera ce déjeuner de travail avec Paul Grasset, directeur général du groupe PRO BTP. Cela permet de se faire une idée…
Et j’ai trouvé un autre document où il est écrit : « il n’y a pas de raison d’avoir peur de la retraite complémentaire privée ». C’est la suite !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Madame la présidente de la commission, si j’ai bien compris l’intervention que vous avez faite avant la suspension de séance, vous avez demandé à ce que reviennent en priorité dans la discussion quelques amendements portant articles additionnels qui avaient précédemment été réservés. Nous aimerions savoir avec précision à quel moment vous prévoyez de faire intervenir la discussion sur ces amendements ? Cette priorité s’applique-t-elle immédiatement après l’article 32 septies actuellement en discussion ou après l’article 33 ?
Nous ne discutons pas cette priorité, madame la présidente de la commission. En effet, dès lors qu’elle est demandée par la commission et que le Gouvernement en est d’accord, celle-ci est de droit. Nous voudrions simplement savoir à quel moment précis de la discussion elle s’appliquera.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus au vote sur l’amendement n° 753 au sein de l’article 32 septies.
Je mets aux voix l'amendement n° 753.
J’ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Ils n’ont pas fini de dîner, voilà pourquoi ils demandent un scrutin public !
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 72 :
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 477.
J’ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Je mets aux voix l'article 32 septies.
J’ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Protestations sur les travées de l ’ UMP.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement se sont prononcés pour l’adoption de cet article.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
J’interviens à la fois en tant que porte-parole de mon groupe et en tant que secrétaire de séance.
Madame la présidente, je voudrais que nous puissions poursuivre nos débats dans des conditions raisonnables. Cette situation n’est pas possible !
Exclamations sur les travées de l ’ UMP.
Je mesure à l’heure actuelle l’attachement des sénateurs du groupe UMP pour ce projet de loi : il n’est qu’à compter combien sont présents ; ils votent avec leurs pieds !
Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.
Mes chers collègues, permettez-moi de vous dire que je vous trouve particulièrement agités ce soir !
La parole est à M. David Assouline, pour un rappel au règlement.
M. David Assouline. Je ne sais pas qui est agité mais, pour notre part, nous souhaitons pouvoir travailler normalement.
Vives exclamations sur les travées de l ’ UMP.
Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.
M. David Assouline. Laissez-moi vous dire, et ce n’est pas une question de gauche ou de droite : quand je suis arrivé dans cet hémicycle en 2004, il était inconcevable – je le répète, inconcevable – que l’on puisse, directement de l’Élysée, décider de la façon dont devait travailler le Sénat. À tout moment, quelqu’un dans vos rangs se serait levé pour s’exclamer qu’il n’avait jamais vu cela.
Protestations sur les travées de l ’ UMP.
Nous ne devons pas nous accoutumer à de telles méthodes. Ce que fait M. Guéant est un scandale absolu !
Il a souligné que tels procédés n’étaient pas acceptables. En plus, c’est le groupe UMP qui ralentit le déroulement de nos travaux en n’assurant même pas sa présence dans l’hémicycle.
Madame la présidente, on ne peut pas rabrouer de cette façon notre collègue et lui reprocher d’avoir une attitude agitée, pour ces simples propos. Son intervention était tout à fait respectable et avait toute sa place.
M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Monsieur le sénateur, je ne vois pas ce que les propos de M. Guéant ont de choquant.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.
Le b du 1 du I de l’article 163 quatervicies du code général des impôts est ainsi rédigé :
« b) À titre individuel et facultatif aux contrats souscrits dans le cadre de régimes de retraite supplémentaire, auxquels l’affiliation est obligatoire et mis en place dans les conditions prévues à l’article L. 911-1 du code de la sécurité sociale, lorsque ces contrats sont souscrits par un employeur ou un groupement d’employeurs ; ».
L'amendement n° 54, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
J’aimerais moi aussi savoir à quelle heure s’achèveront nos débats ce soir. Peut-être en saurons-nous plus sur l’organisation de nos travaux lorsque la commission et le Gouvernement émettront leur avis sur l'amendement n° 54.
Avec cet article 32 octies, nous arrivons au terme de la discussion sur l’ensemble des articles insérés à l'Assemblée nationale par la voie d’amendements déposés par des députés de la majorité. Ceux-ci ont décidé de mettre au cœur de cette réforme le développement des différentes formes de capitalisation, dont le seul objectif est de mettre à bas notre système solidaire.
En créant le titre V bis, relatif à l’épargne retraite, juste avant les dispositions finales de ce projet de loi, c’est donc en forme de bouquet final, destructeur de notre système par péréquation, que les députés ont choisi de terminer ce texte.
Ainsi, au terme de ce projet, ils ont tenu à mettre en place tout un système de possibilités et de contraintes forçant la mise en place de comptes épargne retraite pour créer les conditions d’une individualisation à venir.
Alors que chacun reconnaît que notre système de retraite est confronté à un problème de financement et que les finances publiques sont au plus mal, l’ensemble des mesures ici préconisées vont, une nouvelle fois, contribuer à vider les caisses.
De nouvelles ressources seront défiscalisées et exemptées de cotisations sociales. De ce fait, elles seront aussi soustraites aux cotisations retraite. Plus précisément, cet article 32 octies vise à réécrire l’article 163 quatervicies du code général des impôts, qui prévoit la déductibilité du revenu net global, soumis à l’impôt sur le revenu, des cotisations et des primes versées au profit d’un compte épargne retraite.
Cette mesure vise, plus précisément, à rendre plus attractifs fiscalement les contrats épargnes obligatoires mis en place par les employeurs. Aussi connaissant notre opposition à ce type de contrat d’épargne, vous ne serez pas étonnés que nous vous demandions la suppression de cet article.
Mais ce qui me surprend le plus, c’est que vous ayez accepté de faire figurer dans un texte quelque chose qui aggrave notre situation fiscale au moment où vous nous dites que vous allez faire en sorte de réduire les niches fiscales dans la prochaine loi de finances. Il y a quand même des contradictions qu’il est bon de souligner au moment où l’on débat des questions de retraite ! Nos propositions n’ont, quant à elles, rien à voir avec de la fiscalisation !
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote sur l’amendement n °54.
J’interviens pour une explication de vote, mais surtout pour une remarque. En soulevant cette question de la fiscalisation, je pensais quand même provoquer une réaction du Gouvernement !
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 32 octies est adopté.
Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l'article 33.
TITRE VI
DISPOSITIONS FINALES
I. – L’article 3 entre en vigueur le 1er janvier 2012.
II. – Les articles 5 à 20 bis, 26, 27 quater et 27 quinquies sont applicables aux pensions prenant effet à compter du 1er juillet 2011.
III. – L’article 22 entre en vigueur le 1er juillet 2011 et est applicable aux demandes de pension déposées à compter de cette date.
IV. – L’article 25 est applicable aux expositions intervenues à compter d’une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2012.
IV bis. – L’article 29 bis est applicable aux demandes d’allocation de veuvage déposées à compter du 1er janvier 2011.
V. – L’article 30 est applicable aux indemnités journalières d’assurance maternité versées dans le cadre des congés de maternité débutant à compter du 1er janvier 2012.
VI. –
Supprimé
VII
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’interviens au lendemain de la sixième journée d’action organisée par les syndicats, par les lycéens, par des groupes de différentes natures, dans le cadre d’un conflit qui, manifestement, s’élargit et pose de très gros problèmes à la nation et à la population.
On nous dit que M. Sarkozy veut essayer de trouver la sortie. Ce n’est pas en force qu’il faut essayer de trouver la sortie ! C’est naturellement en faisant des propositions qui puissent aller dans le sens d’une réunion, d’une discussion, d’une négociation. Il est toujours possible d’arriver finalement au but, c’est-à-dire à une retraite qui donne satisfaction aux Françaises et aux Français.
Je suis intervenu vendredi et, monsieur le ministre, à cette occasion, vous avez fait de l’ironie. Vous avez dit que moi-même – et au-delà de ma personne, les sénateurs socialistes – que la gauche, donc, aimait les chiffres ronds. Je ne comprends pas ce que les chiffres ronds ont à voir avec le débat qui est le nôtre !
Moi, je ne suis pas banquier ! Je ne remue pas des liasses d’argent ! Je ne sais pas ce que sont les chiffres ronds par rapport aux autres chiffres !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
J’avoue, d’ailleurs, que les chiffres des victoires de la gauche ne sont pas nécessairement des chiffres ronds.
Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées
En effet, 1848, ce n’est pas un chiffre rond ! 1871, ce n’est pas un chiffre rond ! 1936 – dont on n’a peut-être pas suffisamment parlé– n’est pas davantage un chiffre rond ! Pas plus d’ailleurs que les autres chiffres… Passons sur cela.
J’en viens au véritable problème en discussion, la retraite à 60 ans, que j’ai évoquée la dernière fois. Je ne vais pas y revenir.
Simplement, puisqu’on a parlé des chiffres ronds, de l’amour que je leur porte, voire de ma nostalgie pour une retraite à 60 ans, je dois dire que ces propos ont tout de même eu une résonnance dans le pays. Peut-être en avez-vous trouvé l’écho dans la revue de presse que vos collaborateurs ne sauraient manquer de vous faire.
Moi, j’en ai beaucoup entendu parler ! De retour à Lille, j’ai vu comment tout le monde avait réussi à capter ce message, j’ai vu qu’au fond tout le monde reste attaché à la retraite à 60 ans et qu’il n’est pas possible de jeter cette retraite à 60 ans dans les oubliettes de la République !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
J’en viens ensuite au problème de la réforme. Nous sommes attachés à la réforme. De temps en temps, on nous dit même que nous sommes des réformistes. Sans doute est-ce vrai.
M. Pierre Mauroy. Nous sommes attachés à la réforme. M. Sarkozy s’y dit également attaché. Oui ! Mais il y a de bonnes réformes et il y a de mauvaises, de très mauvaises réformes !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
J’ajoute que, chemin faisant, on discute un peu de tous les problèmes. Certes, on en laisse beaucoup sur le côté, mais peut-être aurons-nous l’occasion d’y revenir.
En tout cas, la retraite à 60 ans, ce n’est pas possible qu’elle aggrave la situation des jeunes ! Ce n’est pas possible qu’elle aggrave la situation des seniors !
C’est quand même un comble que ces seniors, les uns les mettent à la porte de plus en plus rapidement et, par conséquent, de plus en plus jeunes, et que les autres fassent une réforme pour, finalement, leur fermer la porte qui accède à la retraite. Cela, c’est vraiment inimaginable !
Et je suis persuadé qu’ils en garderont le souvenir ! En effet, vous pouvez bomber le torse, vous pouvez vous targuer de la majorité que vous avez ici, qui vous permettra de vous en sortir. Oui ! Mais je sais bien qu’en définitive, cette majorité, elle sera relative parce qu’il y aura un autre appel, l’appel devant le peuple. Et cette fois-là, ce sera la grande élection qui tranchera le problème, celui de la retraite en particulier, mais bien d’autres problèmes aussi.
Je suis persuadé que, sur ce plan-là, vous marquez de mauvais points vis-à-vis du peuple par les positions qui sont les vôtres.
Quoi qu’il en soit, tous les sondages – dont je n’abuse pas – le montrent, la grande majorité des Françaises et des Français sont à plus de 50 %, à plus de 60 % – ce matin, c’était à plus de 65 % – contre la réforme que vous envisagez. De cela, vous devez tenir compte.
Finalement, le Gouvernement se positionne, ou plutôt se réfugie, dans une position de faiblesse qui sera jugée par le peuple, au-delà même des péripéties des votes dans cette assemblée.
Mais les votes dans cette assemblée ont leur importance. On connaît la réputation qu’a eue le Sénat sous la Troisième République. On connaît la réputation qu’il a eue sous la Quatrième République, qui en avait fait un Sénat croupion. On connaît la réputation qu’il avait au début de la Cinquième République, une réputation qui lui valait de s’entendre dire qu’il fallait véritablement le réformer !
Méfiez-vous ! Le Sénat ne doit pas redevenir la chambre noire de la République !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Protestations sur les travées de l ’ UMP.
Il doit, au contraire, voter des propositions, des réformes qui sont attendues par le peuple et prendre des dispositions pour qu’il en soit ainsi. Faute de quoi, vous aurez des lendemains difficiles, comme vos prédécesseurs sénateurs !
Protestations sur les travées de l ’ UMP.
M. Pierre Mauroy. Que me dites-vous, madame ? Je commence à peine, comme chacun l’aura sans doute deviné !
Rires sur les travées de l ’ UMP.
Vous pouviez m’avertir, madame !
Je veux quand même apporter une conclusion. Ma conclusion, c’est qu’il y a deux problèmes fondamentaux.
Le premier, c’est naturellement la durée. Combien faudra-t-il d’annuités pour la retraite ?
Cette mesure dépasse le volet social et s’étend à la civilisation. La vie s’allonge. Il faut donc en tirer les conséquences, y compris sur le plan des retraites.
Manifestations d’impatience sur les travées de l’UMP.
La première secrétaire du parti socialiste s’est exprimée sur cette question.
Protestations sur les mêmes travées.
Les protestations redoublent.
Cela, vous avez oublié de le rappeler !
Mais nous, nous le savons et nous pensons que vous devez nous écouter !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Par conséquent, il faut tenir compte de cette donnée de la durée. Mais il faut aussi…
Non, madame ! Je termine !
Il faut aussi tenir compte de l’assiette. Ce ne sont pas les salariés seuls qui peuvent payer ces retraites. Il faut, par conséquent, élargir l’assiette et l’élargir sans doute au capital.
J’avais des propositions à vous faire sur ce plan. En tout cas, je vous dis que, si vous ne prenez pas une mesure que le peuple attend, …
M. Pierre Mauroy. … il y aura des conséquences qui seront redoutables ! Ne prenons pas ce chemin ! Il y a un chemin qui permettrait d’accorder à chacun une retraite convenable. Ce sont ces propositions que nous faisons !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
L’amendement n° 1156, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Lors de la discussion de l’article 3, nous avons indiqué les réticences que nous nourrissions à l’égard des dispositions introduites, mais également les avancées potentielles de ce droit à l’information.
En effet, l’article 3 vise à renforcer l’information dispensée aux assurés en matière de retraite, d’une part, en prévoyant de leur fournir une information générale sur le système de retraite dès leur première acquisition de droits à la retraite, et, d’autre part, en créant un entretien personnalisé à partir de l’âge de 45 ans.
Pourtant, à l’alinéa 1 de l’article 33, l’entrée en vigueur de cette obligation est différée, l’Assemblée nationale l’ayant d’ailleurs repoussée du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2012.
Selon nous, toute disposition de nature à améliorer le droit à l’information des assurés sociaux sur les différents régimes de retraite doit entrer immédiatement en vigueur.
Le droit d’information a été institué par la loi de 2003, qui prévoit la fourniture automatique, tous les cinq ans à partir de 35 ans, d’un relevé de situation individuelle et, à partir de 55 ans, d’une estimation indicative globale du montant de la pension. Cette mission est jusqu’à présent assurée par le GIP Info Retraite.
Dans ce cadre, l’article 3 représente, certes, une avancée en permettant aux salariés de disposer de ces informations plus tôt.
Pourtant, sur le fond, nous craignons que ce « point d’étape retraite » soit utilisé non seulement pour informer les assurés, mais aussi pour promouvoir la souscription de produits financiers, et donc la retraite par capitalisation.
Comme nous vous le rappelions lors de l’examen de ce même article 3, selon l’étude d’impact accompagnant le projet de loi, il est prévu que cet entretien portera notamment « sur les avantages respectifs des différents dispositifs d’incitation à la prolongation d’activité ainsi que sur les dispositifs leur permettant d’améliorer le montant futur de leur retraite ».
Le « point étape retraite » à 45 ans risque malheureusement de se transformer en une information orientée, pour ne pas dire une incitation systématique à recourir aux plans d’épargne retraite.
Bien que nous soyons attachés au droit à l’information, nous demandons cependant la suppression de l’alinéa 1 de l’article 33 qui repousse son entrée en vigueur.
L’amendement n’est pas adopté.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 241, présenté par Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Bariza Khiari.
L’article 33 fixe les conditions d’entrée en vigueur de plusieurs dispositions du projet de loi.
En ce qui concerne l’amélioration du droit à l’information des assurés, nous n’avons pas grand-chose à dire. Là où ça se gâte, c’est sur les conditions d’entrée en vigueur des articles 5 à 20, 22, 25 et 30, autant de mesures que nous avons rejetées en bloc. Je veux parler du relèvement des deux bornes d’âge, de 60 à 62 ans et de 65 à 67 ans.
Il s’agit, globalement, d’une politique barbare.
Nous contestons le bien-fondé de cette réforme d’une manière générale, car celle-ci ne répond pas aux réels enjeux de la question des retraites. Vous vous placez sur le terrain de la démographie quand c’est d’orientation économique qu’il conviendrait de discuter.
Le recul de l’âge pour obtenir une retraite à taux plein lorsque l’on n’atteint pas le nombre d’annuités requises pour y prétendre avant est l’exemple même du caractère idéologique et inhumain de ce texte. Nous ne cesserons de vous le répéter, qui sera dans l’impossibilité de satisfaire à cette exigence, sinon, principalement, les femmes et les personnes ayant eu une carrière mouvementée, hachée ? Nous croyons, pour notre part, qu’il s’agit de personnes fragiles, précaires et ayant connu une vie difficile.
À 65 ans, bien des gens ont effectué une carrière complète ou quasi complète. À court terme, la grande majorité, si ce n’est l’ensemble des Français qui atteindront cet âge auront cotisé le temps requis, à l’exception, je le redis, des femmes qui jonglent avec des périodes de temps partiel le plus souvent subi, de chômage, d’inactivité, et les personnes ayant eu des carrières brisées, heurtées, inhabituelles.
Pour nous, réforme est synonyme de progrès. Quand un texte qui se veut réformateur fragilise encore davantage des catégories précaires, il se pare d’atours qu’il ne mérite pas. Nous sommes résolument opposés au recul de l’âge de départ à la retraite à 62 ans et de l’âge de départ à la retraite à taux plein à 67 ans. Si certains veulent travailler plus, la loi les y autorise, mais que ceux qui veulent s’arrêter parce que la vie ne leur a déjà pas fait beaucoup de cadeaux le puissent, voilà qui me semble une réelle avancée. La solidarité doit continuer à avoir un sens dans notre pays.
Par cohérence avec toutes nos déclarations, nous demandons la suppression de l’alinéa fixant les conditions d’entrée en vigueur des dispositions de ce texte, qui est loin de marquer un progrès de société acceptable par nous.
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.
L’amendement n° 1157, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer les références :
26, 27 quater et 27 quinquies
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Il s’agit d’un amendement de pure forme mais ô combien symbolique.
Nous vous proposons de supprimer, à l’alinéa 2 de cet article 33, les références aux articles 26, 27 quater et 27 quinquies, pour la simple et bonne raison que ces articles ont été supprimés lors du passage du texte en commission.
Cela démontre, alors que le sujet est tout de même sérieux puisqu’il a trait aux conditions d’existence des plus de 60 ans, de leur pouvoir d’achat, ainsi que de leur droit à la retraite, la précipitation dont vous faites preuve sur le sujet.
Cela démontre également la confusion qui a régné lors des travaux de la commission des affaires sociales afin d’élaborer le texte dont nous sommes en train de débattre.
Pour simple rappel, les articles ainsi supprimés concernaient l’abaissement de la condition d’âge pour le départ à la retraite et le bénéfice du taux plein au profit des assurés justifiant d’une incapacité permanente au titre d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle, ainsi que l’extension aux salariés agricoles et non agricoles du dispositif relatif à la pénibilité.
La commission a fait le choix de supprimer ces articles insérés lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale pour en transférer le contenu dans d’autres articles.
Il faut maintenant que l’article 33 en tienne compte. Tel est le sens de cet amendement.
L’amendement n° 1213, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les références :
26, 27 quater et 27 quinquies
par les références :
27 ter AC, 27 ter AF et 27 ter AG
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les amendements n° 241 et 1157.
Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 1213 et défavorable aux amendements n° 241 et 1157.
Sincèrement, l’avis défavorable de la commission et du Gouvernement sur l’amendement n° 1157 me surprend, puisque nous proposons ni plus ni moins de supprimer des références que la commission elle-même entend supprimer dans son propre amendement n° 1213 !
Pour le coup, monsieur le rapporteur, votre avis n’est pas à la hauteur du travail que l’on a pu fournir dans ce débat. Ce n’est pas respectueux ! Dès lors qu’il s’agit d’amendements de notre groupe, vous les traitez quelque peu à la va-vite. Croyez bien que je le regrette. Que nos propositions ne vous conviennent pas, je peux évidemment le comprendre puisque nous défendons une autre réforme pour notre système de retraite par répartition. Mais ayez tout de même un minimum de respect pour notre travail et pour celui de nos collaborateurs, qui ont beaucoup travaillé au cours des trois dernières semaines !
Madame David, je n’admets pas que vous puissiez tenir de tels propos à mon égard. Vous me connaissez, et vous savez que je n’ai pas l’habitude d’agir comme vous le décrivez !
J’étais, c’est vrai, en train d’étudier un amendement à venir, et je n’ai pas vu le vôtre arriver.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Je vous en prie, un peu de respect, cela ne fera pas de mal !
Applaudissementssur les travées de l’UMP et sur plusieurs travées de l’Union centriste.
Mes chers collègues, nous nous connaissons trop pour savoir qu’il faut relativiser certains propos.
Par son amendement, la commission propose non pas de supprimer les références auxquelles vous avez fait allusion, mais de les remplacer par d’autres. Il y a tout de même un petit distinguo entre votre amendement et le nôtre, que je n’avais effectivement pas souligné, et je vous prie de bien vouloir m’en excuser.
M. Jacques Mahéas. Vous venez, monsieur le rapporteur, de nous parler de respect. (Ah ! sur plusieurs travées de l’UMP.) Permettez-moi de vous rappeler que, ce qui aurait été respectueux, dans le cadre du projet de loi, c’eût été de discuter réellement avec les organisations syndicales.
Protestations sur les travées de l’UMP.
Cela vous gêne dès que l’on évoque les organisations syndicales, d’autant qu’en ce moment elles sont dans la rue et montrent au peuple de France que ce texte est mauvais. Sans doute aurait-il été plus intelligent, pour « respecter » la démocratie, d’intervenir bien en amont et de faire comme beaucoup d’autres pays.
Les pensions y ont baissé de 3 % cette année !
En Suède, par exemple, la discussion a duré des mois et des mois.
Les uns et les autres, nous sommes conscients de la nécessité d’engager une réforme des retraites. Mais il doit s’agir d’une bonne réforme, comme disait Pierre Mauroy, acceptable par tous.
C’est tout le contraire avec ce projet de loi, qui brime nombre de nos concitoyens quand il en favorise d’autres. L’article 33 en est la parfaite illustration.
Les dispositions relatives à l’entrée en vigueur de la réforme auraient pu être beaucoup plus étalées dans le temps. Je reprends le cas, que j’ai déjà évoqué, de cette femme ayant commencé à travailler à 14 ans : certes, grâce à une petite adaptation législative, elle peut espérer partir à la retraite à 58 ans ; mais au bout du compte, elle aura cotisé quarante-quatre ans, c’est-à-dire plus que le maximum exigé.
En règle générale, les personnes dans des situations analogues exercent des métiers difficiles, souvent pénibles, qui n’exigent pas une grande qualification ; leur volet études est extrêmement restreint. Vous les pénalisez donc doublement.
Le passage de 65 à 67 ans est tout aussi pénalisant. Il vous a été dit et répété que ce seront souvent les femmes, ayant des carrières plus hachées et confrontées à des difficultés particulières, qui seront les premières visées.
Vous n’avez pas l’habitude, je me dois de le dire, de laisser des laps de temps suffisants pour permettre à nos concitoyens de réfléchir aux conséquences de vos décisions sur leur situation. Vous demandez aux infirmières de décider, si, oui ou non, elles préfèrent passer de la catégorie B à la catégorie A. Mais, pour faire leur choix, elles ne disposent que d’un délai ridicule ! Et actuellement, nombre d’entre elles reçoivent des missives leur intimant de prendre une décision.
Je voudrais terminer sur le problème des fonctionnaires. Lorsque vous entrez dans la fonction publique, c’est un choix, vous en connaissez la grandeur, les difficultés et les avantages. Or vous rognez ces derniers. Il y a donc rupture de contrat entre l’État et le fonctionnaire, à qui il est demandé à la fois de rendre un travail de qualité et d’effectuer un certain nombre d’années de service.
D’ores et déjà, vous ne remplacez pas un poste de fonctionnaire sur deux partant en retraite. Voilà une décision qui, au-delà de déplaire fortement, pénalise fortement les enseignants, puisque les remplacements ne sont plus assurés.
Il y a, disais-je, rupture de contrat. Dès lors que de telles mesures sont prises, tout doit être étalé dans le temps, les discussions préalables comme la mise en œuvre. Ce n’est pas ce que vous faites ici. Votre décision tombe comme un couperet.
C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste défend ces amendements !
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.
Je mets aux voix l'amendement n° 241.
J’ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 75 :
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 1157.
J’ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
L'amendement n'est pas adopté. –Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Je mets aux voix l'amendement n° 1213.
Je rappelle que le Gouvernement a émis un avis favorable.
Quels sont ceux qui sont favorables à cet amendement ?
L’amendement est adopté.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Votre comportement ne nous permet pas de travailler dans la sérénité…
Je reprends : que ceux qui sont contre veuillent bien lever la main.
Nous aurions été plus vite avec un scrutin public ! Moins on est, plus c’est long !
L'amendement est adopté. –Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1158, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Vous avez pris la décision de faire figurer dans l’article 33, relatif aux dispositions finales, la date d’entrée en application de diverses mesures contenues dans ce projet, ce qui vous a permis de dissocier les mesures de leur mise en application.
L’effet d’annonce escompté devait vous permettre de masquer ainsi un élément essentiel des mesures visées.
C’est notamment le cas de l’alinéa 4 qui, ainsi rédigé, n’a pas de signification précise. Il dispose en effet que l’article 25 de ce projet de loi ne s’appliquera qu’à compter du 1er janvier 2012 au plus tard. Or, ce dernier article figure au chapitre Ier du titre IV de ce projet de loi, lequel concerne un sujet particulièrement sensible et qui a été longuement débattu dans cet hémicycle, à savoir la pénibilité et, plus particulièrement, sa prévention.
Je ne reviendrai pas ici sur toutes les raisons pour lesquelles nous sommes opposés aux différentes mesures inscrites dans le projet de loi sur cette question.
L’article 25 concerne la mise en place du dossier médical en santé au travail, qui doit retracer les informations relatives à l’état de santé du travailleur, aux expositions auxquelles il a été soumis, ainsi que les avis et propositions du médecin du travail.
Aux termes de cet alinéa dont nous demandons la suppression, ce dossier médical ne prendra toutefois en compte que les « expositions intervenues à compter d’une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2012 ». Il n’aura pas par conséquent la mémoire du parcours professionnel des salariés. On peut même dire qu’il permet de tirer un trait sur leur passé.
Cette disposition est pour le moins choquante, car même si le salarié a subi des expositions dangereuses dans le passé et que celles-ci ont été reconnues, il n’en restera aucune trace. Elles seront même réputées ne pas avoir existé. On passe ainsi par pertes et profits toutes les expositions dangereuses intervenues avant la date fixée par décret. C’est inacceptable !
Même si, demain, les progrès de la science montrent le lien causal entre telle maladie et telle situation professionnelle, il n’y aura pas trace de cette dernière. Il sera alors très difficile de prendre en charge tous les salariés concernés.
Vous comprendrez dès lors notre total désaccord avec cet alinéa, dont nous vous demandons la suppression.
L'amendement n° 478, présenté par Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Godefroy, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer le mot :
intervenues
par les mots :
en cours ou prenant effet
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Avant de défendre très rapidement cet amendement, je tiens à dire à nos collègues de la majorité que j’ai trouvé tout à fait discourtois qu’ils aient empêché notre collègue et ami Pierre Mauroy de finir son exposé
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l ’ UMP
Pour ma part, je ne verrais aucun inconvénient à ce que M. Raffarin – il m’excusera de le citer alors qu’il n’est pas présent dans l’hémicycle –, ancien Premier ministre, dépasse d’une minute son temps de parole s’il souhaite nous faire part de sa position et de son opinion sur la façon dont la réforme est menée.
Nouvelles exclamations sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le rapporteur, messieurs les ministres, notre amendement a pour objet de remplacer, à l’alinéa 4 de l’article 33, le mot : « intervenues » par les mots : « en cours ou prenant effet ».
Compte tenu de ce qui est arrivé pour l’amiante et que nous avons rappelé cet après-midi, quand le dossier médical et la fiche individuelle relative aux expositions auront été créés, il faudrait faire en sorte qu’ils prennent en compte les expositions en cours, car nous ne savons pas de quoi demain sera fait. À l’avenir, dans dix ans peut-être, la durée d’exposition considérée comme nocive pour un produit donné pourra être fixée à un certain nombre d’années. Or, dans sa rédaction actuelle, l’alinéa ne permettra de prendre en compte les années d’exposition qu’à partir du 1er janvier 2012, privant ainsi certaines personnes exposées à des produits dangereux de la possibilité de faire valoir leurs droits en s’appuyant sur la durée d’exposition réelle.
Monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d’État, je vous demande que l’on substitue les termes « en cours ou prenant effet » au mot « intervenues ». Cela ne sera pas très compliqué pour le médecin du travail de vérifier, au sein de l’entreprise où il est, que des personnes ont été exposées à un certain nombre de risques pendant plusieurs années, avant 2012. Il s’agit, selon moi, d’une rédaction de bon sens.
Il est malheureusement impossible de reconstituer aujourd’hui – on le sait – les expositions à des risques professionnels. C’est d’ailleurs tout l’enjeu des articles 25 et suivants du projet de loi ! Il est donc nécessaire de fixer dès maintenant une date d’entrée en vigueur. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 1158.
L’amendement n° 478 a pour objet d’étendre le contenu du dossier médical aux expositions en cours ou prenant effet à compter d’une date fixée par décret. Cela pose, bien sûr, la question de la traçabilité de la vie professionnelle passée qui n’a malheureusement pas aujourd’hui de réponse pertinente. Par conséquent, la commission émet également un avis défavorable sur cet amendement.
Le Gouvernement fait le même constat que la commission et émet donc un avis défavorable sur chacun de ces deux amendements. En effet, nous avons bien conscience de la nécessité de mettre en œuvre la traçabilité du passé, c’est pourquoi il faut la mesurer.
Ce que viennent de nous dire M. le rapporteur et M. le secrétaire d’État est tout de même assez grave ! En effet, cela signifie que finalement l’article 25, qui concerne la pénibilité des travailleurs et a fait l’objet ici d’un débat important, ne s’appliquera qu’à partir d’une date fixée par décret, au plus tard au 1er janvier 2012. Du coup, ne seront prises en compte que les expositions intervenues après cette date.
Ainsi, les travailleurs d’aujourd’hui qui effectuent des travaux pénibles ne seront pas tous intégrés dans la catégorie de la pénibilité. Finalement, vous avez insisté pour définir cette notion alors que les travailleurs de 56 ans ou 57 ans qui exercent aujourd’hui dans la pénibilité devront travailler jusqu’à 62 ans, voire 67 ans, puisqu’il leur faudra prouver individuellement une certaine durée d’exposition à ces travaux pénibles.
Vous avez tout individualisé, mais là, bizarrement, vous collectivisez la date pour la prise en compte de la pénibilité. Je trouve que c’est quand même très grave pour la santé des travailleurs ! Monsieur le secrétaire d’État, là encore, quand vous nous dites que vous faites une réforme juste, prenant en compte leurs états de santé et que vous êtes attaché à la prévention dans les conditions de travail, vos actes ne correspondent pas à vos paroles !
Je suis désolée de vous dire qu’il s’agit véritablement d’une escroquerie envers les millions de travailleurs qui exercent aujourd’hui une profession dans des conditions de pénibilité avérée, mais que vous ne reconnaîtrez pas parce que la prise en compte de cette pénibilité sera effective le 1er janvier 2012, en tout cas à une date fixée par décret à cette date au plus tard. Ce n’est ni honnête, ni juste pour tous les salariés qui accomplissent des travaux pénibles.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
Monsieur le secrétaire d’État, je suis surpris de votre réponse. Cette après-midi, lorsque nous avons discuté de l’amiante, quand je vous ai parlé des travailleurs en sous-traitance et des difficultés qu’ils rencontrent pour reconstituer leurs parcours professionnels, j’ai obtenu le soutien de M. Longuet, président du groupe UMP. Effectivement, la difficulté principale est de reconstituer les carrières et d’expliquer pourquoi ces personnes ont droit, le cas échéant, à des mesures dérogatoires. Cette question peut se poser dans 10 ans ou 15 ans !
En faisant ce que vous faites là – prendre en compte les expositions à partir de 2012 –, vous effacez le passé du salarié ! S’agissant de l’amiante, pour le salarié qui souhaite partir en retraite prématurée, on prend en compte un tiers du temps de présence dans l’entreprise. Si un tel phénomène a lieu de nouveau pour un autre produit, avec votre disposition, les gens ne pourront pas faire valoir leurs droits faute de justifier un temps d’exposition, que vous aurez gommé ! Vous effacez le passé des salariés.
Franchement, je vous demande de réfléchir car il y a un problème sur ce point ! Personne ne peut comprendre que l’on fasse complètement abstraction du passé d’exposition des travailleurs à des produits nocifs ou dangereux quand on sait qu’ils auront besoin de ce justificatif, le cas échéant, pour faire valoir leurs droits dans 10 ans ou 15 ans !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur Godefroy, il n’y a pas matière, je crois, à parler des heures entières de sujets très simples. Nous avons des outils pour le passé et nous mettons un nouvel outil en place. Nous aurons donc la traçabilité sur la base de ce nouvel outil uniquement quand il aura été mis en place. Il y a donc ce qui relève du passé, avec les outils du passé, et un nouvel outil pour le futur ! Ce dernier ne pourra donner des informations que sur la base de la date de sa création. C’est aussi simple que cela !
Je pense que la réponse est tout à fait insatisfaisante. S’il y a bien, dans ce projet de loi, une grande injustice, c’est certainement celle de la pénibilité ! Nous savons que certains salariés ont une espérance de vie inférieure de 6 à 7 ans par rapport aux autres salariés parce qu’ils ont des travaux pénibles. Nous avons ces statistiques à notre disposition. Elles existent !
Pourquoi, aujourd’hui, dans un projet de loi que vous êtes si pressés de voir voté, ne pas prendre en compte cette question de la pénibilité ? Cela peut être interprété comme du mépris par rapport à celles et ceux qui travaillent très durs et qui sont exposés à des conditions de travail difficiles.
Si nous souhaitons avoir des statistiques plus précises, nous pouvons nous référer aux travaux de l’agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, l’ANACT, sur les conditions de travail, qui nous démontrent que les troubles musculo-squelettiques ou les maladies professionnelles touchent spécifiquement certaines professions. Dès lors, lorsque nous débattons d’un sujet aussi grave que les retraites qui touche des millions de personnes, comment se fait-il que nous bâclions un travail aussi important sur la question de la pénibilité ? C’est invraisemblable !
Comme le disait ma collègue Annie David tout à l’heure, pourquoi remettre ce travail à demain alors que c’est un chantier d’aujourd’hui et que la question de la pénibilité fait partie intégrante de la question des retraites ? Nous l’avons fait dans le passé sur la question des mineurs, pourquoi ne pas le faire aujourd’hui pour des professions qui sont exposées ? Votre réponse qui consiste à dire : « Écoutez, on va avoir des outils statistiques pour demain » est intolérable. Ce n’est pas sérieux de nous proposer une telle réponse!
Que font ces salariés qui aujourd’hui paient nos retraites, font les trois-huit ou travaillent dans des conditions déplorables ? Ils doivent attendre que l’on ait demain des statistiques au goût du jour alors même qu’ils savent qu’ils ont une espérance de vie plus faible que les autres ? Pourquoi ce rejet de problèmes si importants ?
Beaucoup de personnes – y compris parmi celles qui sont dans la rue aujourd’hui – qui ont ces travaux pénibles, ou qui ne les ont pas mais qui considèrent que les personnes concernées doivent avoir une retraite à 60 ans, pensent qu’ils doivent pouvoir en bénéficier parce qu’ils la méritent, parce qu’ils travaillent dur. Les carreleurs en sont un bon exemple : ils sont à genoux pendant des dizaines d’années et ils doivent ensuite se faire opérer. On le sait très bien, la médecine permet d’en témoigner !
Parlons de ces maçons, qui ont des problèmes de dos !
Murmures sur les travées de l ’ UMP.
Cela vous dérange que l’on parle des travailleurs ! Pourtant il y en a encore en France, ils n’ont pas tous été tués !
Parlons de ces personnes qui ont travaillé dans des fosses, sur des chaînes ou les bras en l’air pendant des années ! Écoutez bien chers collègues – c’est important ce dont on parle : il s’agit de millions de personnes qui ont été usées par le travail !
Vous ne pouvez pas leur demander de cotiser deux ans de plus et de partir deux années plus tard parce que, eux, ils ne peuvent physiquement pas le faire ! Vous n’avez pas le droit de remettre ce débat à demain. Écoutez, il y a des choses qui sont du domaine de la dignité
Exclamations sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
, on doit parfois se faire honneur, et lorsque vous reportez à demain un débat aussi grave que celui-là, vous vous déshonorez !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Protestations sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
J’ai vécu l’expérience dans mon département avec le groupe BSN, avec cette usine de Givors que j’ai déjà eu l’occasion d’évoquer et dans laquelle les maîtres verriers ont eu les plus grandes difficultés…
… à la suite de la suppression de cet établissement, pour faire valoir leurs droits, faire reconnaître leur pénibilité et leur état de santé. À l’heure actuelle, cette affaire se règle devant les tribunaux !
Nous savons comment cela se passe : les preuves deviennent de plus en plus difficiles à collecter du fait de la volonté des patrons de retenir l’information, sous prétexte de perte d’archives ou de changement de directeurs des ressources humaines. La réalité, c’est que ces travailleurs qui ont été menés et usés jusqu’à la corde ne peuvent absolument pas faire valoir leurs droits alors qu’ils sont touchés par des cancers. Nous avons déjà eu l’occasion, d’ailleurs, de les accueillir ici au Sénat pour faire valoir leurs droits lorsqu’il y avait eu des débats sur l’amiante.
Je crois qu’en réalité vous ne connaissez pas le monde du travail !
Protestations sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
(Mêmes mouvements.) pour des gens qui ont donné leur vie dans le travail, et, à l’heure actuelle, vous voulez les faire travailler encore deux ans de plus !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
Monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d’État, il y a quand même quelque chose qui n’est pas clair du tout dans ce que vous nous dites, à savoir que c’est un outil nouveau donc qu’il ne peut entrer en vigueur qu’à partir du moment où l’on décide de l’utiliser.
Vous allez créer ainsi une injustice flagrante et qui, en tout cas, me paraît peu acceptable pour les parlementaires que nous sommes. En effet, il pourra y avoir le cas – et il y en aura certainement beaucoup ! – de quelqu’un qui a été exposé pendant vingt ans à des produits toxiques, à une pénibilité musculaire ou à toute autre difficulté pouvant être rencontrée dans l’éventail des travaux pénibles, et qui, ayant changé de métier – peut-être parce que cette personne a été licenciée – se trouvera, au moment où vous mettrez en application votre loi avec votre nouvel outil, dans un emploi où elle n’est pas spécialement exposée.
Il n’empêche que cette personne, qui a passé vingt ans dans un métier à faire des travaux pénibles, devrait avoir la possibilité de faire suivre son dossier d’une façon ou d’une autre pour qu’elle puisse prouver – puisqu’il faudra le prouver de façon individuelle, à un moment donné – qu’elle a été exposée pendant la majeure partie de son temps de travail et qu’elle peut donc avoir des séquelles dues précisément à cet emploi.
Dès lors, vous créez deux catégories : d’une part, ceux qui sont dans le même travail et pour lesquels la reconnaissance de leurs conditions de travail pourra avoir lieu, et, d’autre part, ceux qui ont changé de travail – parfois par obligation puisqu’ils ont été licenciés – et à qui l’on dira qu’ils ne sont pas exposés car ils n’ont pas de travail pénible.
Comment pourront-t-ils faire reconnaître le fait que, pendant les dix ou vingt années précédentes, ils ont été exposés à la pénibilité du travail ? Comment les faire bénéficier de leurs droits au moment de la retraite ? Il n’est pas possible de faire des textes qui vont créer ainsi des injustices criantes entre deux catégories de personnes qui sont pourtant dans des situations identiques.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
Monsieur le secrétaire d’État, si j’ai bien compris votre réponse tout à l’heure, la pénibilité sera prise en compte par les documents prévus à l’article 25, c’est-à-dire le dossier médical en santé au travail et la fiche individuelle d’exposition aux risques professionnels.
Mais vous nous avez dit également, me semble-t-il, que les pénibilités antérieures sont prises en compte par d’autres documents. Cela me paraît très important car nous discuterons encore de la pénibilité lors de l’examen des articles additionnels après l’article 27 ter et, après les interventions des uns et des autres montrant que c’est un sujet essentiel, je souhaite que nous ayons une attitude semblable à celle que nous avons eue pour l’amiante.
On ne peut pas, me semble-t-il, faire abstraction de cette pénibilité que tout le monde a à affronter, soit lui-même, soit à travers ses voisins, sa famille. Ce serait une injustice flagrante de ne pas la prendre en compte.
C’est assez compliqué, il est vrai, et cela peut coûter cher, mais c’est une question de solidarité qu’il nous faudra aborder un peu plus tard.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Je mets aux voix l'amendement n° 1158.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Exclamations sur les travées de l ’ UMP.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 76 :
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur l'amendement n° 478.
Mes chers collègues de la majorité, cet après-midi, j’y insiste, M. Gérard Longuet, le président du groupe UMP, a dit que nous étions tous d’accord sur le fait qu’il était très compliqué de reconstituer les carrières, notamment chez les sous-traitants.
Vous êtes en train de nous dire, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, que la France va être la première à reconnaître la pénibilité – nous ne partageons pas tout à fait ce sentiment – et, en même temps, dans ce petit alinéa 4 de l’article 33, vous faites en sorte que la pénibilité actuelle et passée des salariés ne soit pas reconnue.
La reconnaissance de la pénibilité commence au mois de janvier 2012. Or, dans la mesure où des problèmes de santé – comme pour l’amiante – se poseront dans une dizaine d’années et qu’il faudra reconstituer les carrières, les personnes ne pourront pas faire valoir leurs droits parce que vous aurez effacé leur passé.
Or aujourd’hui dans les entreprises, à partir du moment où ce carnet de santé, cette fiche d’exposition surtout seront en vigueur, il sera tout à fait possible pour le médecin du travail de l’entreprise ou le médecin du service interprofessionnel de santé au travail d’inscrire dans le dossier d’exposition les travailleurs exerçant des métiers pénibles, portant des charges lourdes, exposés à des produits chimiques, travailleurs que l’on connaît déjà depuis dix ou quinze ans. Ce n’est pas compliqué, cela ne coûtera pas cher : le médecin du travail constate que les travailleurs qu’il suit ont bien été exposés à ces problèmes depuis dix ans. Et vous l’effacez d’un coup !
Mais si, parce que chacun a bien reconnu aujourd’hui qu’il n’y avait actuellement aucun document de traçabilité !
S’agissant de problèmes qui se poseront dans dix ou quinze ans, vous pénalisez des personnes qui ne pourront pas faire valoir leurs droits parce que vous aurez décidé que cette disposition s’appliquera à partir de 2012.
C’est une erreur de société, une injustice vis-à-vis des salariés. Il n’est pas compliqué de dire – c’est le but de notre amendement – que l’on tient compte des expositions en cours ! C’est la moindre des choses pour ceux qui aujourd’hui effectuent des travaux pénibles. Ce n’est tout de même pas la mer à boire !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Je mets aux voix l'amendement n° 478.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Exclamations sur les travées de l ’ UMP.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 77 :
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote sur l'article.
Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous ne voulez pas nous entendre, mais nous vous rappellerons jusqu’au bout que cette réforme est injuste et inefficace. Alors, ne comptez pas sur nous pour voter un article qui fixe les conditions d’entrée en vigueur de mesures que nous rejetons en bloc !
Nous voterons résolument contre cet article, parce que finalement – il faut le dire et le redire – vous proposez aux Français une vie de galère dominée par les théologiens du marché du grand casino mondial !
Exclamations sur les travées de l ’ UMP.
Oui, nous voterons contre, parce que vous avez encore eu l’inélégance d’en rajouter pendant l’intervention de Pierre Mauroy. §Après que M. le Premier ministre eut dit qu’il était nostalgique, vous n’avez pas été capables de respecter sa parole. Et sa parole, c’est celle de l’expérience !
Il vous met en garde contre une politique de discorde et de division.
Pierre Mauroy, ni passéiste ni nostalgique – simplement juste ! – avait envie de changer la vie des ouvriers qu’il connaissait ; il voulait leur donner un espoir de vie. Nous sommes ses héritiers parce que nous ne renonçons pas à changer la vie, dans le plus beau sens du terme. À nos yeux, la politique signifie prendre sur soi le destin d’autrui !
Vous, vous voulez, au nom d’une droite décomplexée, casser les tabous, faire preuve de modernisme, d’anticipation, de vision d’avenir. Au nom de ce jeu de massacre, vous supprimez, comme Pierre Mauroy l’a rappelé, un acquis social majeur, …
…. la retraite à 60 ans, en la repoussant à 62 ans et, par effet mécanique, à 67 ans, sans même vous poser la question de ce que cela implique comme souffrances supplémentaires pour nos concitoyens.
En conséquence, nous voterons contre l’article 33, qui fixe les conditions d’entrée en vigueur de plusieurs dispositions de ce projet de loi que nous jugeons iniques.
L’article 33 figurant sous le titre VI intitulé « Dispositions finales » fixe les dates d’entrée en vigueur de certains articles.
Nous avons eu un débat très intéressant sur la pénibilité. Mais je constate que, dès qu’il s’agit d’un droit pour les travailleurs, le dossier médical en santé au travail, celui-ci est rabaissé, rogné, avant même que le projet de loi ne soit voté. On ne pourra donc pas véritablement prendre en compte l’ensemble des travailleurs concernés.
Quant à l’alinéa 6 de l’article 33, il prévoit que l’article 30 est applicable aux indemnités journalières d’assurance maternité versées dans le cadre des congés de maternité débutant à compter du 1er janvier 2012. J’en ai parlé au moment du débat sur l’égalité professionnelle, de nombreuses femmes revendiquaient ce droit, celui de tenir compte des indemnités journalières versées dans le cadre d’un congé de maternité pour le calcul de la pension de retraite.
Certes, nous avons obtenu ce droit, qui était très attendu, mais de manière tout à fait discriminante, puisqu’il n’a absolument pas d’effet rétroactif. De plus, cette disposition ne s’appliquera qu’à partir du 1er janvier 2012. Toutes les mamans ne bénéficieront donc pas dès aujourd'hui de cette nouvelle mesure. Cela vous fait sourire, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mais je constate que le droit des travailleurs, en l’espèce celui des femmes, est, une fois encore, bafoué.
En revanche, l’alinéa 8 relatif à l’article 32 ter dont nous avons longuement débattu cet après-midi et qui concerne le transfert automatique d’une partie de la participation dans le PERCO, en cas de non-demande du salarié de bénéficier de tout ou partie des sommes qui lui sont attribuées au titre de sa participation, …
… s’appliquera dès la promulgation de cette loi. Il faut dire que cette disposition vous intéressait beaucoup !
… et l’ensemble des cabinets de placement vous remercient, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État. Cette disposition, qui rapportera sans doute beaucoup d’argent, …
… prendra effet dès la promulgation de la loi.
Mais les femmes, elles, ma foi, …
C’est déjà bien que l’on prenne en compte le congé maternité ! Mais ce sera dans pas mal d’années. Cette mesure ne vous coûtera rien tout de suite.
Quant aux droits des travailleurs et à la reconnaissance de la pénibilité, je n’en parle même pas !
Pour ce qui concerne l’alinéa 1 de l’article 33 relatif à l’article 3, c'est-à-dire le droit à l’information des assurés, il faudra là aussi attendre le 1er janvier 2012 pour qu’il entre en vigueur. Pourtant, il était souhaitable que les assurés puissent avoir, de manière régulière, une information sur leurs droits à retraite et un entretien personnalisé à partir de l’âge de 45 ans. Mais là encore, il faudra attendre pour que ce dispositif entre en application.
Vous le voyez bien, vous nous parlez de réforme juste et équitable. Mais, une fois encore, preuve est faite que vous prenez votre temps pour rendre applicables les mesures tendant à donner de nouveaux droits aux salariés, alors que vous vous empressez de les rendre applicables dès lors qu’il s’agit d’engraisser encore un peu plus le capital !
C’est pourquoi nous ne voterons pas cet article 33, qui comprend, comme l’a souligné notre collègue Bariza Khiari, des dispositions finales parfaitement iniques.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
Demandez-vous pourquoi le peuple rejette votre réforme ! Posez-vous cette question ! Vous avez la réponse !
C’est un fait, les Français rejettent majoritairement votre texte.
Votre conception du dialogue et de la concertation n’est pas la leur. Votre conception de l’équité les inquiète et, quant à celle que vous avez de la justice, ils la réprouvent.
Comment pourrait-il en être autrement quand vous faites peser sur les épaules des salariés plus de 90 % des efforts demandés et que vous épargnez les revenus du patrimoine ?
Vous parlez de la sauvegarde de notre régime par répartition, mais vous multipliez les dispositions qui vont dans le sens contraire. Votre réforme va entraîner une diminution du niveau de pension de nos concitoyens, au moins de certains de nos concitoyens. À terme, ce sont plusieurs centaines d’euros qui manqueront, chaque année, à ceux qui perçoivent un salaire modeste. Vous me direz que ce n’est pas beaucoup ! Mais c’est énorme pour les personnes qui ont des retraites modestes, et, dans ce pays, elles sont des millions !
La situation que vous créez pour ceux qui sont privés d’emploi en fin de carrière est pire. Quel sort leur réservez-vous ? L’allongement de la période de précarité !
Quant à ceux qui ont des carrières hachées, aux jeunes qui éprouvent tant de difficultés à intégrer le monde de l’emploi, aux seniors qui se désespèrent de ne pouvoir mettre à disposition leurs acquis professionnels et leur expérience, ils ont été les grands absents de ce texte !
Il ne suffit pas de légiférer pour imposer le travail jusqu’à 62 ans, encore faut-il regarder la réalité de nos concitoyens en face et réorienter votre politique défaillante.
La réalité renvoie aussi à votre bilan et à sa mise en perspective. Nous l’avons dit, la crise ne peut servir d’unique prétexte à votre texte. Les comptes sociaux étaient dans une situation déficitaire bien avant la crise.
Vous ne pouvez pas non plus avancer la démographie comme argument, car rien n’a changé dans notre pays depuis 2003, notamment le taux de natalité.
En fait, vous devriez faire face au bilan de votre gestion caractérisée notamment par les 30 milliards d’exonérations de cotisations sociales annuelles, la multiplication du nombre des niches fiscales pour les personnes aisées, l’explosion du chômage et de la précarité, alliée à la perte de pouvoir d’achat, pour l’immense majorité.
Mais, comme vous n’assumez pas cette situation et que vous êtes contraints par les agences de notation, comme par votre déplorable logique comptable, vous exigez des Français qu’ils le fassent. C’est tout simplement détestable et très injuste !
Non contents de ce choix, vous imposez également au pays des mesures paramétriques qui dégraderont encore la situation. Non seulement vous effectuez un hold-up sur le Fonds de réserve pour les retraites, mais, en plus, vous allez faire porter le poids de votre texte sur l’UNEDIC. À charge pour les partenaires sociaux de trouver des solutions pour financer le coût occasionné par celles et ceux que mettez sciemment en situation de précarité dès 60 ans, et souvent, malheureusement, bien avant.
Enfin, comment ne pas parler de votre propension à créer toujours plus de dettes ? Tel est bien le but de l’allongement de la durée de vie de la CADES, la Caisse d’amortissement de la dette sociale, et la commission mixte paritaire saisie de ce projet de loi organique s’est d’ailleurs réunie dans la journée. À charge pour les Français, notamment les générations à venir, de trouver des solutions ! Pour le moment, il semble que vous vous en laviez les mains, mais les fonds de pension seront là pour quelques-uns.
Face à cet incroyable montage financier, nous vous opposons la sanctuarisation du FRR, une répartition de l’effort mettant à contribution, de manière équitable, les revenus du patrimoine et ceux du travail. Nous voulons majorer les prélèvements sociaux sur les bonus et les stock-options, relever le « forfait social » appliqué à l’intéressement et à la participation, remettre en cause la défiscalisation des plus-values sur les cessions de filiales. Bref, nous voulons inscrire la justice fiscale et sociale là où vous instaurez l’iniquité et l’injustice.
Je n’ai pas terminé !
Votre projet de loi dégrade la vie de nos concitoyens. Non seulement le montant général des pensions servies va baisser, mais, en plus, vous pénalisez les plus faibles, bref toujours les mêmes.
Ne vous êtes-vous pas rendu compte que notre économie est terriblement marquée par l’inégalité salariale ? On pourrait être porté à le croire, tellement vous pénalisez les femmes de notre pays, celles qui ont les salaires les plus faibles, les emplois à temps partiel imposé. Faire œuvre de justice sociale aurait consisté à remédier à cette situation, et c’est ce que nous vous avons proposé.
Avec deux amendements, vous avez voulu nous faire croire que vous endossiez le costume de Robin des bois ! Ce rôle ne vous sied pas, …
… vous le jouez d’ailleurs à l’envers, si je puis dire : vous pillez les pauvres et les modestes pour donner aux plus aisés !
Arrêtez ! Votre temps de parole est épuisé !
Chacun le sait, votre réforme est injuste, brutale et inefficace. Elle appelle d’autres réformes.
Pour notre part, nous entendons répondre au besoin de justice sociale de nos concitoyens.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
L’article 33 vise à fixer les dates d’application des dispositions prévues dans ce projet de loi, mais j’attire l’attention de ceux qui n’en seraient pas pleinement conscients sur le fait que les mesures d’âge prendront effet à compter du 1er juillet 2011.
De façon récurrente, vous n’avez cessé de vous référer, monsieur le ministre, mes chers collègues – même si vous le faites moins ! – aux exemples étrangers, voulant démontrer par là même que l’opposition ne regarde pas ce qui se fait ailleurs et vit dans un vase clos.
Permettez-moi, à mon tour, de revenir sur ces exemples.
Vous avez cité l’Allemagne et la Suède notamment.
Pour comprendre ce qui se passe en ce moment dans notre pays, l’ampleur du choc que représentent votre réforme et les raisons pour lesquelles vous avez perdu la bataille de l’opinion, remémorons-nous quelques dates et les temps forts de la réforme.
En février, le Gouvernement annonçait qu’il allait faire une réforme, sans plus, n’ayant pas arrêté ses choix. Il faut dire que le Président de la République s’était engagé devant le pays, comme candidat, à ne pas toucher à l’âge légal de la retraite, et il l’avait répété après son élection.
Nos concitoyens en étaient donc restés là.
Ensuite, les syndicats l’ont dit, il n’y a eu aucune négociation réelle.
Mais non, ce sont ces mêmes syndicats qui ont reconnu que des négociations avaient bien eu lieu avec des gouvernements de droite, notamment sur la loi Fillon en 2003. Or là, ils disent : rien de tel !
Le Gouvernement a mis sur la table ses propositions dans les mois suivants.
Et en juin, nos concitoyens ont enfin appris que l’âge légal de la retraite allait passer de 60 ans à 62 ans et celui de la retraite à taux plein de 62 ans à 67 ans.
Ensuite, est venue la période estivale durant laquelle partent en vacances ceux qui le peuvent ! D’ailleurs, beaucoup de Français n’ont pu partir cet été à cause de la crise ; un sur deux d’après les estimations. Et à la rentrée, en septembre, six mois à peine après, dont deux mois de vacances, a été présenté dare-dare un texte à l’Assemblée nationale.
Mais, mes chers collègues, ce processus a duré dix ans en Suède !
Oui, mais avec une opposition constructive, qui a le sens des responsabilités !
Et, durant ces dix ans, le gouvernement a négocié avec les syndicats.
Par ailleurs, vous avez cité l’exemple de l’Allemagne.
La durée de cotisation n’a rien à voir puisqu’elle est en moyenne de trente-cinq ans.
Avec une décote !
Mais ce que vous ne dites pas, c’est que le dispositif s’appliquera en 2027 ! Mes chers collègues, 2027, ce n’est pas le 1er juillet 2011 !
Cette brutalité d’application s’ajoute à la brutalité de l’injustice de votre réforme, et ce cocktail-là fait que la majorité des Français n’acceptent ni l’injustice, ni votre façon de gouverner, qui devient insupportable ! C’est pour cela que vous avez perdu la bataille de l’opinion !
Protestations sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
M. David Assouline. Nous ne pouvons donc que nous opposer à cet article instaurant des délais d’application d’une brutalité extrême, véritable concentré de votre méthode et de votre réforme !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
… mais ce n’est pas encore fait ! Nous, nous ferons en sorte que les Français comprennent.
M. Balladur, en 1993, a eu, quant à lui, le courage d’informer les Français sur la réalité de la situation ; M. Juppé, en 1995, l’a fait lui aussi ; je l’ai fait moi-même, en 2003, avec l’accord de la CFDT. Il y a longtemps que les Français sont informés !
Nous voyons bien la situation : il y a de plus en plus de cotisants…
Mme Nicole Bricq. Mais non, c’est le contraire ! Il y en a de moins en moins !
Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
… mais ils n’arrivent pas à financer parce qu’il y a encore plus de retraités ! C’est parce qu’il y a plus de retraités que de cotisants qu’il faut faire ces réformes !
Nous avons informé les Français avec Alain Juppé, nous avons informé les Français avec Édouard Balladur, nous avons informé les Français avec François Fillon : aujourd’hui, les Français connaissent la réalité ! Alors, vous pouvez essayer de nous faire perdre du temps ici, en espérant que la rue le rattrapera ; mais la démocratie, elle est ici !
M. le rapporteur applaudit.
Nous sommes fiers, dans la majorité, d’être rassemblés aujourd’hui pour dire la vérité aux Français. Or la vérité, c’est que sans travail, il n’y a pas d’avenir, que sans efforts, il n’y a pas de progrès et qu’aujourd’hui, nous devons nous rassembler pour l’avenir du pays, et certainement pas le diviser.
J’ai écouté M. Mauroy tout à l’heure. Je comprends ce qu’il peut penser, lui qui fut à l’origine, à un moment différent de notre histoire, de ce qui était, pour lui, un acte historique ; mais, depuis ce temps-là, nous avons tous mesuré que la France n’avait pas d’avenir sans effort des Français !
Vifs applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste. – De nombreux sénateurs de l’UMP se lèvent pour applaudir.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le Premier ministre, avec tout le respect que nous vous devons et que je vous dois, ce que nous vous reprochons, ce n’est pas ce que vous dites, mais ce que vous ne dites pas aux Français !
Sourires ironiques sur les travées de l ’ UMP.
Ce que vous ne dites pas, c’est que la situation dans laquelle nous sommes – et serons encore demain – est le produit d’une politique qui fait fi des problèmes de l’emploi ! Vous pourrez faire toutes les réformes que vous voulez, si vous ne réformez pas votre politique économique, nous allons dans le mur, et nous y resterons !
Vives protestations sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Alors, mettez tout sur la table ! Parlez-nous d’une politique économique qui nous permettra de faire face à l’avenir !
Parlez-nous d’une politique fiscale qui nous permettra d’équilibrer vraiment les régimes et de ne pas faire peser le financement seulement sur les cotisations ! Parlez-nous de tout cela, mettez tout cela sur la table ! Alors, effectivement, nous pourrons discuter.
Mais vous ne nous parlez que de l’allongement de la durée de cotisation. Or vous savez très bien que ceux que vous voulez garder au travail ne pourront pas travailler. Oui, vous le savez très bien ! Finalement, ce que vous visez, bien que vous prétendiez le contraire, ce n’est pas l’allongement de la durée effective du travail – parce que cela ne sera pas possible sans changement de politique – mais bien une réduction du niveau des pensions qui seront effectivement perçues !
M. Pierre-Yves Collombat. Encore une fois, une politique des retraites qui ne tient pas compte de la politique économique, c’est du vent !
Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le Premier ministre, nous sommes un peu surpris par la tonicité – je dirais même, l’agressivité – de votre intervention
Protestations sur les travées de l ’ UMP et de l’Union centriste.
Nous avons bien compris que votre discours était exclusivement à usage interne, qu’il s’agissait de galvaniser les troupes qui, en fin de discussion, expriment par leur passivité à la fois leur lassitude et le peu de crédibilité qu’elles accordent aux propositions faites par le Gouvernement.
Mêmes mouvements.
Il faut dire que la répétition sans fin de vos interventions engendre plutôt l’ennui et n’incite pas à la présence.
Si vous voulez remonter le temps, monsieur le Premier ministre, alors il faut dire quelle était la situation de l’emploi il y a dix ans ! Ce qui n’a pas été assez dit ici, en tout cas pas assez fort, c’est que, quand il y a des problèmes sur les retraites, c’est par manque de cotisants ; et quand on manque de cotisants, c’est le signe flagrant que le chômage progresse !
Vous ne pourrez pas, même pas vous, vous exonérer de vos responsabilités en la matière !
Votre propos témoignait d’ailleurs de votre absence tout au long de ce débat, parce que, si vous aviez été présent dans les rangs de votre majorité, vous vous seriez rendu compte que ni les socialistes ni la gauche n’ont nié la nécessité de mettre en place une réforme des retraites.
Nouvelles protestations sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Simplement, nous avions la prétention de penser qu’on pouvait dépasser assez facilement les critères démographiques et statistiques pour inscrire le travail du Sénat dans une réforme à portée sociétale, qui puisse tenir compte de cette constatation-là, mais aussi des principes fondamentaux du CNR dont, par ailleurs, certains d’entre vous ont revendiqué la paternité avec un peu trop de facilité.
En fin de parcours, venir de la sorte nous donner des leçons, c’est un peu juste. En tout état de cause, la démonstration a été faite dans les rangs de la gauche que les arguments que nous avons essayé d’établir par rapport à la pénibilité, au report à 62 ans de l’âge légal de départ à la retraite et au report à 67 ans de l’âge du départ à taux plein, auraient pu trouver un commencement de début de résolution s’il y avait eu la volonté politique d’avoir un débat, que vous revendiquez aujourd’hui, mais que votre majorité n’a jamais consenti à instaurer dans les rangs du Sénat !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le Premier ministre, nous sommes très honorés de votre présence dans ce débat…
Rires.
Merci, je n’en doutais pas ! Mais permettez-moi cependant de vous dire, avec tout le respect que je vous dois, comme tout le monde…
Nouveaux sourires.
… permettez-moi donc de vous dire que ce que nos concitoyens ne supportent pas, ne supportent plus en tout cas, c’est que vous demandiez toujours aux mêmes, et à eux exclusivement, les efforts dont vous parlez ; je veux parler des salariés les plus modestes.
Alors qu’à l’inverse, pour les bénéficiaires de niches fiscales, de stock-options, de retraites chapeaux, de bouclier fiscal, …
… pour ceux-là, pas d’efforts ! Au contraire, que des privilèges, que des sourires, que des avantages !
Ce n’est pas cela, demander un effort au pays ! L’effort, nos concitoyens savent quand il faut le faire ; mais ils le font quand il est juste et quand, en plus, ils considèrent que ce sera pour le bénéfice de tous. Or, ce n’est pas le cas ! La réforme des retraites proposée par le Gouvernement sera supportée exclusivement par les salariés.
Et que fera-t-on en 2018, comme le régime sera encore en déficit ? On leur imposera un changement de régime de retraite et la retraite par capitalisation.
Protestations sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Voilà ce qui est visé ! Et cela, vous n’avez même pas le courage de le dire !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Madame la présidente, je serai relativement bref car l’heure commence à devenir tardive.
Je me réjouis des propos que nous venons d’entendre dans la bouche du Premier ministre Raffarin, qui, à la fin de son intervention, a essayé de démontrer que Pierre Mauroy était l’homme du passé
Protestations sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
M. Jean-Pierre Caffet. Je ne vous dirai pas, monsieur Raffarin, que vous êtes l’homme du passif !
Exclamations indignées sur les mêmes travées.
M. Jean-Pierre Caffet. Eh oui, monsieur Raffarin ! Souvenez-vous de l’homme du passif !
Mêmes mouvements.
À l’heure actuelle, c’est ce débat que nous avons !
Et savez-vous pourquoi, monsieur Raffarin ? Parce que quand vous nous dites qu’il n’y a pas de progrès social sans effort des Français, je vous réponds, monsieur le Premier ministre, que c’est toujours les mêmes qui passent à la caisse depuis des années !
Ça suffit ! sur les travées de l’UMP.
M. Jean-Pierre Caffet. Mais oui, je suis calme ! Ne vous inquiétez pas, monsieur Tron ! Je sais me maîtriser, contrairement à certains !
Rires ironiques sur les travées de l ’ UMP.
C’est toujours les mêmes qui passent à la caisse, monsieur Raffarin !Vous le savez aussi bien que moi : cette réforme des retraites est financée à 85 %, sinon plus, par les salariés ! C’est toujours aux mêmes que vous demandez des efforts !
Monsieur Raffarin, je vous ai connu, sur ces bancs, beaucoup plus attentif aux propos que nous tenions…
M. Jean-Pierre Caffet. … oui, je me souviens très bien de débats où je vous ai senti beaucoup plus attentif à certains de nos arguments ! Et je suis extrêmement surpris ce soir de vous voir épouser une réforme qui est, en vérité, le symbole de l’injustice.
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Permettez-moi un mot, en cette fin de débat sur l’article 33.
Tout à l’heure, monsieur Assouline, je vous ai entendu indiquer un certain nombre de choses. Vous disiez : « Vous êtes allés trop vite, vous n’avez pas consulté, vous n’avez pas concerté, vous n’avez pas négocié… » Bref, vous nous accusiez de passer en force. Voilà ce que vous dites depuis je ne sais pas combien de dizaines d’heures, et vous vous répétez beaucoup !
Or, la réalité est tout autre. Premièrement, je tiens à rappeler que cette majorité a déjà réalisé un certain nombre de réformes des retraites. Nous avons fait celle de 1993 ; celle de Jean-Pierre Raffarin, en 2003 ; nous avons fait la réforme de 2007, celle des régimes spéciaux ; et nous faisons aujourd’hui une autre réforme.
M. Éric Woerth, ministre. Évidemment, en matière de réforme des retraites, votre expérience est nettement plus limitée, c’est le moins qu’on puisse dire !
Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.
Deuxièmement, en ce qui concerne cette réforme, ce n’est pas du tout comme vous dites, monsieur Assouline ; il ne s’agit pas d’une réforme que nous aurions élaborée dans notre coin, sans jamais interroger qui que ce soit !
Mêmes mouvements.
M. Éric Woerth, ministre. Chaque fois que vous parlez et que quelqu’un à droite intervient, ne serait-ce que pour dire un mot, vous montez sur vos grands chevaux et commencez à dire : « Mon Dieu, comment pouvez-vous agir ainsi ? ». Alors, laissez-moi parler !
Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Oui, vous montez sur vos grands chevaux ! J’ai dit ce que j’ai dit ! Vous passez votre temps à nous interrompre et à nous agresser ! Alors, cessez ce comportement ! Si vous n’acceptez pas la contestation, c’est que vous n’acceptez pas, au fond, le débat démocratique ! Laissez-nous donc parler ; vous parlez 80 % du temps dans cet hémicycle ! §Laissez nous dire ce que nous avons à dire !
Justement, je voulais dire que nous avons publié, au cours du mois de mai, un document d’orientation construit après des centaines d’heures de réunions et de discussions avec les uns et les autres, notamment les partenaires sociaux. Puis, ce document d’orientation a été versé au débat, qui a eu lieu pendant encore un mois entier, à nouveau avec les partenaires sociaux. Ce débat, comme le document, a été public.
Ensuite, nous avons arrêté un projet de texte, qui a été à nouveau discuté. Puis, fin juillet, nous sommes passés en commission : d’abord à l’Assemblée nationale, pendant des jours et des nuits, puis ici. Alors, ne me dites pas que ce texte n’aurait pas été discuté ! Il a été discuté comme rarement un texte concernant les retraites l’aura été.
Enfin, en ce qui concerne les régimes de retraite à l’étranger, je dois vous le dire franchement : vous ne retenez que ce que vous avez envie de retenir ! L’Allemagne, ce n’est pas 35 ans de cotisation, mais 35 ans de cotisation quand on a 63 ans, monsieur Assouline !
Pourquoi ne dites-vous pas la vérité ? Pourquoi la tronquez-vous chaque fois ?
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
En ce qui concerne la Suède, pourquoi oubliez-vous toujours de dire que les Suédois baissent les pensions de retraites de leurs concitoyens ? Les Suédois verront leurs pensions de retraite diminuer de 3 % cette année, et probablement d’autant l’année prochaine. Alors, dites la vérité !
Vous seriez incapables d’assumer un instant les réformes qui sont faites dans les pays que vous citez toujours en exemple. Jamais vous n’accepteriez même de les voter ! Alors, s’il vous plaît, un peu de sérénité !
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Enfin, dernier point, vous avez gagné une bataille, monsieur Assouline, celle de la démagogie et de l’irresponsabilité !
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.
M. Martial Bourquin. Monsieur le ministre, vous avez énoncé votre vérité et, bien évidemment, vous la partagez ! Mais il en existe une autre : cette réforme est profondément injuste.
Exclamations sur les travées de l ’ UMP.
Nous voulons une réforme des retraites et, nous, la justice ne nous dérange pas. Au contraire, nous l’aimons !
M. Martial Bourquin. On ne peut pas demander des années de cotisations à des personnes qui ont 1 000 euros de retraite par mois et, en même temps, redonner des chèques de 360 000 euros à 11 000 contribuables. Ce n’est pas possible !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Pour nous, le problème n’est pas de faire une réforme des retraites, mais plutôt de savoir quel genre de réforme.
Celle-ci est viciée à la base, car elle est injuste ! Elle repose uniquement sur les salaires, alors que nous voulons taxer davantage le capital, les banques, les stock-options et les retraites chapeaux. Si un geste important avait été fait dans ce sens, il aurait été possible d’avoir une véritable négociation, et donc une vraie réforme des retraites. Voilà où est le problème !
Ne dites pas que nous ne voulons pas de réforme des retraites, car nous en voulons une. Mais nous la voulons juste ; or celle-ci est profondément injuste.
Je me pose une question, monsieur le ministre. Que cherche le Gouvernement ? À quoi joue-t-il ?
Que cherchez-vous en voulant passer en force quand des millions de personnes sont dans la rue et que près des deux tiers de la population rejettent ce projet de réforme, y compris votre électorat ?
Vous êtes en train de bloquer la France !
M. Martial Bourquin. Nous, nous voulons sortir de ce débat sur les retraites avec un vrai projet. C’est la raison pour laquelle Jean-Pierre Bel vous a demandé, avec les présidents des groupes RDSE et CRC-SPG, de lever la séance
Non ! sur les travées de l ’ UMP.
Tout à l’heure, nous parlions de la pénibilité. Comment oser, sur une question aussi grave que celle-là, remettre les décisions à plus tard ? Ce n’est pas possible de faire des choses pareilles !
Vous l’avez fait, vous nous le proposez et vous vouliez même faire adopter cette réforme à toute vitesse ! Maintenant, vous vous plaignez, car nous avons aujourd’hui un vrai débat parlementaire !
M. Martial Bourquin. Je vous le dis franchement, chers collègues, pour débloquer la situation, le bon sens, c’est d’arrêter le débat parlementaire
Non ! sur les travées de l ’ UMP.
... et d’élaborer une réforme juste et équilibrée, ce qu’elle n’est pas aujourd’hui.
Le projet de loi que vous nous proposez est profondément injuste, et vous le savez. Savez-vous ce qui va nous être proposé dans peu de temps ? C’est de retirer la résidence principale de l’impôt sur la fortune. Pour tout ce qui avantage les plus aisés de notre société, vous êtes à l’écoute. En revanche, pour le peuple, vous êtes d’une surdité totale ! Ce n’est plus possible, car vous êtes en train de bloquer définitivement la démocratie.
Mais un jour ou l’autre – Pierre Mauroy vous le disait tout à l’heure –, cela se paiera très cher ! Il est des victoires qui sont acquises ici avec des majorités, mais c’est le peuple qui tranche ensuite par le suffrage universel !
Exclamations sur les travées de l ’ UMP.
Je peux vous assurer que cela se paie très cher !
Monsieur le secrétaire d'État, vous pouvez sourire ! Cela ne changera rien à cette réalité.
Vous êtes condamnés aujourd’hui !
Exclamations sur les travées de l ’ UMP.
M. Martial Bourquin. Vous allez laisser votre nom à un projet de réforme sinistre, funeste. Demain, vous le payerez cher avec le suffrage universel !
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDS. – Protestations sur les travées de l ’ UMP.
Je mets aux voix l'article 33, modifié.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Mme la présidente. Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.
M. Guy Fischer a demandé la parole !
Le scrutin est ouvert. (Vives protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au comptage des votes.
Voici le résultat du scrutin n° 78 :
Nombre de votants338Nombre de suffrages exprimés336Majorité absolue des suffrages exprimés169Pour l’adoption183Contre 153Le Sénat a adopté.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
M. Gérard Larcher remplace Mme Monique Papon au fauteuil de la présidence.
Mes chers collègues, nous en sommes parvenus aux articles additionnels après l’article 3 octies, qui avaient été précédemment réservés et qui ont fait l’objet d’une demande de priorité.
Je suis saisi de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’étais rapporteur lors de l’examen de la réforme des retraites de 2003, comme je le suis aujourd’hui pour le projet de loi que nous examinons.
Je souhaite que soit examiné par priorité l’amendement n° 1220, qui est certainement le plus important de ceux que j’ai été appelé à défendre.
La commission demande que soit examiné par priorité l'amendement n° 1220.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande ?
La priorité est de droit.
J’appelle donc, par priorité, l'amendement n° 1220, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, et ainsi libellé :
Après l'article 3 octies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - À compter du premier semestre 2014, le Comité de pilotage des régimes de retraite organise une réflexion nationale sur les objectifs et les caractéristiques d'une réforme systémique de la prise en charge collective du risque vieillesse.
Parmi les thèmes de cette réflexion, figurent :
1° Les conditions d'une plus grande équité entre les régimes de retraite légalement obligatoires ;
2° Les conditions de mise en place d'un régime universel par points ou en comptes notionnels, dans le respect du principe de répartition au cœur du pacte social qui unit les générations ;
3° Les moyens de faciliter le libre choix par les assurés du moment et des conditions de leur cessation d'activité.
II. - En s'appuyant sur l'expertise du Conseil d'orientation des retraites, le Comité de pilotage des régimes de retraite remet au Parlement et au Gouvernement les conclusions de cette réflexion, dans le respect des principes de pérennité financière, de lisibilité, de transparence, d'équité intergénérationnelle et de solidarité intragénérationnelle.
Vous avez la parole, monsieur le rapporteur.
Monsieur le président, je souhaite rectifier cet amendement, afin de remplacer 2014 par 2013.
Il s’agit donc de l’amendement n° 1220 rectifié.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
Cet amendement concrétise une réflexion et une conviction de plus de dix ans.
De quoi s’agit-il ?
Il s’agit de prévoir qu’à compter du premier semestre 2013 le comité de pilotage des régimes de retraite organisera une réflexion nationale sur les objectifs et les caractéristiques d’une réforme systémique de la prise en charge collective du risque vieillesse.
Pourquoi, me direz-vous, alors que nous finissons tout juste l’examen du projet de loi, anticiper dès maintenant la prochaine étape ?
Cette réforme des retraites de 2010 est à juste titre dominée par le souci d’introduire des mesures financières à effet rapide. Le Gouvernement a fait le choix de maintenir le niveau actuel des pensions et des retraites. Mais, en raison de la poursuite du phénomène de vieillissement de la population, la question de l’équilibre des régimes se reposera nécessairement à l’avenir. Nous nous situons dans la perspective de 2018.
Par conséquent, il conviendrait d’engager très prochainement, pour après 2018, une réflexion à plus long terme sur les contours d’une réforme systémique à l’horizon de la décennie 2020. Mais, pour cela, il faut du temps ! Plutôt que d’ajuster tous les quatre ou cinq ans les paramètres de l’assurance vieillesse, sans doute vaudrait-il mieux refonder une fois pour toutes le cadre général de l’assurance vieillesse tel qu’il a été conçu en 1945.
En s’inspirant des réformes menées dans les pays voisins visant à promouvoir respectivement les techniques des points et des réalités actuarielles des comptes notionnels, notre pays adopterait un système davantage fondé sur le principe de la « contributivité ». Les futurs retraités auraient ainsi la garantie que les prestations qui leur seront servies dépendront plus strictement qu’aujourd’hui du montant des cotisations versées.
Il serait également possible de se fixer pour objectif la préservation d’un haut niveau de retraite à l’avenir, tout en évitant que le poids des ajustements financiers nécessaires ne soit systématiquement et principalement mis à la charge des générations futures.
À moyen terme, l’assurance vieillesse aura besoin d’un véritable électrochoc, qui prendra la forme d’une réforme systémique, seule à même de conjurer le phénomène de crise de confiance massive qui gagne de plus en plus nos assurés.
J’ai bien parlé d’une évolution du système actuel. Il convient en effet de conserver un système par répartition, dans lequel les actifs d’aujourd’hui paient les retraites d’aujourd’hui. Celui-ci doit rester contributif – les cotisations sur les salaires alimentent les retraites servies – et distributif – les périodes non cotisées sont prises en compte –, afin d’assurer les solidarités intergénérationnelles et intragénérationnelles.
Pourquoi s’orienter vers une retraite par points ? Vous le savez très bien, mes chers collègues, c’est un système qui existe déjà et qui a fait ses preuves. J’évoquerai notamment le régime additionnel de la fonction publique, les régimes AGIRC-ARCCO et IRCANTEC, les régimes agricoles et des professions libérales.
Mais surtout, ce système, grâce à une plus grande transparence et une nouvelle gouvernance, permettra d’assurer une plus grande équité. Les dispositifs actuels étant le fruit de notre histoire sociale, de très nombreux arbitrages sectoriels ont créé certaines iniquités.
Enfin, les jeunes générations ne croient plus en notre système. Elles sont convaincues que, une fois arrivées à l’âge de la retraite, elles n’en profiteront pas. Il est de notre responsabilité de les rassurer. Pour ce faire, nous devons prendre les mesures nécessaires pour sauver notre système par répartition, auquel nous sommes tous attachés. La seule manière est de nous donner les moyens de le faire évoluer. §
L'amendement n° 69 rectifié, présenté par Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 3 octies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 31 décembre 2015, le Comité d'orientation des retraites présente au Gouvernement et au Parlement un rapport envisageant une réforme systémique.
Ce rapport est rendu public.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Cet amendement repose sur deux constats, l’un concernant la forme, l’autre le fond.
Sur la forme, notre pays connaît 38 régimes de retraite différents. Cette architecture complexe se conjugue avec des parcours professionnels qui n’ont plus rien à voir avec la linéarité de ceux que nous connaissions majoritairement il y a encore une vingtaine d’années.
La lisibilité et la mise en perspective individuelle au regard des droits acquis en matière de retraite sont, chacun le sait, quasi impossibles. Une telle opacité nuit à la crédibilité même de notre système. En effet, comment légitimer un système reposant sur des cotisations sans bénéficier d’une parfaite lisibilité ? Vous en conviendrez, l’exercice est difficile. Il l’est d’autant plus quand vous vous adressez aux jeunes.
Sur le fond, il apparaît que si on persiste, comme entend le faire l’actuelle majorité, à asseoir les recettes destinées à nos régimes de retraite uniquement sur les cotisations salariales, sans rien faire pour réorienter la répartition des gains de productivité et des bénéfices, l’immense majorité de nos concitoyens s’appauvrira, tandis que la précarité et la désespérance progresseront.
Notre système de retraite a besoin d’une réforme et non pas, comme ce texte nous le propose, d’un ajustement paramétrique injuste.
Un certain nombre de travaux ont été effectués en la matière. Sans que la convergence soit à l’ordre du jour, nous observons que de véritables réformes ont été menées dans de nombreux pays. Schématiquement, si certains, en France, appellent de leurs vœux la mise en place d’un régime unique, d’autres souhaitent l’instauration d’un régime par points, sans oublier ceux qui considèrent le système dit des « comptes notionnels » comme porteur d’avenir. La réforme est donc au cœur de nombreuses réflexions.
Forts de ce constat, nous souhaitons mettre en œuvre une vraie réforme. À nos yeux, dans une société en pleine mutation, celle-ci ne peut être abordée sous le seul angle des paramètres techniques de financement. Elle relève d’abord d’un choix de société et doit permettre de prendre en compte les mutations de la société et les attentes des Français à l’égard des temps de la vie.
Une telle réforme doit être axée sur quatre objectifs prioritaires : conforter le niveau des pensions, faire une réforme juste, assurer la pérennité du système de retraite par répartition et permettre davantage de choix individuels dans le cadre des garanties collectives.
Appelant de nos vœux une réelle réforme systémique, nous regrettons que le Gouvernement n’ait pas saisi l’occasion que constitue ce texte pour engager une vraie concertation avec l’ensemble des acteurs de nos régimes de retraite. Une telle démarche, nous le savons, demande du temps, des débats, des expertises, … ainsi qu’une longue phase transitoire.
C’est pourquoi, conformément aux rôles et missions impartis au Conseil d’orientation des retraites, nous demandons que celui-ci engage des travaux en vue de la remise, à l’horizon 2015, d’un rapport du Gouvernement au Parlement envisageant une réforme systémique.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
L'amendement n° 83 rectifié quater, présenté par MM. Lardeux et J. Blanc, est ainsi libellé :
Après l'article 3 octies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - À compter du premier semestre 2014, le Comité de pilotage des régimes de retraite et le Conseil d'orientation des retraites organisent une réflexion nationale sur les objectifs et les caractéristiques d'une réforme systémique de la prise en charge collective du risque vieillesse.
Parmi les thèmes de cette réflexion, figurent :
1° La convergence progressive des paramètres des différents régimes de retraite légalement obligatoires ;
2° Les conditions de mise en place d'un régime de base universel par points ou en comptes notionnels, dans le respect du principe de répartition au cœur du pacte social qui unit les générations ;
3° Les moyens de faciliter le libre choix par les assurés du moment et des conditions de leur cessation d'activité.
II. - En s'appuyant sur l'expertise du Conseil d'orientation des retraites, le Comité de pilotage des régimes de retraite propose au Parlement et au Gouvernement un ensemble de mesures visant à mettre en œuvre les conclusions de cette réflexion, dans le respect des principes de pérennité financière, de lisibilité, de transparence, d'équité intergénérationnelle et de solidarité intragénérationnelle.
La parole est à M. Jacques Blanc.
Cet amendement prévoit l’organisation, à compter du premier semestre 2014, d’une réflexion nationale sur les objectifs et les caractéristiques d’une réforme systémique de la prise en charge collective du risque vieillesse.
Une telle disposition répond, me semble-t-il, aux préoccupations qui ont été exprimées sur les différentes travées de notre assemblée.
L'amendement n° 558 rectifié quinquies, présenté par MM. About et Vanlerenberghe, Mme Dini, M. A. Giraud, Mme Payet, M. Maurey et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Après l'article 3 octies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - À compter du premier semestre 2013, le Comité de pilotage des régimes de retraite organise une réflexion nationale sur les objectifs et les caractéristiques d'une réforme systémique de la prise en charge collective du risque vieillesse.
Parmi les thèmes de cette réflexion, figurent :
1° Les conditions d'une plus grande équité entre les régimes de retraite légalement obligatoires ;
2° Les conditions de mise en place d'un régime universel par points ou en comptes notionnels, dans le respect du principe de répartition au cœur du pacte social qui unit les générations ;
3° Les moyens de faciliter le libre choix par les assurés du moment et des conditions de leur cessation d'activité.
II. - En s'appuyant sur l'expertise du Conseil d'orientation des retraites, le Comité de pilotage des régimes de retraite remet au Parlement et au Gouvernement les conclusions de cette réflexion, dans le respect des principes de pérennité financière, de lisibilité, de transparence, d'équité intergénérationnelle et de solidarité intragénérationnelle.
Cet amendement est identique à amendement n° 1220 rectifié.
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
L’objet de cet amendement est similaire à ceux qui viennent de vous être présentés ou qui le seront dans un instant. Je ne reviendrai donc pas sur son dispositif, d’ailleurs parfaitement explicite, et me concentrerai sur l’importance qu’il revêt à nos yeux.
Il s’agit de poser dès aujourd’hui les jalons d’un équilibre pérenne de la répartition, autrement dit d’ouvrir dès à présent un nouvel horizon.
Aujourd’hui, une réforme paramétrique d’urgence s’impose. C’est pourquoi nous ne nous sommes pas opposés au relèvement de la borne d’âge d’ouverture des droits. Mais, à moyen et long termes, nous ne ferons pas l’économie d’une réforme structurelle, « systémique », pour reprendre le vocabulaire technique consacré, réforme qui consistera à remplacer les annuités par les points ou les comptes notionnels au sein d’un régime universel.
Au sein de mon groupe, nous appelons de nos vœux une telle réforme depuis 2003. Le septième rapport du COR, publié en janvier 2010, ainsi que son président, M. Hadas-Lebel, ont très bien montré comment un régime par points réduit les inégalités entre les régimes et concrétise l’égalité de tous devant la retraite.
Dans un tel système, je me permets de le rappeler, les cotisations versées au nom de l’assuré sont transformées en points. Puis, chaque année, celui-ci acquiert des points. À la fin de sa vie active, la pension obtenue est égale au nombre de points multiplié par une valeur de service, fixée par les gestionnaires, respectant l’équilibre nécessaire entre les cotisants et les pensionnés. Il existe ainsi une relation directe entre le montant de la retraite et celui des cotisations versées. C’est l’une des grandes différences avec le système des annuités.
En résumé, par rapport au système actuel, celui par points permet de dégager quelques avantages, notamment face à trois impératifs : l’équilibre – je rappelle qu’il n’y a pas d’équilibre spontané dans le système des annuités –, la lisibilité et, enfin, la solidarité. En effet, le système par points rend explicite la part nécessaire que nous devons consacrer à la solidarité, afin de ne pas défavoriser les plus faibles ou les plus jeunes générations.
Le changement de système nécessitera une grande préparation et un calendrier de transition à définir. Il faudra au moins quinze à vingt ans – si l’on se réfère à ce qui s’est passé en Suède – pour passer à un système par points. Il conviendra au préalable d’être capable de faire des choix politiques. Faut-il adopter un seul régime avec des spécificités ou conserver un système privé et un système public ? Quelle pondération faudra-t-il instituer entre les différents critères ?
Pour répondre à toutes ces questions, nous appelons de nos vœux une grande réflexion nationale en 2013. Nous avons retenu cette date parce qu’elle est postérieure au grand débat national de 2012, lequel permettra certainement de clarifier les positions de chaque famille politique.
Ce calendrier nous donnera le temps de débattre avec tous les partenaires et, surtout, l’ensemble des Français sur la pérennité du système par répartition, dans la perspective de proposer aux nouvelles générations, comme nous l’espérons, un système respectant à la fois la justice et l’égalité de tous devant la retraite.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste.
L'amendement n° 652 rectifié bis, présenté par MM. Vasselle, Longuet et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Après l'article 3 octies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - À compter du premier semestre 2013, le Comité de pilotage des régimes de retraite organise une réflexion nationale sur les objectifs et les caractéristiques d'une réforme systémique de la prise en charge collective du risque vieillesse.
Parmi les thèmes de cette réflexion, figurent :
1° Les conditions d'une plus grande équité entre les régimes de retraite légalement obligatoires ;
2° Les conditions de mise en place d'un régime universel par points ou en comptes notionnels, dans le respect du principe de répartition au cœur du pacte social qui unit les générations ;
3° Les moyens de faciliter le libre choix par les assurés du moment et des conditions de leur cessation d'activité.
II. - En s'appuyant sur l'expertise du Conseil d'orientation des retraites, le Comité de pilotage des régimes de retraite remet au Parlement et au Gouvernement les conclusions de cette réflexion, dans le respect des principes de pérennité financière, de lisibilité, de transparence, d'équité intergénérationnelle et de solidarité intragénérationnelle.
Cet amendement est identique aux amendements n° 1220 rectifié et 558 rectifié quinquies.
La parole est à M. Alain Vasselle.
Cet amendement est le fruit de la réflexion et du travail de la MECSS, que j’ai l’honneur de présider, et qui a produit un rapport apprécié, dont les deux rapporteurs n’étaient autres que Dominique Leclerc et Christiane Demontès, …
… ce qui me laisse à penser que nous devrions pouvoir dégager une très large majorité au sein de la Haute Assemblée pour approuver le dispositif tendant à engager une réflexion nationale sur une réforme systémique.
Chacun en convient, notre collègue Jean-Marie Vanlerenberghe et M. le rapporteur viennent de le rappeler, il était nécessaire, à la suite de la crise financière qu’ont vécue le pays et l’Europe, de s’engager le plus rapidement possible dans une réforme paramétrique, pour régler une situation conjoncturelle difficile et délicate.
Mais une telle situation nous impose également de préparer l’avenir, notamment la retraite des jeunes, en nous engageant éventuellement, en tant que de besoin et en fonction du travail que nous aurons conduit, vers une réforme systémique, comme l’ont fait des pays voisins tels que la Suède, qui a été maintes fois citée, et l’Italie.
Je ne redévelopperai pas ici l’ensemble de l’argumentaire que M. le rapporteur vient de rappeler. Ce que je souhaite, c’est que, dans notre sagesse, en mettant de côté la passion qui anime souvent nos débats, nous puissions nous retrouver, au moins sur ce point, en grand nombre, pour préparer l’avenir de notre système de retraite.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
L'amendement n° 327 rectifié bis, présenté par MM. Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l'article 3 octies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 30 septembre 2011, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la possibilité de faire évoluer le système de retraite actuel vers un régime à points.
La parole est à M. François Fortassin.
Cet amendement est relativement similaire à ceux qui viennent d’être défendus puisqu’il prévoit la remise d’un rapport par le Gouvernement sur la possibilité de faire évoluer le système de retraite actuel vers un régime à points.
Un tel système ne remet pas en cause le système de retraite par répartition auquel les Français sont profondément attachés, et présente plusieurs avantages.
Il permet en effet de choisir l’âge du départ à la retraite, tout en garantissant une juste compensation à ceux qui décident de travailler au-delà de l’âge légal. Il assure également une meilleure visibilité de l’âge de départ à la retraite et une très grande transparence. Enfin, il répond à l’objectif de solidarité auquel nous sommes très attachés.
L'amendement n° 557 rectifié bis, présenté par MM. Arthuis, Vanlerenberghe et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Après l'article 3 octies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'assurance vieillesse universelle garantit une pension de retraite à l'assuré qui en demande la liquidation.
Le montant de la pension est égal au montant du compte de cotisations retraite de l'assuré divisé par le nombre d'années d'espérance de vie de sa génération au moment de la liquidation de la pension.
Le compte de cotisations retraite est alimenté par les cotisations retraite de l'assuré et par les intérêts produits par ce compte. Ces intérêts sont garantis par l'État.
Le taux de cotisation retraite obligatoire est fixé à un pourcentage déterminé du revenu brut de l'assuré.
Le taux d'intérêt garanti par l'État est égal au taux de croissance de la masse salariale entre l'année de versement des cotisations et l'année de liquidation de la pension.
Sauf dans les cas définis par la loi, l'assuré ne peut liquider sa pension de retraite avant l'âge de soixante ans.
II. - Le I du présent article entre en vigueur à compter du 1er janvier 2020.
III. - Remplacer les huit premiers alinéas de l'article L. 114-2 du code de la sécurité sociale par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 114 -2. - Le Conseil d'orientation des retraites a pour mission de produire et rendre publiques les informations nécessaires à la mise en œuvre de l'article n° ... de la loi n°portant réforme des retraites.
« Il formule toutes recommandations ou propositions qui lui paraissent de nature à faciliter cette mise en œuvre. »
La parole est à M. Jean Arthuis.
Notre système de retraite souffre de deux maux qui le condamnent.
Premièrement, tel qu’il fonctionne, il va tout droit vers la faillite.
Les dispositions que nous avons examinées jusqu’à ce soir ont pour objectif d’y porter remède, partiellement car nous savons que, entre 2012 et 2018, il faudra transférer vers la CADES au moins 62 milliards d’euros.
Mme Nicole Bricq s’exclame.
Le deuxième mal qui condamne notre système de retraite, c’est qu’il est très inégalitaire, illisible, comme l’ont souligné M. le rapporteur et d’autres intervenants. Il compte vingt et un systèmes de base et des régimes complémentaires obligatoires. À cotisations égales, pensions inégales ! Cela ne peut pas durer, c’est une offense à l’idée que nous nous faisons du principe d’égalité des Français devant la retraite.
Le COR a très bien démontré que, à rémunération nette égale, un fonctionnaire perdrait entre 10 % et 20 % de sa pension si celle-ci était calculée selon les règles en vigueur dans le privé. En revanche, un cadre de la fonction publique percevrait moins que son collègue du secteur privé.
Je le répète, ce système est injuste et illisible. C’est la raison pour laquelle nous devons nous orienter vers l’institution de comptes individuels de cotisation, vers une réforme systémique. J’ai entendu, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles vous avez déposé des amendements visant à insérer des articles additionnels. Mais pourquoi attendre 2013 ou 2014 ? Nous savons ce vers quoi il faut aller ! Alors sommes-nous capables de mettre sous le boisseau nos considérations quelque peu dogmatiques
Mouvements divers sur les travées du groupe socialiste.
… et de regarder enfin la réalité en face pour répondre à l’attente de nos concitoyens et imaginer un système qui redonne confiance aux plus jeunes ?
Voilà pourquoi, avec mes amis de l’Union centriste, je souhaite que la réforme systémique intervienne sans attendre, le plus tôt possible. Le système est en danger ; nous avons écarté le danger financier, au moins en partie, et il est désormais de notre responsabilité de placer les Français à égalité devant la retraite.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.
Les auteurs de l’amendement n° 69 rectifié proposent que le COR remette un rapport sur une réforme systémique, à l’horizon 2015.
Cette proposition ne nous semble pas suffisamment ambitieuse.
M. Jean-Pierre Caffet s’esclaffe.
La commission demande à son auteur de bien vouloir retirer cet amendement, au profit des amendements identiques n° 558 rectifié quinquies, 652 rectifié bis et 1220 rectifié ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
L’amendement n° 83 rectifié quater prévoit que la réflexion nationale organisée à compter du premier semestre 2014 soit suivie de mesures destinées à mettre en œuvre une réforme systémique.
Il nous semble important de ne pas préempter les conclusions de cette réflexion.
Là encore, je demanderai à son auteur de bien vouloir retirer son amendement, au profit des trois amendements identiques ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.
L’amendement n° 327 rectifié bis prévoit qu’un rapport sera publié sur le passage éventuel vers un régime par points.
Comme je l’ai dit à l’instant, le septième rapport du COR traite déjà de cette question.
Là encore, je demanderai à son auteur de bien vouloir retirer son amendement, au profit des trois amendements identiques ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.
Enfin, l’amendement n° 557 rectifié bis, présenté par Jean Arthuis, prévoit la mise en place à l’horizon 2020 d’un régime de retraite universel par répartition, reposant sur des « comptes de cotisations retraite », sur le modèle de ce qui se fait en Suède.
Cette proposition est certes intéressante, mais elle présente à nos yeux deux limites.
D’une part, elle ne prévoit pas de réflexion nationale préalablement à l’instauration de ce nouveau régime ; or, il nous semble indispensable qu’une réforme de cette ampleur puisse faire l’objet d’un large débat public national. D’autre part, l’horizon 2020 nous semble un peu trop proche, pour toutes les raisons qui ont été indiquées.
Là encore, je demanderai à son auteur de bien vouloir retirer son amendement, au profit des trois amendements identiques ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.
Ces amendements visent à organiser, selon des modalités diverses, une réflexion sur une réforme systémique de nos régimes de retraite.
Ce débat a eu lieu à l’Assemblée nationale. Le Gouvernement a souhaité ne pas clore ce débat devant les députés, de manière que celui-ci se prolonge devant le Sénat. Je suis donc heureux qu’il puisse se tenir.
Derrière cette notion de réforme systémique se cachent trois objectifs, auxquels on ne peut que souscrire.
Le premier objectif, c’est de renforcer la lisibilité de nos régimes de retraite. Comme en témoignent nos débats, il faut bien reconnaître que ces régimes sont très complexes et donc peu compréhensibles, ce qui est un mal absolu pour un régime de retraite universel.
Le deuxième objectif, c’est de prolonger la convergence entre ces différents régimes de retraite. Au cours des débats, nous avons notamment évoqué la situation des polypensionnés, et l’on voit bien, à travers cet exemple, que se pose la question de l’équité du système.
Le troisième objectif, c’est d’inciter chaque assuré à prolonger son activité en lui permettant d’en tirer les bénéfices quant au montant de sa pension. Dans un certain nombre de pays, on appelle cela le libre choix.
Au regard de ces trois objectifs, trois possibilités s’offrent à un Gouvernement pour réformer un régime de retraite, au-delà de l’alternative entre réforme systémique ou réforme paramétrique.
On peut réformer un régime de retraite en baissant les pensions.
Évidemment, le Gouvernement s’y refuse, de même qu’il se refuse à réformer le régime de retraite par la hausse systématique des cotisations ou des impôts. Le régime par répartition, c’est d’abord le financement des actifs ! Il est bon de le rappeler, alors qu’on fait au régime par répartition de faux procès et que beaucoup se trompent à son endroit.
On peut aussi réformer un régime en prolongeant la vie active : c’est la voie de la raison et c’est celle que nous avons choisie.
En réalité, notre préoccupation est simple : ne pas faire croire aux Français qu’il sera possible de basculer vers un régime par points ou notionnel, qui est une forme de régime par répartition, monsieur Desessard, sans avoir préalablement rétabli l’équilibre de nos régimes de retraite. C’est un impératif absolu avant tout éventuel changement de système. Les comptes doivent être sains avant tout basculement vers un autre système.
La réforme, d’abord, la réflexion systémique ensuite : c’est ce que le Gouvernement avait indiqué dans son document d’orientation du 16 mai dernier, qui n’écartait pas cette piste.
Les nombreux échanges que nous avons eus avec les groupes Union centriste et UMP, avec la commission nous conduisent à penser que les amendements qu’ils ont déposés, respectivement les amendements n° 558 rectifié quinquies, 652 rectifié bis et 1220 rectifié, vont dans le bon sens. Ils précisent qu’une réflexion doit être engagée d’ici à 2013 – vous avez modifié la date, ce que nous acceptons. Cette réflexion prolongera la réflexion que le COR avait conduite voilà deux ans.
Cette réflexion devra permettre de répondre à cette question : comment peut-on opérationnellement aboutir à un régime par points ?
Je résume : d’abord, nous menons une réforme ; celle-ci contient l’idée d’une réflexion à mener sur l’opportunité de nous diriger vers un régime unique de retraite ; en 2013 un rapport est publié et, s’il conclut à l’opportunité d’un tel régime, celui-ci sera mis en place à l’échéance de notre réforme, c'est-à-dire entre 2018 et 2020.
Cette réflexion à laquelle nous invite le Sénat est judicieuse et complémentaire de la réforme que nous menons aujourd’hui.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, compte tenu de l’ensemble des éléments nouveaux qui viennent d’être portés à notre connaissance, je demande, au nom de mon groupe, une suspension de séance.
Monsieur Bel, le Sénat va accéder à votre demande.
Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue le jeudi 21octobre à zéro heure vingt-cinq, est reprise à zéro heure cinquante.
La séance est reprise.
Je vais mettre aux voix les amendements identiques n° 1220 rectifié, 652 rectifié bis et 558 rectifié quinquies, appelés par priorité.
La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote.
Nous sommes appelés à nous prononcer, par priorité, sur des amendements qui visent à organiser dans le futur une réflexion sur une autre réforme des retraites, une réforme systémique.
Le groupe socialiste est favorable à une telle réforme, occasion de mettre sur la table l’ensemble de ce qu’il y a à savoir sur les différents régimes de retraite, sur ce qui existe dans d’autres pays, mais aussi sur ce qu’il est possible de faire chez nous.
Nous considérons que notre système doit reposer sur des droits collectifs solides, qui jouent un rôle de vigie sociale et qui permettent davantage de choix individuels.
Comme nous l’avons rappelé tout au long de ces trois semaines, nous proposons d’instaurer le principe d’une retraite choisie, permettant à ceux qui n’en peuvent plus de travailler de faire valoir leurs droits à la retraite à 60 ans, tout en permettant à ceux qui veulent travailler plus longtemps, et qui le peuvent, de le faire.
Cette retraite choisie se ferait dans le cadre d’une refonte globale de l’acquisition de droits, avec la création d’un compte-temps individuel, la prise en compte, dans le calcul des droits à la retraite, des périodes de formation initiale et continue et, éventuellement, une incitation à retarder son départ.
Pour les nouvelles générations, nous proposons de créer un compte-temps qui permettrait de décloisonner les trois temps de la vie : le temps de la formation, le temps du travail, et le temps de la retraite. Les événements de la vie ne se succèdent plus de manière linéaire. Ce compte-temps permettra à chacun d’organiser librement les périodes de sa vie : prendre une année sabbatique, reprendre des études ou réduire progressivement son temps de travail au lieu de subir le couperet de la retraite.
Voilà nos propositions, et nous les avons développées tout au long du débat.
En cet instant, je tiens d’abord à vous faire part de notre étonnement de devoir nous prononcer par priorité sur ces amendements, qui ont d’ailleurs fait l’objet d’un long débat en commission des affaires sociales, M. le rapporteur peut le confirmer.
Pourquoi ces amendements viennent-ils ce soir, après le vote de l’article 33, c’est-à-dire le dernier article du projet de loi ? Pourquoi ne pas les avoir examinés dès le début de la discussion du texte ?
Monsieur le ministre, vous soutenez que les dispositions que nous avons discutées et que votre majorité a adoptées sont bonnes, qu’elles étaient nécessaires, mais le débat à peine terminé, vous nous expliquez que l’on va faire autre chose, que l’on va engager une réforme systémique.
Nous ne pouvons accepter une telle démarche. Mes chers collègues, quel aveu de nous dire ce soir que, dans deux ans, on recommence tout, on fait enfin une vraie réforme, après avoir fait voter au Sénat une réforme qui n’en est pas une, qui se résume à des ajustements comptables et paramétriques, ainsi que vous l’avez-vous-même reconnu. C’est pratiquement une contre-réforme que vous envisagez maintenant !
Nous ne pouvons pas accepter cette organisation du débat et c’est pourquoi nous retirons notre amendement n° 69 rectifié.
Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
L’amendement n° 69 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Avant d’en venir à mon explication de vote proprement dite, permettez-moi d’apporter une précision.
L’amendement n° 1220 de la commission prévoyait que le comité de pilotage organiserait une réflexion nationale sur une réforme systémique en 2014. Le rapporteur l’a rectifié en séance en remplaçant la date de 2014 par celle de 2013. Toutefois, la commission ne s’étant pas réunie, il s’agit désormais de l’amendement du rapporteur et non plus de celui de la commission.
Sur le fond, cela ne change en rien notre position. Nous restons opposés à cet amendement, quelle que soit l’échéance prévue.
Ces trois amendements identiques prévoient une réflexion nationale sur les objectifs et les caractéristiques d’une réforme systémique à laquelle nous sommes défavorables. Comme dans les négociations avec les partenaires sociaux, vous fixez déjà le carnet de route. Vous avez déjà fixé des bornes : le report à 62 ans, d’une part, et à 67 ans, d’autre part, ainsi que l’allongement de la durée de cotisation. Ici, vous fixez d’emblée les trois thèmes de la réflexion, en introduisant notamment les comptes notionnels.
Depuis le début de ce débat, nous avons dit et répété que nous étions favorables à une réforme du financement de notre système de retraite par répartition. Mais vous avez toujours refusé, tout au long de ces trois semaines de discussion, d’aborder cette question et aucune des propositions financières que nous avons faites n’a été débattue.
Dans un système de retraite par points ou fondé sur des comptes notionnels, des droits à pension sont attribués aux assurés, mais le niveau des pensions n’est jamais fixé. Comme M. Jean-Marie Vanlerenberghe l’a rappelé tout à l’heure, ce niveau dépend de la valeur du point à la date à laquelle le salarié demande à liquider ses droits et cette valeur dépend elle-même de la démographie. Mais il a omis de préciser que la valeur du point dépend aussi du taux de croissance du PIB et qu’en Suède, pays dans lequel ce système fonctionne, du fait de la crise, la valeur du point s’est écroulée, les pensions ont littéralement dégringolé et l’État a dû renflouer le système.
Cela aurait dû nous faire réfléchir collectivement.
D’ailleurs, dans les pays où ces régimes sont déjà expérimentés, la valeur de ce point n’est pas nécessairement communiquée par les organismes et, lorsqu’elle l’est, ce n’est qu’à titre indicatif, les salariés ne pouvant pas la rendre opposable à l’administration. Tout cela donne, en réalité, beaucoup de latitude au Gouvernement pour faire varier la valeur du point, et donc le montant des pensions.
Je rappelle que ces systèmes organisent la distribution des pensions au sein d’une même classe d’âge. Donc, c’en est fini de la solidarité entre générations. Cela non plus, vous ne nous le dites pas ! C’est en tout cas ainsi que les choses se passent en Suède.
La redistribution
Protestations sur les travées de l ’ UMP.
Mes chers collègues, permettez-moi d’aller au bout de mon intervention ; ensuite vous pourrez reprendre la parole. Là, je perds mon temps, alors que j’ai beaucoup de choses à dire.
Donc, nous contestons ce manque de solidarité intergénérationnelle.
En outre, cette réforme systémique ne résoudrait pas la question fondamentale, celle du financement, puisque vous ne prévoyez pas de ressources nouvelles, sauf à nous dire, monsieur le ministre, que vous allez augmenter les cotisations…
En tout cas, ce n’est pas ce que vous nous avez annoncé, me semble-t-il. Donc, sans finances nouvelles, je ne vois pas comment ce système à points pourrait répondre aujourd’hui aux besoins de notre système par répartition pour assurer la solidarité intergénérationnelle et permettre à tous nos concitoyens de partir à la retraite avec des pensions décentes.
Je m’arrêterai là puisque mon temps de parole est écoulé.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Naturellement, le groupe UMP votera avec conviction ces amendements identiques, qui ont désormais tous le mérite d’avancer la date de cette réflexion.
Sur le fond comme sur la forme, ce débat est parfaitement légitime.
Nous avions le devoir absolu d’apporter une réponse à l’insupportable déficit du régime français des retraites tel qu’il fonctionne actuellement.
Mme Annie David s’exclame.
Cette obligation est devenue impérieuse du fait de la crise parce que les décisions de 1982 n’ont pas été financées. Le signal d’alarme a été tiré dès 1991 ; les mesures de 1993, 2003 et 2007 ont été pertinentes, mais la crise de 2008 nous a apporté deux certitudes.
D’une part, il n’y aura pas de croissance forte pour l’Europe de l’Ouest : nous n’atteindrons pas les 3 % par an que nous pouvions espérer il y a quelques années encore.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Alors, mon raisonnement vaut a fortiori, chère collègue !
D’autre part, nous devons consolider nos finances publiques, car la France est exposée, comme toutes les nations du monde, au jugement de ceux dont nous avons besoin, c'est-à-dire ceux qui nous prêtent de l’argent.
La réforme paramétrique était indispensable et urgente. C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, nous avons accepté que l’aspect paramétrique passe en premier dans ce débat, pour apporter une réponse immédiate à un besoin absolu.
Épuisions-nous, monsieur le ministre, cher Éric, à travers cette première partie, la totalité du sujet ? La réponse est non. Cette assemblée est parfaitement légitime pour attaquer la réflexion de fond sur ce que nous appelons d’une formule un peu prétentieuse la « réforme systémique ».
Pourquoi sommes-nous légitimes ? Parce que, de votre côté comme du nôtre, avec nos collègues Alain Vasselle, Dominique Leclerc, Christiane Demontès, Bernard Cazeau et Claude Domeizel, le Sénat conduit depuis dix ans des réflexions sur les questions structurelles. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a montré dans son intervention combien nous étions, les uns et les autres, impliqués dans ces réflexions.
M. Assouline, que nous écoutons toujours avec beaucoup d’intérêt
Sourires sur les travées de l ’ UMP.
… nous avons le devoir absolu de répondre à la vieille question posée par Alfred Sauvy et que j’évoquais au cours de la discussion générale. Le régime par répartition ne peut pas être déficitaire parce que c’est le produit des cotisations d’une année qui nourrit les retraites de la même année.
Or, en France, nous aimons l’ambiguïté et, de réforme en réforme, nous sommes arrivés à un système équivoque, qui a l’apparence d’un régime de retraite par répartition, mais qui repose sur des droits sociaux capitalisés pesant lourdement sur ce système et le privant de toute flexibilité.
Les travaux réalisés par le COR sur le système suédois à la demande du Sénat nous ont appris que les systèmes par points, évoqués par les uns et les autres sous le nom savant de « comptes notionnels », reviennent au principe d’Alfred Sauvy, c’est-à-dire que l’énergie d’une année finance les retraites versées au titre de cette même année. Il s’agit ensuite de répartir entre les millions de retraités le produit de ces cotisations.
Tout l’intérêt de la réflexion systémique, c’est d’avoir la répartition la plus juste. Je souscris totalement à l’observation de Jean Arthuis : l’histoire de notre pays – il ne s’agit pas d’un maléfice des hommes ou des structures – fait que notre système de retraite est très ancien, et il convient d’y mettre de l’ordre compte tenu des évolutions permanentes.
Nous aurons dix ans pour le faire. Nous préférons commencer en 2013 pour que nous puissions avoir, en 2020, une réforme adaptée et acceptée par l’ensemble de nos compatriotes, qui découvrent aujourd’hui, médusés, que leur système traditionnel est déficitaire et auxquels nous apportons l’espérance, à partir d’un débat très ample, de construire ensemble une solution durable pour le long terme.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste. – M. Gilbert Barbier applaudit également.
Peut-être est-ce l’heure tardive, mais j’ai un peu de mal à suivre…
La position que nous avions adoptée en déposant notre amendement n° 69 rectifié était en parfaite cohérence avec tout ce que nous avons dit : on ne peut pas envisager autre chose qu’une réforme systémique, c’est-à-dire qui mette tout sur la table, pour parler plus vulgairement. Et je signale que cet amendement aurait dû être examiné au tout début de la discussion de ce texte.
En écoutant M. Longuet, je songeais que, comme dit le poète, « les plus désespérés sont les chants les plus beaux ».
(Sarkozy ! sur les travées socialistes.) Nicolas Sarkozy, en effet, lors du débat télévisé avec Ségolène Royal, durant la campagne pour l’élection présidentielle, c’est-à-dire il y a trois ans.
Exclamations sur les travées de l ’ UMP.
« Grâce aux lois Fillon, jusqu’en 2020, nous n’avons pas de souci majeur à avoir quant au financement de nos retraites. Je garantirai l’application des lois Fillon. » Qui a dit cela ? §
MM. Jean-Pierre Fourcade et Christian Cambon. Depuis, il y a eu la crise !
Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste.
M. Pierre-Yves Collombat. Mais la crise, qui l’a provoquée ? Ce n’est pas Dieu qui l’a envoyée ! Ce n’est pas une catastrophe naturelle ! C’est le résultat de votre politique, reconnaissez-le !
Protestations sur les travées de l ’ UMP.
En avril 2007, on nous dit qu’il n’y a pas de souci à se faire puisque M. Fillon a tout réglé et puis, en octobre 2010, arrive une « loi courageuse » que vous voterez avec conviction et qui réglera le problème que les socialistes n’ont pas résolu !
Et maintenant, on nous explique benoîtement qu’il faudra bien procéder à une réforme systémique en 2014.
Cela signifie que tout ce que vous nous proposez là, ça ne tient pas la route ! C’est du pipeau !
Cela signifie que, comme l’a dit Président de la République, vous travaillez pour donner confiance au marché : vous êtes les réformateurs que les marchés attendent.
Voilà le but de ces discussions longues et difficiles que nous avons depuis trois semaines.
Il faut être sérieux ! Tous les trois ans, vous nous annoncez la réforme du siècle ! Il faudrait quand même vous décider un jour ou l’autre. Si vous pouviez le faire aujourd’hui, ce serait très bien.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l ’ UMP.
Il faut parler clair.
Ce 21 octobre restera le jour où les fondements de la retraite par capitalisation auront été introduits et où, quelles que soient vos dénégations, la retraite par répartition aura été jetée par-dessus bord. Voilà la vérité !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
Nous sommes pour une réforme du financement de la retraite par répartition. Nous avons fait des suggestions – nous aurions d’ailleurs pu aller bien plus loin –, mais vous n’avez même pas regardé notre proposition de loi.
Nous serons peut-être le seul groupe à voter contre la réforme systémique, car elle est doublement brutale, et il faut rappeler que, par rapport à toutes les réformes qui ont eu lieu ou qui sont en cours dans l’Union européenne, celle-ci fera de la France le pays le plus régressif, mettant véritablement en cause une série de principes fondamentaux.
Elle est brutale parce que notre pays est le seul à agir à la fois sur les bornes d’âge – reculées de 60 à 62 ans pour l’âge légal et, parce que l’on considérait que ce n’était pas suffisant, de 65 à 67 ans pour l’annulation de la décote – et sur la durée de cotisation, qu’on fait passer à 41 annuités et demie, de manière à verrouiller complètement le système.
Cette réforme est donc l’une des plus dures dans toute l’Union européenne.
Ensuite, cette réforme est doublement injuste. Pourquoi ? Parce que, au moment où les résultats du premier trimestre de toutes les grandes entreprises du CAC 40 progressent de 85 %, on se permet de faire payer cette réforme à 85 % par les salariés, tandis que le capital, que l’on « charge » des 15 % restants, est à peine égratigné. Vous lui avez apporté toutes les garanties, à ce capital.
En dépit de tout ce que l’on dit, elle sera terriblement injuste aussi parce que c’est la réforme de la « super-austérité » : elle va s’accompagner non seulement de hausses de cotisations qui sont déjà décidées, mais encore d’un gel des salaires qui s’apparentera à une véritable glaciation ! En effet, on trouve qu’un an de gel, ça ne suffit pas et qu’il faut aller jusqu’à 2012 ou 2013 !
Elle est enfin inefficace parce que, malgré tout ce que vous faites, comme vous ne voulez pas toucher à vos amis détenteurs du capital, en définitive, nous aurons toujours des déficits.
Bien sûr, pour nous, il était important de discuter de la pénibilité, des poly-pensionnés, des retraites des femmes, car il s’agit de questions majeures, mais, en termes de coût, ce ne sont que des à-côtés, c’est epsilon.
En résumé, cette réforme est doublement brutale, doublement injuste et totalement inefficace.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste.
Les sénateurs de notre groupe, tout comme d’autres collègues, ont jugé que nous devions traduire dans le présent projet de loi les conclusions de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECCS.
Pour nous, centristes, ces propositions sont emblématiques, et nous avons bataillé ferme pour voir notre amendement adopté par le Sénat.
Ce soir, pour des raisons purement tactiques et politiciennes, certains de nos collègues nous lâchent.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
D’abord, si cette disposition est adoptée, elle ne restera pas en fin de texte, mais s’insérera après l’article 3 octies, c'est-à-dire en bonne place.
M. Nicolas About. Ensuite, il était logique de débattre d’abord des mesures de sauvegarde urgentes avant d’évoquer des désirs d’avenir.
Rires et nouvelles exclamations sur les mêmes travées.
Nous sommes heureux et fiers que cette réforme, que nous allons voter, contribue à sauver et à financer les retraites présentes et celles qui seront liquidées dans un futur proche.
Nous sommes toutefois conscients qu’il est de notre responsabilité de proposer, à l’avenir, une réforme systémique plus conforme à ce que nous souhaitons depuis longtemps.
Cela commencera par un grand débat national sur les objectifs et les caractéristiques d’une réforme systémique de la prise en charge collective du risque vieillesse – ce débat, vous n’avez cessé de le réclamer, chaque jour et à chaque heure, et, lorsqu’on vous le propose, vous le refusez, chers collègues de l’opposition ! –, organisé par le Comité de pilotage des régimes de retraite et le Conseil d’orientation des retraites.
Nous souhaitons que, dans les thèmes de réflexion, figure la convergence progressive des paramètres des différents régimes de retraite légalement obligatoires. Le groupe de l’Union centriste l’a toujours dit clairement.
Nous souhaitons que les conditions de la mise en place d’un régime de base universel par points ou en comptes notionnels soient étudiées dans le respect du principe de répartition – je suis désolé, monsieur Fischer, mais cette démarche s’inscrit bel et bien dans le principe de répartition, au cœur du pacte social qui unit les générations.
Nous souhaitons aussi que soient étudiés les moyens de faciliter le libre choix par les assurés du moment et des conditions de leur cessation d’activité.
Enfin, et surtout, nous souhaitons qu’en s’appuyant sur l’expertise du Conseil d’orientation des retraites, le Comité de pilotage des régimes de retraite propose au Parlement et au Gouvernement un ensemble de mesures visant à mettre en œuvre les conclusions de cette réflexion, dans le respect des principes de pérennité financière, de lisibilité, de transparence, d’équité intergénérationnelle et de solidarité intragénérationnelle.
Voilà un beau défi ! Notre vote de ce soir restera longtemps gravé dans les mémoires, et je ne doute pas que l’on se souviendra de ceux qui ont eu un peu plus que le bout de leur langue pour défendre ce texte et le faire adopter.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.
Avant l’interruption de séance, j’ai écouté attentivement les uns et les autres, notamment M. Longuet et M. Arthuis, et j’ai finalement entendu beaucoup d’arguments qui se rapprochaient de ceux que nous avons défendus pendant trois semaines, à savoir qu’il fallait arrêter de bricoler, ne plus se contenter de colmater les brèches, mais avoir le courage de tout remettre à plat et d’engager enfin une véritable réforme, à la suite d’une large concertation.
Le problème, c’est qu’avant même de sortir cette proposition des cartons, vous aviez vendu votre réforme aux Français en leur faisant croire que les mesures d’âge qu’elle contenait – les reports à 62 et 67 ans – étaient de nature à régler le problème des retraites.
« Vous ne pourrez pas regarder vos enfants dans les yeux, monsieur Assouline, car il n’y aura plus de système dans cinquante ans ! », me disiez-vous de manière solennelle, monsieur le ministre… Nous vous répondions que votre réforme se traduirait par un déficit de 15 milliards d’euros à l’horizon 2025, et qu’elle était injuste puisqu’elle touchait avant tout ceux qui avaient déjà contribué par leurs efforts, dans tous les domaines, à faire en sorte que le lien social subsiste dans ce pays.
Et voilà que finalement, au bout du compte, M. Arthuis affirme tranquillement que notre système de retraite produit des injustices et des déficits incroyables, qu’il court à la banqueroute. Pour justifier ces amendements, vous reprenez donc mot pour mot notre réquisitoire contre cette réforme. C’est un peu fort de café !
Nous pourrions à la rigueur accepter ces amendements s’ils servaient de base de négociation à une réforme systémique juste et efficace, sur laquelle un consensus national serait recherché. Mais il faudrait au préalable suspendre le débat sur tous les autres articles.
Exclamations amusées sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste. –Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Mais, s’il faut d’abord avaler la couleuvre des 62 ans et des 67 ans pour pouvoir discuter de la réforme systémique en 2013, c’est non !
Dans les spots publicitaires que vous avez diffusés sur toutes les chaînes de télévision, avec l’argent des contribuables, vous disiez que votre réforme, avant même le dépôt de ces amendements, réglait le problème pour les nouvelles générations. Et maintenant, en appelant à voter ces amendements, vous dites le contraire. Vous avez donc menti au pays !
Après avoir autant triché avec la vérité, vous voudriez que l’on vous fasse confiance pour 2013 et que l’on vous donne un chèque en blanc. Mais qu’est-ce qui nous prouve que vous n’allez pas, demain, repousser l’âge de départ à 64 ans et remettre à plus tard la réforme systémique susceptible d’équilibrer le système ?
En réalité, tout était préparé depuis le départ. Vous aviez décidé de lâcher sur les handicapés et les femmes de trois enfants après la deuxième manifestation.
Et vous aviez prévu de faire ce semblant d’ouverture à la fin des débats, en promettant d’ouvrir une réflexion à partir de 2013.
Pourtant, vous auriez pu d’emblée, sur un sujet aussi fondamental pour la Nation, engager une discussion franche réunissant l’opposition, la majorité et les syndicats, afin de parvenir à un compromis sur un système pérenne. Vous l’avez refusée et, ne serait-ce que pour cette raison, nous ne pouvons nous rendre complices de cette manœuvre.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
En ce qui concerne la réforme systémique, beaucoup de choses ont été dites, notamment sur le basculement vers un régime par points.
Certains de ses défenseurs tentent de nous opposer l’argument selon lequel un tel basculement serait sécurisé dans la mesure où ce mécanisme existerait déjà au travers des régimes complémentaires AGIRC et ARRCO. Or ces retraites complémentaires subissent précisément une dégradation, encore plus marquée que celle des retraites du régime général, et cette dégradation résulte notamment de la massification du chômage et des contraintes économiques.
Ainsi, comment ne pas souligner le fait que le taux de rendement a perdu, selon Les Echos du 9 mars 2007, plus de 30 % de sa valeur depuis 1993 ? Cela veut dire que, pour un même montant de cotisations, les pensions versées vont baisser d’autant.
Dans ce système à points, les salariés n’ont aucune visibilité sur ce que sera le montant de leur retraite, car, s’ils peuvent connaître le nombre de points, ils n’ont aucune assurance quant à la valeur du point au moment de leur retraite, et il n’existe pas de taux de remplacement garanti pour une durée normale de carrière.
Je reprendrai ici l’analyse de l’économiste Pierre Concialdi, chercheur à l’Institut de recherches économiques et sociales : « En définitive, un système par points, quel que soit son mode de financement, tend à mimer le fonctionnement d’un système de retraites par capitalisation. Il contribue ainsi à valider l’idée que la retraite ne pourrait être qu’une forme d’épargne, ce que dément l’expérience des systèmes de retraites par répartition. »
Nous craignons que ce changement ne soit la première étape du basculement d’un régime obligatoire de base assis sur la répartition vers un régime obligatoire de base fondé sur la capitalisation. Il constitue les prémices d’un vaste mouvement d’individualisation et donc d’effondrement des pensions pour celles et ceux qui, trop modestes, ne parviendraient pas à financer eux-mêmes leur retraite.
Avec un tel système, il n’y aurait plus aucune visibilité sur les pensions, dont le niveau global baisserait encore, et les aspects collectifs de l’accès à la retraite, de même que les enjeux politiques, parmi lesquels figure le partage des richesses, seraient supprimés. Ce système ferait donc disparaître les solidarités. C’est pourquoi nous ne voterons pas ces amendements.
Je souscris totalement aux propos de notre président de groupe, Gérard Longuet.
Sourires.
L’amendement présenté par M. le rapporteur nous donnant satisfaction, notamment en ce qu’il prévoit, comme le proposent aussi nos amis centristes, d’avancer à 2013 le début de la réflexion, je souhaite retirer l’amendement n° 83 rectifié quater, monsieur le président.
J’avoue que la position de nos collègues du groupe socialiste me surprend : leur amendement n° 69 rectifié prévoyait en effet la remise d’un rapport envisageant une réforme systémique. Et voilà que, subitement, ils le retirent !
M. Jacques Blanc. Si j’avais mauvais esprit, j’expliquerais ce revirement par le fait que leurs amis du groupe CRC-SPG ne partagent pas cette position. À moins que leur but ne soit de détruire systématiquement tout ce que nous proposons…
Hourvari sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Comment refuser cette logique qui consiste d’abord à assainir et à équilibrer le régime actuel, pour pouvoir ensuite nous diriger vers l’étape suivante, c'est-à-dire la réforme systémique ? C’est ce que nous proposons les uns et les autres de faire, et ce que le président Arthuis rappelait tout à l’heure dans son intervention.
On se demande pourquoi vous faites tant de bruit, chers collègues de l’opposition, alors que vous utilisez des arguments auxquels vous ne croyez pas vous-mêmes. En refusant de voter ce que vous demandiez tout à l’heure, vous venez d’être pris en flagrant délit de mauvaise foi. Pour notre part, nous suivrons le rapporteur et le président du groupe centriste, en restant fidèles à nos convictions.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
L’amendement n° 83 rectifié quater est retiré.
La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote.
Ce soir, cet hémicycle ressemble à un théâtre d’ombres.
J’ai rarement vu un gouvernement et sa majorité faire preuve d’autant de cynisme au cours d’un débat parlementaire !
M. le président sourit.
Quelqu’un, dans cet hémicycle, a-t-il entendu le Gouvernement ou un membre de la majorité évoquer la possibilité d’une réflexion systémique ?
Bien sûr ! sur les travées de l ’ UMP.
Relisez les comptes rendus du débat à l’Assemblée nationale !
Bien sûr, mais, depuis des mois, le Gouvernement nous explique que c’est la seule réforme possible.
En réalité, il n’était pas question de transformer le système des retraites, mais de réformer en prenant principalement des mesures d’âge, avec la volonté explicite de faire peser 85 %, voire 90 % du financement de cette réforme sur les salariés.
Or un grain de sable s’est introduit dans la réforme : un mouvement social beaucoup plus important que ne l’imaginait le Gouvernement.
Ce gouvernement n’a jamais cherché à négocier quoi que ce soit avec les organisations syndicales, ni sur le contenu de cette réforme ni sur l’éventualité d’une réforme systémique. Jamais nous n’en avons entendu parler !
Ce soir, se reproduit une situation que nous avons déjà vécue à plusieurs reprises, à l’Assemblée nationale et au Sénat : une manœuvre destinée à désamorcer le mouvement social et à faire croire aux Français qu’ils vont bénéficier d’avancées extraordinaires.
Nous avons assisté au même spectacle il y a une dizaine de jours, lorsque le ministre nous a annoncé, au sortir de l’Élysée, le dépôt de deux amendements fabuleux, l’un concernant les parents d’enfants handicapés et l’autre, les femmes, des avancées tout de même assorties d’un certain nombre de conditions : être né entre 1951 et 1956, etc.
C’est la même chose aujourd’hui ! Vous avez misé sur un essoufflement, un épuisement du mouvement social. Or, comme vous vous apercevez que ce mouvement perdure, vous essayez d’introduire un élément dont nous savons tous, car c’est l’évidence même, qu’il n’a jamais figuré dans les intentions du Gouvernement ou de la majorité.
Il suffit de lire les communiqués de l’AFP ! Il est écrit, dans une dépêche datée de ce jour, que Nicolas Sarkozy pourrait adresser un premier signal d’apaisement en laissant passer un des amendements ouvrant la porte à un débat sur une réforme systémique – nous y sommes !
Brouhaha sur les travées du groupe socialiste
Voilà pourquoi je parlais de théâtre d’ombres et de cynisme.
Pour ces raisons, ayant retiré notre amendement, nous ne voterons pas les vôtres !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Vous vous dégonflez ! Finalement, c’est l’Élysée qui dicte la conduite du parti socialiste !
Certaines personnes ne comprennent pas bien le sens du mot « répartition ». Pour elles, cela signifie que l’on va répartir de manière égalitaire entre les retraités. En fait, cela signifie que ce sont les actifs qui cotisent pour les retraités.
Le système de répartition, malgré son nom, n’est donc pas égalitaire.
C’est un système inégalitaire ! En effet, comme l’a dit M. Arthuis, il y a des oubliés de la retraite, comme les travailleurs agricoles, les poly-pensionnés, les précaires, qui ne cumulent pas assez d’annuités, et les femmes.
Ce système est inégalitaire, par ailleurs, parce qu’il reproduit les inégalités de carrière.
Les centristes ont dit qu’il valait mieux un système par points.
Nous, nous disons que c’est plutôt de la « capitalisation collective ».
Mais peu importe...
Les centristes considèrent que le système par points est juste parce que le calcul des retraites se fait sur la base des cotisations effectivement versées par chaque salarié. Ce n’est pas ma définition de la justice !
Ce qui est juste, pour moi, c’est de réduire non seulement les inégalités de carrière, mais aussi les inégalités dans les retraites.
Je suis favorable à un système de retraite égalitaire, qui permette à chacun de vivre décemment, et je souhaite que l’écart entre les petites et les grosses pensions soit réduit. Je ne reprendrai pas l’ensemble du débat sur les retraites chapeaux...
Je n’évoquerai pas non plus la question des comptes notionnels, car il est quasiment impossible de garantir un revenu par génération indépendamment de la situation économique ; on l’a vu en Suède, avec la baisse des pensions et l’intervention de l’État qui s’est ensuite révélée nécessaire.
Je pense qu’il nous faut penser un autre rapport au travail.
Au XXe siècle, le travail était indissociable de la création de richesses. Il fallait récompenser le travail, la durée de ce travail et le talent.
Aujourd’hui, la priorité des écologistes est la préservation de la planète, sur tous les plans. Actuellement, certaines innovations technologiques appliquées à la production offrent des perspectives fantastiques, mais elles supposent de changer le mode de production : pour nous, il est fondamental de travailler moins !
Cela implique évidemment une autre organisation sociale : indemniser les chômeurs, prévoir des ruptures de carrière pour la reconversion écologique de l’économie, supprimer les emplois inutiles et gaspilleurs d’énergie.
Par conséquent, nous, nous ne concevons pas d’asseoir intégralement le système sur des cotisations puisque nous allons demander aux gens de travailler moins !
Cela pose le problème d’un autre mode de financement. Pour notre part, nous sommes favorables au maintien du système de répartition basé sur l’activité, mais avec une correction, une régulation par la fiscalité. Voilà ce qui détermine mon vote sur ces amendements.
Je voterai évidemment contre, car, avec les Verts, tout au long de l’examen de ce texte, j’ai défendu un système de répartition juste et solidaire, complété par des financements fiscaux, afin de garantir une société fondée sur la solidarité et l’égalité.
Je suis déçu qu’on ne nous propose de discuter de ces grandes orientations qu’à la fin du débat. Pourtant, nous avions prévu d’aborder cette question du projet de société au début de l’examen de ce projet de loi.
Si nous voulons que le Parlement débatte véritablement, il faut aborder les grands projets de société !
Nous voulons un système de retraite par répartition basé sur l’activité, mais nous considérons qu’il faut réduire l’activité humaine et travailler moins. Pour cela, il faut adopter d’autres modes de production et de consommation.
Nous voulons surtout un système de retraite égalitaire, qui ne soit pas fondé sur le principe « travailler toujours plus » et sur les écarts de salaires faramineux que nous connaissons aujourd’hui.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Une bonne partie du discours du Gouvernement et de sa majorité sur le devenir de notre régime de retraite tient, évidemment, à ce que l’on appelle le papy-boom, c’est-à-dire le choc démographique que constituerait l’arrivée à l’âge de la retraite des générations nombreuses de l’immédiat après-guerre.
Or une étude sur les besoins de financement des retraites dans les différents pays de l’Union européenne d’ici à 2060, réalisée par Eurostat, l’organisme statistique de la Commission européenne, nous indique que la France est loin d’être le pays le plus en peine pour financer son régime de retraite. C’est même l’un des pays où le papy-boom sera le moins onéreux.
En effet, entre 2010 et 2020, la part du produit intérieur brut que nous devrions consacrer à financer les retraites – ce qui n’est pas une utilisation malvenue de la richesse nationale ! – passera de 13, 5 à 13, 6 points, soit un surcoût de 1/10 de point.
Le mouvement de hausse atteindra son apogée en 2035 : nous devrions passer alors de 13, 6 à 14, 5 points de PIB, soit un surcoût de 1 point, avant que le renouvellement des générations ne produise un effet inverse, avec un taux de consommation de la richesse nationale passant de 14, 5 à 14 points entre 2035 et 2060.
S’il faut être attentif au papy-boom, il ne faut pas oublier que les générations plus creuses des années soixante-dix et quatre-vingt seront largement renouvelées par le rehaussement de la natalité que nous enregistrons depuis quelques années ; à tel point, d’ailleurs, que le surcoût relatif des retraites serait de 5/10 de points entre octobre 2010 et 2060 ! Cela place la France en excellente position dans l’Union européenne, où les seuls pays mieux placés sont ceux qui vont connaître probablement un déclin démographique.
La situation de notre pays n’est donc pas celle que vous décrivez. En outre, du fait de la loi Balladur, le taux de dépenses consacrées aux retraites a baissé entre 1996 et aujourd’hui, passant de 13, 5 à 13, 3 points de PIB.
La vérité commande de dire qu’on cherche à inquiéter nos concitoyens pour justifier les sacrifices qu’on leur demande, mais qui n’empêcheront pas, par exemple, l’indexation sur les prix, élément clé de la loi Balladur, de faire sentir ses effets, réduisant les pensions de 63 % à 53 % du dernier salaire en 2035, ce qui encouragera au passage le développement des fonds de pension.
En 1993, quelqu’un disait : « Les fonds d’épargne retraite auront toujours en France un rôle marginal et complémentaire. C’est uniquement si l’on pose ce principe que l’on aboutira à obtenir du législateur et des partenaires sociaux l’incitation à de vrais régimes de capitalisation favorisant l’épargne longue et les fonds propres des entreprises ». L’auteur de cette déclaration est bien connu : il s’agit de Raymond Soubie, qui a coécrit, à la demande du Président de la République, une bonne partie du projet de loi dont nous débattons.
On peut tout dire de cette réforme des retraites, mes chers collègues, sauf qu’elle est dictée par une contrainte démographique. Ce texte vise, en réalité, à réduire la part de la richesse nationale consacrée au financement public des pensions et à s’orienter vers des régimes de capitalisation. Voilà l’objectif de ces trois amendements ! C’est la raison pour laquelle nous voterons contre.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, mes chers collègues, avouez que nous vivons ce soir des choses extraordinaires !
Nous discutons avec vous depuis des jours, messieurs les ministres, mais c’est vous qui avez apporté ce projet de réforme. Et c’est nous qui n’en avons pas voulu, qui avons souhaité l’amender et qui avons guerroyé tout au long du débat. Or vous avez fermé toutes les portes, et il n’a pas été possible d’avoir un véritable dialogue !
Voilà comment les choses se sont passées !
Ce texte a une répercussion immédiate : la réaction des organisations syndicales et des Français qui, dans leur grande majorité, refusent votre réforme. Toute la presse en a parlé !
Des manifestations importantes ont eu lieu, et vous n’avez pas bougé. Vous avez continué à dire que votre réforme était la solution au problème des retraites et que vous ne bougeriez pas.
Nous, nous n’avons cessé de vouloir amender votre projet, mais vous n’avez rien voulu entendre. Nous voici parvenus à l’heure de vérité. Vous ne croyez plus, désormais, à cette réforme, mais vous voulez tout de même l’emporter devant le Parlement !
Comme l’ont dit les uns et les autres, le financement de cette réforme n’était pas du tout assuré. Or vous ne pouvez pas, dans la conjoncture actuelle, faire supporter cette réforme uniquement par les salariés. Ce n’est pas possible !
Vous savez bien que cette réforme était mort-née dès lors que l’on ne trouvait pas d’autres financements. Vous en aviez quelques-uns, mais nous ne pouvions les accepter.
Maintenant, vous allez dans une autre direction, plus vertueuse, en élargissant ce débat.
Il faut rester dans des logiques de clarté et de vérité.
Oui, d’honnêteté.
Vous nous avez apporté une réforme ; nous n’en voulons pas et le peuple n’en veut pas non plus. Cela a déclenché un mouvement social toujours bien présent. Vous voulez vous « tirer des flûtes », et vous croyez que, par-dessus le marché, vous allez réussir ce tour de passe-passe avec notre complicité… Certainement pas !
Ne croyez pourtant pas que nous ne soyons pas conscients qu’il faudra un large débat sur la réforme et son financement. Des propositions ont été faites, il faut pouvoir en discuter.
Enfin quoi, alors que le débat est fini, ou presque, et que vous maintenez vos positions sur une réforme qui est peut-être déjà caduque dans l’esprit de beaucoup d’entre vous, vous voudriez que nous supportions, de manière totalement injuste, une défaite parlementaire et que nous n’en appelions aux Français et aux Françaises ?...
Autrement dit, ce débat est un peu truqué et vous seriez malhonnêtes si vous pensiez, ce soir, nous associer à ces amendements. Comme si nous pouvions, ce soir, vous accompagner, après que vous nous avez refusé toute prise en compte de nos propositions, qui permettaient pourtant d’avancer dans la voie de la vraie réforme, plus juste, qu’attendent les Français et les Françaises ! Il ne saurait en être question !
Nous avons subi votre réforme. D’entrée de jeu, nous savions qu’elle était tout à fait insuffisante. Nous avons, tout au long de ces journées, présenté des amendements. Avouez que la porte était close. Vous n’aviez pas envie d’ouvrir la négociation.
Mme Lucienne Malovry manifeste son impatience.
Nous en sommes là. Dans ces conditions, vous faites ce que vous voulez et, nous, nous irons jusqu’au bout en disant non à cette réforme. Ce n’est pas la réforme que nous voulons !
Certes, il faudrait reprendre tout cela, en particulier sur le plan des financements, à condition bien sûr d’accepter le régime de répartition. Mais ce sera pour un autre jour : le jour où vous aurez avoué que votre réforme n’était pas bonne, qu’elle était mort-née et qu’il fallait, dans ces conditions, la reprendre sur des bases nouvelles, c’est-à-dire avec ceux qui représentent le mouvement social et avec les partenaires habituels, qui s’opposent quelquefois à vous, mais qui peuvent aussi être de votre côté, pour faire la véritable réforme qu’attendent les Français et les Françaises.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Permettez-moi de dire que c’est pour moi à la fois un grand honneur et la source d’une profonde émotion que de prendre ici et en cet instant la parole après Pierre Mauroy. Je n’oublie pas que, jeune syndicaliste, ouvrière d’usine, j’ai porté cette revendication de la retraite à 60 ans pour mes collègues usés par leur travail, puis encore lorsque j’ai été employée dans l’administration, où j’ai eu d’autres collègues qui n’étaient pas moins usés.
La retraite à 60 ans, on y a cru ; Pierre Mauroy l’a instituée à une époque où d’autres valeurs avaient cours, des valeurs républicaines et de solidarité.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Ces amendements proposent l’organisation, à compter du premier semestre 2013, d’une réflexion nationale sur les objectifs et les caractéristiques d’une réforme systémique de la prise en charge collective du risque vieillesse.
Certes, il ne s’agit là que d’un rapport, mais il cache d’autres intentions, nous venons de le voir.
Ces systèmes par points ou en comptes notionnels ont en commun de supprimer une mission fondamentale pour nos régimes de retraite, figurant, par ailleurs, à l’article 3 de la loi de 2003, à savoir assurer un taux de remplacement du salaire défini à l’avance et faire de la variation du niveau des pensions le moyen d’équilibre financier des régimes.
En réalité, cela doit être dit, cette réforme entérine une logique que nous dénonçons : l’application des mécanismes de décote.
En effet, si un salarié décide de hâter son départ à la retraite, il subira de fait deux facteurs de réduction de sa pension : la faiblesse du nombre de points dont il disposera et son espérance de vie, puisque plus l’espérance de vie est longue, plus le dénominateur du ratio est important.
Contestable en soi, cette mesure est gravissime dans le contexte actuel.
Mes chers collègues, nous l’avons dit, surtout à gauche, le Gouvernement ne prend aucune mesure concernant la pénibilité. Il se limite à reconnaître l’incapacité survenue. Les salariés usés par le travail, qui ne trouvent dans ce projet de loi aucune mesure leur permettant de reconnaître la pénibilité de leur travail et de bénéficier d’une retraite sans décote, devront donc subir, s’ils partent tôt, la réduction de leur pension, en raison de l’insuffisance des points qu’ils auront pu obtenir.
Les sénatrices et sénateurs du groupe CRC-SPG ne vous accompagneront pas dans cette logique de réduction des pensions et de poursuite obligatoire de l’activité professionnelle des salariés, au-delà des limites de leur force.
Nous ne voterons donc pas ces amendements qui, comme l’a dit M. Guy Fischer, introduisent les bases de la capitalisation et jettent par-dessus bord la retraite par répartition, socle de notre contrat républicain.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Nous aurions dû commencer par là !
Enfin, on s’aperçoit qu’il nous faut une grande réforme des retraites, qu’elle doit être systémique et aborder les questions du financement.
Christiane Demontès a fait une série de propositions qui montrent que, si nous avions eu ce débat dès le début, nous aurions pu réaliser cette réforme que les Français attendent.
J’ai noté que, dans les propositions qui ont été faites tout à l’heure, une question fondamentale est restée absente de nos débats : l’emploi des jeunes.
Dans ce domaine, nous nous situons tristement dans le peloton de queue de l’Europe. Or nous savons que, si 100 000 jeunes trouvaient un emploi, ce seraient 5, 5 milliards d’euros qui rentreraient dans les caisses de retraite.
On compte 4, 2 millions de personnes inscrites à Pôle emploi. Parmi elles et celles qui sont en formation, il y a 3 millions de chômeurs.
Une question essentielle a été très peu abordée dans nos débats : notre société ne peut pas vivre avec ces millions de chômeurs. Le système de retraite par répartition ne peut pas s’équilibrer avec une telle masse de chômeurs. La question de l’emploi des jeunes doit donc être une obsession si l’on veut équilibrer notre régime de retraite.
Cher collègue Jacques Blanc, monsieur le président About, ne tombons pas dans la caricature : on ne peut pas dire que les socialistes se désistent. Nous avons eu des débats fermés et parfois violents.
On nous a dit : « Circulez, y a rien à voir : ce sera 62 ans et 67 ans, un point c’est tout ! ». Alors, on ne peut pas nous dire ensuite : « Pourquoi ne réfléchirions-nous pas ensemble à un futur idéal où l’on pourrait envisager une réforme systémique ? ».
Nous ne sommes tout de même pas des poulets de la dernière couvée ! Ce n’est pas possible de nous proposer cela !
Après les votes qui sont intervenus, concernant notamment l’allongement de la durée des cotisations à 62 ans, et l’allongement jusqu’à 67 ans pour la retraite pleine et entière, vous introduisez un doute fondamental sur votre volonté de mener à bien une grande réforme systémique des retraites.
C’est la raison pour laquelle nous ne voterons pas ces amendements. Ce n’est pas que nous nous « débinions », bien au contraire. S’il y a alternance – et c’est une vraie nécessité en France ! –, l’une des premières tâches à accomplir sera de mener à bien cette réforme systémique. Et nous nous y engageons, en faisant en sorte de trouver les financements.
Je vous parlais de l’emploi tout à l’heure, mais parlons aussi de la fiscalité. Il nous faut une fiscalité beaucoup plus juste, qui frapperait beaucoup plus les privilégiés.
Vous essayez de faire croire que vous avez le courage de prendre des décisions et que nous, nous ne l’aurions pas. Mais, si !
Nous n’attendons que cela : prendre des décisions, de bonnes décisions pour avoir une réforme juste des retraites.
Il faut une majorité pour cela ! Ce n’est pas avec les communistes que vous pourrez le faire !
Avec ce que vous avez d’ores et déjà voté, vous avez fait plaisir, aux agences de notation. C’est ce voulait Nicolas Sarkozy, qui souhaitait adresser un signal à celles-ci.
Mais le coup porté aux salariés est tellement dur qu’il faudra un autre artifice que celui de ce soir pour le faire oublier.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur quelques travées du groupe CRC-SPG.
Ce soir, nous sommes un peu floués.
Vous avez proclamé votre attachement à ce régime par répartition lors de l’examen de l’article 1er et nous voilà ce soir devant votre volonté d’en terminer avec ce régime et, du moins, de réfléchir à d’autres régimes qui nous inquiètent.
Votre amendement, monsieur le rapporteur, porte atteinte aux solidarités et à la répartition. Cela mérite tout de même que l’on s’y attarde.
Si cet amendement et ceux qui y sont identiques devaient être adoptés, ils conduiraient à une individualisation des retraites et à un écrasement inédit du montant des pensions puisque le salarié ne connaît pas le montant de sa pension, il ne connaît que le montant des prélèvements.
Il s’agit d’un écrasement des pensions. Le mécanisme que propose, par exemple, M. Arthuis a pour effet de calculer les droits à retraite des salariés sur l’intégralité de leur vie active et non sur les vingt-cinq meilleures années, comme c’est le cas dans le privé, et les six derniers mois, comme dans le public.
De ce fait, les périodes de précarité et de chômage entrent dans le calcul, de la même manière que les périodes d’activité.
Cette prise en compte automatique des mauvaises années, si le salarié ne parvient pas à les compenser par des efforts supplémentaires, entraîne donc une baisse de sa pension.
Là encore, derrière des apparences de bon sens et peut-être même de justice, cette disposition sera génératrice d’inégalités, notamment envers les femmes, dont nous avons tant parlé, mais aussi pour celles et ceux qui ont des carrières non linéaires et qui subissent régulièrement ou durablement des périodes de chômage ou de sous-emploi.
Ce mode de calcul réduit la pension de celui qui a subi des années moins bonnes ou imparfaitement prises en compte. Cela prolonge pendant la retraite les inégalités de la vie active. Les femmes, qui subissent plus que les hommes la précarité, seront, une nouvelle fois, les victimes de cette mesure.
Elles le seront d’autant plus que, en Suède comme en Italie, le basculement vers des régimes similaires a conduit à une diminution tout à fait notable des ressources issues des mécanismes des pensions de réversion.
En effet, dans ce système, le salarié perçoit une pension qui correspond strictement à l’argent que lui-même et son employeur ont déposé sur le compte, complété par les intérêts accumulés sur ce dernier. La réversion ne devrait être attribuée que si le salarié le décide, en réduisant sa pension, car il ne peut pas dépenser plus que son capital acquis.
À titre d’exemple, en Italie, le calcul de la pension de réversion est automatiquement intégré dès le premier euro versé sur le compte du salarié, tandis que, en Suède, le montant de la pension de réversion minore le total de la retraite. Quand on connaît la part que représentent les mécanismes de réversion dans la pension des femmes, il y a de quoi s’inquiéter !
À propos de la Suède, comment oublier que, après avoir augmenté de 30, 2 % en 2005, 12 % en 2006 et 5, 6 % en 2007, la valeur annuelle des fonds y a baissé de 34, 5 % en 2008 ? Enfin, en 2009, la baisse des retraites a été de 4 %, ce qui provoque d’ailleurs là-bas de vives inquiétudes, et on le comprend puisque cette mesure transforme de facto, contre leur volonté, les salariés en acteurs de la bourse, avec les risques que cela comporte. Or c’est bien là que vous voulez conduire la France et les salariés de ce pays.
Enfin, les dispositions de ces amendements reviennent, en basculant le système vers un régime dit « à cotisations définies », à figer pour toujours le partage des richesses à un moment donné. C’est postuler que l’accroissement des richesses résultant notamment de la hausse de la productivité des salariés français n’aurait plus à être partagé qu’entre les actionnaires ; ce postulat, nous le réfutons.
Nous voterons donc contre ces amendements.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
Tout d'abord, je voudrais revenir sur un point de forme, qui n’est pas qu’un détail : j’ai entendu Christiane Demontès affirmer que le Sénat découvrait aujourd'hui un projet d’amendement qui n’avait pas été examiné en commission.
Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
J’ai aussi entendu Annie David s’étonner que nous ayons rectifié notre amendement pour ramener notre horizon de 2014 à 2013. En fait, en accord avec la présidente Muguette Dini, j’ai déclaré aux membres de la commission qu’un thème aussi important méritait un débat en séance publique. Sur ce point, ce soir, nous sommes comblés ! Je regrette d'ailleurs que, pour d’autres questions, nous n’ayons pas eu la sagesse de nous écouter davantage et d’être un peu plus constructifs… Nous y sommes malgré tout parvenus en quelques occasions !
Voilà pour la forme. Je ferai maintenant une remarque de fond.
En 2003, une réforme essentielle a eu lieu. Nous avons d'ailleurs la chance de compter parmi nous le Premier ministre de l’époque, Jean-Pierre Raffarin, qui l’a conduite avec François Fillon, le Premier ministre d’aujourd'hui. Or, pour nous en tenir au thème financier, puisque c’est celui que vous privilégiez, chers collègues de l’opposition, tous deux ont choisi de se situer dans la perspective des années 2030-2050, ce qui a d'ailleurs suscité les hurlements de tous ceux qui trouvaient cette échéance trop éloignée.
Jean-Pierre Raffarin et François Fillon ont affirmé leur ambition de couvrir 60 % de la dépense mais, dans un souci de prudence, ils nous ont donné rendez-vous tous les quatre ans. En effet, ils ont souligné avec sagesse que, si nous établissions des règles rigides, celles-ci ne résisteraient pas au temps, car nous ne maîtrisons pas l’environnement extérieur.
Revenons maintenant aux préconisations du COR. Cet organisme, au-delà des hypothèses qu’il a tracées, souligne que, si nous ne faisons rien, il faudra baisser de 42 % le montant des pensions, cotiser sept à huit années de plus – je n’évoque même pas les échéances de cet allongement – ou augmenter de façon exorbitante les cotisations.
En outre, chers collègues de l’opposition, il y a un événement que vous oubliez : en 2009, pour la première fois depuis 1945, les rentrées fiscales ont diminué et la masse salariale s’est réduite de près de 5 % !
Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
L’échéance qui devait survenir en 2030 ou au-delà s’est rapprochée de nous d’une dizaine ou d’une vingtaine d’années – nous n’allons pas chipoter sur la date exacte.
Il y avait donc urgence. Le Gouvernement n’a pas avancé de deux ans l’échéance prévue pour se faire plaisir ! Il a pris un risque. Il a considéré que, compte tenu de l’urgence de la situation, une réforme paramétrique s’imposait. Et nous faisons face à ce problème.
Chers collègues, si nous vous présentons ces amendements ce soir, c’est parce que, pour préparer l’avenir, nous ne devons pas attendre les échéances prévues, c'est-à-dire 2018 ou au-delà !
Les membres de la MECSS se sont rendus dans les pays voisins et ils ont constaté que, partout, pour mener une réforme digne de ce nom, il fallait un certain nombre d’années de préparation – certains évoquent une dizaine d’années. Nous n’avons rien inventé !
Le Sénat a pris la précaution de demander au COR si une telle réforme était possible. Il a répondu que, techniquement, elle l’était. Aujourd'hui, par conséquent, nous regardons l’après-2018, mais cela suppose, comme vous l’avez toujours souligné, chers collègues, une véritable réflexion nationale préalable : c’est ce qui figure dans les premières lignes de l’amendement que j’ai déposé !
Chers collègues de l’opposition, je vous ai écoutés et ce qui m’a frappé, même si je n’ai pas voulu vous le dire tout de suite, c’est que vous ne cessez d’opposer votre projet au nôtre. Toutefois, vous oubliez simplement que, aujourd'hui, c’est l’exécutif qui a l’initiative ! Nous sommes ici pour discuter du projet du Gouvernement, et voilà tout. Nous pouvons l’améliorer
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
, mais vous n’avez pas la possibilité de présenter votre projet. Il est trop tard ! Il fallait le faire en 1991, quand M. Rocard vous a réveillés et que vous avez refusé de l’entendre. À cette époque vous pouviez présenter un projet. Mais qu’est-ce qui vous a manqué ? Le courage !
Vives protestations sur les mêmes travées.
Aujourd'hui, un gouvernement responsable sauve le système par répartition, …
M. Dominique Leclerc, rapporteur. … qui disparaîtra demain si nous ne faisons rien.
Mêmes mouvements sur les mêmes travées.
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
M. Mauroy, avec tout le respect que je lui dois, a évoqué des tours de passe-passe. Je n’ai pas son expérience politique et j’ignore ce dont il veut parler. D’autres connaissent peut-être mieux ces techniques !
Sourires entendus sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Nous, nous sommes ici pour préparer l’avenir, nous sommes responsables et, je le répète, nous voulons rendre confiance aux jeunes, qui ne croient plus en ce système.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Enfin, je suis désolé que vous n’ayez pas eu la patience de lire le rapport de la MECSS, que préside Alain Vasselle.
Nous avons toujours dit, parce que c’était évident, que le problème essentiel, c’était l’emploi.
Cessez de caricaturer ainsi la majorité, car c’est insupportable. Bien sûr que notre souci premier est l’emploi, parce que c’est de celui-ci que dépendent les cotisations sociales.
Relisez notre rapport : nous nous sommes inquiétés de l’emploi des seniors, mais aussi et surtout de celui des jeunes. En effet, nous partageons tous le souci de faire entrer le plus rapidement possible les jeunes dans le monde du travail, non seulement pour qu’ils versent des cotisations, mais aussi pour qu’ils trouvent leur place dans la société française.
Vous avez tout à l’heure tenu des propos totalement anachroniques, divisant la vie des gens en trois parties : l’éducation, le travail et la retraite. Mais qui vit ainsi autour de vous ? Sortez de votre bulle !
Protestations continues sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Les Français, eux, ont parfaitement compris, et depuis longtemps, que la formation se faisait tout au long de la vie.
Hier, vous avez caricaturé mes propos sur le départ à la retraite progressif. Vous ne les avez pas compris parce que vous ne voyez pas ces gens – et il y en a – qui veulent continuer à travailler tout en profitant d’un début de retraite. Ce point figure dans notre projet.
Chers collègues de l’opposition, demain, c’est vous qui aurez eu tort de ne pas avoir soutenu une réforme qui est urgente et, surtout, qui est portée par une véritable vision d’avenir.
Vifs applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Chers collègues, je citerai simplement le rapport d’information de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, enregistré à la présidence du Sénat le 18 mai 2010, c'est-à-dire il y a cinq mois, et intitulé : « Retraites 2010 : régler l’urgence, refonder l’avenir ».
Régler l’urgence, c’est précisément ce que nous sommes en train de faire à travers ce projet de loi. Pour ce qui est de la refondation de l’avenir, je vous renvoie aux pages 134 et 135 de ce rapport où l’on peut lire ceci :
« L’année 2010 pourrait être l’occasion de poser le principe d’une telle réforme et de définir, à l’issue du processus de modification des paramètres des régimes de retraite en cours […] » La réforme en question est celle qui est visée par les trois amendements identiques.
À la page suivante : « Ce temps du débat permettrait d’envisager toutes les hypothèses et de réfléchir à la gouvernance du futur système. »
Et pour clore ce chapitre, les auteurs du rapport écrivent, en caractères gras : « La MECSS souhaite qu’au-delà des obligations financières et comptables qui lui sont assignées, le rendez-vous 2010 pour les retraites puisse être également le moment de l’engagement d’une véritable refondation du pacte intergénérationnel qui a présidé, voilà soixante-cinq ans, à la création de l’assurance vieillesse. »
Tel est précisément l’objet de ces trois amendements.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.
Au mois de mai dernier, le document d’orientation rédigé à l’issue de la première phase de concertation avec les organisations syndicales et largement diffusé précisait : « Le Gouvernement n’écarte pas pour le long terme la piste d’une réforme systémique du mode de calcul des droits (régime par points en comptes notionnels, toujours dans le cadre de la répartition). » Voilà qui était tout à fait clair.
J’insisterai sur la cohérence d’un tel projet avec la réforme de 2010. Aujourd'hui, il est naturel, dans un premier temps, d’assainir les comptes de l’assurance vieillesse. Nous ne pouvons continuer à laisser les déficits s’accumuler dans nos régimes. Nous devons réformer, et il y a urgence : la démographie, puis la crise, qui a suscité une certaine accélération des tendances à l’œuvre, nous obligent à faire évoluer fortement le système de retraite. C’est ce que nous faisons et nous l’assumons. Nous en avons d'ailleurs débattu au cours de ces dernières semaines.
Néanmoins, dans un deuxième temps, il est aussi naturel de se poser la question de l’évolution de notre régime, sans fermer aucune porte. Pourquoi s’interdire de lancer une telle réflexion ? Ce serait une erreur. C'est pourquoi nous acceptons les amendements qui ont été déposés à la fois par le groupe de l’Union centriste, l’UMP et M. le rapporteur.
Déclencher ensemble cette réflexion nationale sur le passage éventuel à un système de retraites par points ou en comptes notionnels qui, quelle que soit sa forme, resterait au fond universel, constitue un enrichissement de notre pacte social.
Cela ne veut pas dire que nous adopterons un tel système. Nul ne peut préjuger de la décision finale, et nous n’allons pas conclure ce débat avant même de l’avoir commencé.
Monsieur le rapporteur, à travers l’amendement que vous avez déposé, vous proposez de lancer cette réflexion à partir de 2013 et de la poursuivre au-delà de cette date. Il reviendra au Gouvernement et à la majorité qui seront au pouvoir à ce moment-là de faire le nécessaire après 2018-2020 pour changer, ou non, le système de retraite français. Pour cela, il faut un débat sur le long terme, comme celui qu’ont mené d’autres pays, car il s'agirait évidemment d’un changement de culture dans le domaine des retraites.
Au demeurant, mesdames, messieurs les sénateurs du groupe CRC-SPG, ce ne serait pas un changement total. En effet, l’AGIRC et l’ARRCO sont des régimes par points, qui sont gérés par les partenaires sociaux.
Ce ne serait donc pas une absolue nouveauté dans la France d’aujourd'hui, où il existe déjà, à côté du régime général, des systèmes par points, qui sont gérés par les partenaires sociaux.
Je voulais tout de même le souligner.
Mon propos est totalement cohérent, tout comme les choix que nous avons faits : les acquis de la réforme de 2010 peuvent être parfaitement basculés dans un régime par points ou en comptes notionnels.
La notion d’âge vaut également dans un régime universel. Quand il atteint l’âge requis, un salarié peut solder les points qu’il a acquis tout au long de sa carrière.
La notion de pénibilité est évidemment aussi très importante dans ces régimes. Il en va de même pour la notion très importante de carrière longue, qui suppose l’anticipation de la retraite. Et la question de l’emploi des seniors est également majeure.
Tout ce que nous faisons aujourd’hui pour réformer nos retraites pourra constituer une base solide si, éventuellement, la France des années 2020 choisissait de changer son système de retraite.
Nous devions absolument nous poser cette question du basculement vers un autre système de retraite, mais nous devions auparavant assurer l’équilibre financier de ce système de retraite : c’est un impératif moral, c’est la première justice que nous devons aux Français ! Cet équilibre est obtenu, par le projet de réforme du Gouvernement, à partir de 2018. Il est par conséquent logique qu’à partir de cette date il soit possible de réfléchir au régime universel.
Enfin, si vous me permettez de m’avancer sur un terrain plus polémique, mesdames, messieurs les sénateurs de gauche, je dirai que je vous ai trouvés très laborieux dans ce débat.
Protestations sur certaines travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
M. Éric Woerth, ministre. Vous souhaitiez, notamment par votre amendement, et vous nous l’avez répété sans cesse, explorer la piste du régime systémique. Vous pourriez nous dire – qu’importe qui a eu l’idée en premier ! – que vous êtes prêts à nous accompagner au moins sur ce point. Ç’aurait été bien de le faire. Mais la réalité est que vous êtes gênés par cette proposition
Hourvari sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
M. Éric Woerth, ministre. … par le courage que nous déployons à vouloir sauver le système par répartition et par le fait que nous souhaitions prolonger cela par une réflexion approfondie dans le cadre d’un débat national sur la réforme systémique. Bref, rien ne change !
Applaudissementssur les travées de l’UMP, ainsi que sur plusieurs travées de l’Union centriste.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 1220 rectifié, 558 rectifié quinquies et 652 rectifié bis.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public, émanant du groupe UMP et du groupe Union Centriste.
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 79 :
Nombre de votants339Nombre de suffrages exprimés338Majorité absolue des suffrages exprimés170Pour l’adoption198Contre 140Le Sénat a adopté.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 3 octies.
Par ailleurs, l’amendement n° 327 rectifié bis n’a plus d’objet.
Monsieur Arthuis, l’amendement n° 557 rectifié bis est-il maintenu ?
Mes chers collègues, je tiens à vous dire que cet amendement est l’expression d’une conviction.
Monsieur le ministre, vous vous êtes interrogé sur l’opportunité d’un régime universel.
Lorsque, dans quelques semaines, vous nous présenterez le projet de loi de financement de la sécurité sociale, vous allez nous demander d’affecter des impôts au financement des retraites. Nous sommes donc sortis de la stricte répartition. En effet, l’État, mobilisant à cette fin une partie du produit des impôts, participe au financement d’une partie des retraites, comme il participe à celui d’une partie des régimes de santé et de famille. Dès lors qu’il y a financement par le produit de l’impôt, il y a nécessairement universalité et régime unique.
Il est urgent, monsieur le ministre, de mettre un terme à tant d’injustice dans le calcul des pensions comme dans l’âge de départ à la retraite. Dans ces conditions, il nous paraît également urgent d’instituer des comptes individuels de cotisations.
Et il convient, chers collègues de gauche, de ne surtout pas caricaturer cette démarche. En effet, si nous voulons prendre en compte les longues carrières, qui méritent certains égards, il n’y a pas d’autre solution.
Nous connaissons l’espérance de vie et pouvons l’estimer par catégories professionnelles. Il est ainsi possible de permettre à chaque Français sentant venir l’âge « possible » du départ à la retraite, de connaître – compte tenu de ce qui s’est accumulé en points sur son compte individuel de cotisations, et de son espérance de vie à cet instant – le possible montant de sa pension. S’il estime alors qu’elle est trop modeste, il a la liberté de continuer à travailler pendant un, deux, trois ans. C’est un système qui doit être transparent.
Croyez-moi, chers collègues, il n’y a pas matière à hésitation.
Certes, la réforme que nous avons votée ici au fil des jours, depuis deux semaines, contribue au colmatage financier, avec l’espérance d’un équilibre entre les recettes et les dépenses en 2018. Le problème de la justice demeure toutefois entier. Celui de la transparence, aussi.
C’est la répartition que nous voulons préserver ! J’ai entendu dire que ceci constituerait un glissement vers un régime par capitalisation. Absolument pas !
Ce que nous proposons est la réponse aux deux maux majeurs dont souffre notre système de retraite. Le mal financier sera réglé par la réforme que nous soumet le Gouvernement. Il nous reste à régler le problème de la justice, et il n’y sera pas répondu sans que soit institué un régime de compte individuel de cotisations.
Pour ces raisons, je maintiens notre amendement, qui est, je le répète, monsieur le président, l’expression d’une conviction profonde.
Si vous me le permettez, monsieur Arthuis, j’opposerai ma propre conviction à la vôtre.
Lorsque nous avons présenté notre amendement, nous n’avons jamais parlé de transposer chez nous un système qui n’est pas le nôtre.
Si nous demandons un large débat national, ce n’est pas pour arrêter d’ores et déjà une grille de réflexion. Nous voulons simplement davantage de transparence, une autre gouvernance. Ce ne devrait pas être trop difficile puisque, pour l’heure, nous sommes les champions de la complexité : trente-huit régimes, des centaines de mutuelles…
Nous avons surtout dit que nous voulions plus d’équité, au travers d’un système par points. Mais, dans un tel système, il est possible de garder le système par annuités : ce n’est pas incompatible. Il est possible de faire un basculement en une année aussi bien qu’en dix années.
Nous n’avons pas eu la prétention de dire s’il fallait un régime unique ou non. Nous avons eu la sagesse de laisser au débat et à la réflexion la possibilité de formuler une proposition à ce sujet.
Je pense qu’il est aujourd’hui prématuré d’affirmer qu’il est possible de transposer en France un modèle étranger pour régler tous nos problèmes. Il faut laisser une ouverture. Si cela prend quelques années, nous aurons tout le temps d’accommoder la « copie » à notre réalité et à ce que nous espérons, c’est-à-dire une équité accrue.
Je n’ai pas voulu trop insister sur ce point, mais nous avons un système de retraite très injuste en France. Il n’y a rien d’aussi injuste que les retraites ! C’est d’ailleurs pourquoi nos concitoyens envient nos retraites de parlementaires. Je le dis toujours, il n’est pas possible de promettre une retraite de parlementaire ou de conservateur des hypothèques à chacun des Français, mais il est grand temps de faire quelque chose pour avancer dans le sens de l’équité.
Dans la réforme de 2003, il y a quelque chose qui est passé inaperçu, et sans doute êtes-vous comme moi concerné, cher Jean Arthuis, puisqu’il s’agit des professions libérales : pour dix caisses, nous sommes arrivés à garantir qu’à revenu égal correspondaient cotisations égales et prestations égales. Pourquoi serait-il impossible d’y arriver à une plus grande échelle, selon le principe de la solidarité ?
Toutefois, certains de nos collègues sont gênés par l’idée – une idée qui correspond chez nous à une conviction – selon laquelle, dans un système par répartition comme le nôtre, on peut parler d’un plancher qui serait peut-être plus proche de la réalité des besoins des Français, mais aussi de son corollaire, à savoir un plafond ! Voilà ce qui déplaît !
Pourquoi avons-nous été combattus si fortement à propos du complément de retraite s’appuyant sur de l’épargne retraite ? Là encore, tout le monde se cache derrière son petit doigt ! Car tous ceux qui le peuvent profitent de la Préfon, c’est-à-dire d’un système par capitalisation, à l’instar des régimes additionnels.
Aujourd’hui, donnons-nous les moyens d’instaurer un système solidaire et plus juste pour tous les Français. Voilà quel était le sens de notre amendement. Reconnaissons la vérité, ouvrons les yeux ! Moi, j’ai toujours dit : les tours de passe-passe, on ne connaît pas et l’hypocrisie, on essaie de ne pas trop en faire preuve !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 557 rectifié bis.
Monsieur Arthuis, je respecte vos convictions profondes. Je souhaite seulement que les nôtres bénéficient du même respect.
Vous prétendez que votre amendement a pour objet de pallier le déficit du régime de retraite par répartition grâce à l’intervention de l’État. Mais force est de rappeler que, s’il manque plus de 30 milliards d'euros dans les caisses de notre protection sociale, c’est du fait de la politique d’exonérations des cotisations patronales que mène le Gouvernement. §Dans la mesure où c’est lui, avec la politique qu’il a mise en place, qui est responsable de cette situation, il est normal que ce soit lui qui compense !
Notre conviction à nous, c’est que, pour sauver notre système de retraite par répartition, il faut une autre politique de l’emploi et une autre politique de prélèvements en direction des entreprises, afin de revoir tous les avantages dont elles bénéficient en la matière.
La Cour des comptes a rendu public, sur ce point, un chiffre proprement incroyable : la politique d’exonérations du Gouvernement coûte 172 milliards d'euros par an. C’est peut-être en ayant ce chiffre à l’esprit qu’il faut d’urgence engager une réflexion en vue d’élaborer un autre financement de notre système de retraite par répartition.
M. Pierre-Yves Collombat. Conviction pour conviction, je tiens à dire à Jean Arthuis que tout le monde est d’accord sur l’idée qu’il faut un système juste. Mais qu’est-ce que la justice ?
Murmures sur les travées de l ’ UMP.
M. le président. Je ne suis pas sûr, en effet, que ce soit la question à se poser à deux heures trente du matin…
Nouveaux sourires.
Évidemment, là, ça devient un peu compliqué. Ce qui est juste, est-ce un système qui rend au retraité ce qu’il a cotisé ou bien un système qui va plus loin ? Cette question pourrait à elle seule à nourrir de longs débats !
Je n’ai sans doute pas bien compris la présentation de cet amendement, mais il me semble que le dispositif qu’il tend à mettre en place contient un élément que je trouve assez urticant. Il serait prévu une sorte de calcul rapportant le montant des cotisations de chacun à l’espérance de vie de sa génération. On a l’impression d’être devant un système d’assurance où le risque, c’est le risque de vivre ! En d’autres termes, avec cet amendement, plus vous risquez de vivre – c'est-à-dire de vivre longtemps –, moins vous aurez de retraite. C’est un peu bizarre…
Certes, cette proposition a le mérite de poser le problème et de rappeler la nécessité d’engager une réflexion globale, ce sur quoi nous ne pouvons qu’être tous d’accord. En revanche, je n’ai pas été totalement convaincu par la mesure proposée.
Nous avons voulu savoir ce que cette proposition de MM. Vanlerenberghe et Arthuis signifierait concrètement pour un salarié. En effet, dès lors qu’ils maintiennent leur amendement, il est logique d’éclairer la décision que nous avons à prendre à son sujet de quelques éléments d’appréciation.
Nous avons pris le cas d’un individu percevant un salaire brut moyen de 1 500 euros par mois et cotisant pendant 42 ans, puisque c’est ce que prévoit le projet de loi, sur la base de 120 euros par mois. La cotisation globale de ce salarié, au fil de ses années de travail, s’élèvera donc à 60 480 euros. On peut estimer que cette somme sera génératrice d’une rémunération telle qu’il pourra espérer disposer, au moment de la liquidation, d’environ 120 000 euros de pension totale. Bien sûr, ce n’est qu’une hypothèse, car on ne sait rien de la façon dont les sommes correspondant à ses cotisations pourraient être placées et rémunérées.
Si, au moment où il demande la liquidation de ses droits, son espérance de vie, puisque c’est cela qui est pris en compte pour le calcul du montant de sa pension, est de vingt ans, il percevra 6 000 euros par an – c'est-à-dire 120 000 euros divisés par 20 –, soit exactement le tiers de ce que représentait la dernière rémunération annuelle !
Examiner la situation ainsi, avec des cas concrets, permet d’avoir des éléments d’analyse. Comme nous n’étions pas convaincus par le système, nous avons choisi une approche rigoureuse.
À l’évidence, la solution offerte à travers cet amendement ne peut nous satisfaire : la pension qu’elle permettrait de verser se rapprocherait beaucoup d’un minimum vieillesse et nous ferait basculer dans un régime qui s’apparenterait au système américain.
L'amendement n'est pas adopté.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 21 octobre 2010 :
À onze heures quarante-cinq :
1. Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites (n° 713, 2009-2010)
Rapport de M. Dominique Leclerc, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 733, 2009-2010).
Texte de la commission (n° 734, 2009-2010).
Avis de M. Jean-Jacques Jégou, fait au nom de la commission des finances (n° 727, 2009-2010).
Rapport d’information de Mme Jacqueline Panis, fait au nom de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes (n° 721, 2009-2010).
À quinze heures, le soir et la nuit :
2. Questions d’actualité au Gouvernement.
3. Suite du projet de loi portant réforme des retraites.
En application de l’article 60 bis du règlement du Sénat, la conférence des présidents a décidé que le Sénat se prononcerait sur l’ensemble du projet de loi par un scrutin public à la tribune.
4. Éventuellement, projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la limite d’âge des magistrats de l’ordre judiciaire (n° 714, 2009-2010).
Rapport de M. Yves Détraigne, fait au nom de la commission des lois (n° 728, 2009-2010).
Texte de la commission (n° 729 rectifié, 2009-2010).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le jeudi 21 octobre 2010, à deux heures trente-cinq.