Intervention de Jacques Muller

Réunion du 7 février 2008 à 15h00
Organismes génétiquement modifiés — Article 5

Photo de Jacques MullerJacques Muller :

Depuis le début de notre discussion, M. le rapporteur a indiqué à plusieurs reprises qu'il considérait le seuil de 0, 9 % comme le seul acceptable. Selon lui, ce seuil est incontournable parce qu'il est défini au niveau européen.

Sur le plan éthique, le droit de produire sans OGM contenu dans l'article 1er doit être appréhendé comme un droit à ne pas être pollué. Pour l'agriculteur dont les productions relèvent de filières de production identifiées « sans OGM », le seuil d'étiquetage de 0, 9 % n'a pas de sens. Il en va de même pour le consommateur. Il s'agit d'un seuil de contamination maximal à partir duquel le consommateur doit être prévenu que « ce produit contient des OGM ».

Selon un sondage CSA du 4 février 2008, 71 % des Français estiment qu'un produit étiqueté « sans OGM » ne doit contenir absolument aucun OGM.

Sur le plan juridique, par rapport à la dimension européenne de cette question très technique, M. le rapporteur a raison en ce qui concerne l'obligation d'étiquetage. Mais il a tort lorsqu'il parle du seuil de contamination déclenchant d'éventuelles indemnisations, ou bien de la charge de la responsabilité en cas de contamination avérée.

En effet, ce seuil de déclenchement de responsabilité n'est pas déterminé par la réglementation européenne : c'est aux États membres qu'il incombe de légiférer sur les indemnisations et sur la responsabilité. La directive 2001/18/CE les y invite très clairement : il faut éviter la présence d'OGM dans d'autres produits.

Il faut par conséquent empêcher que le seuil d'étiquetage ne détermine en quelque sorte un seuil de contamination fortuite ou techniquement inévitable au-dessus duquel il devient nécessaire d'informer le consommateur : le fameux taux de 0, 9 % ne résulte que de tractations politiques entre les États membres de l'Union européenne et les industries agroalimentaires.

Il ne faut pas confondre ce seuil d'étiquetage avec le seuil de détection, qui définit scientifiquement le « sans OGM ». Ce dernier est fixé par les États, lesquels doivent traduire dans leurs législations le principe bien connu de responsabilité appliqué à la production agricole.

Ainsi, la loi allemande prévoit l'indemnisation en cas de contamination « notamment en dessus de 0, 9% », ce qui veut aussi dire en dessous. L'Italie a fait de même. La Styrie, région de l'Autriche qui soutient le développement de l'agriculture biologique, a fixé ce seuil à 0, 1 % de la production.

En aucun cas, la Commission européenne, pourtant réputée particulièrement vigilante quant aux obstacles juridiques que pourraient mettre les États en vue de freiner la diffusion des OGM dans l'environnement ou de contourner la règle de la libre concurrence, n'a été en mesure de contester juridiquement les dispositions prises.

Par conséquent, imposer le seuil de 0, 9 % comme une réalité européenne incontournable est, au plan juridique, une erreur.

En toute rigueur, le seuil de contamination de la production - c'est l'objet de l'article dont nous allons discuter - ne peut être que le seuil de détection fiable, c'est-à-dire reproductible lors des analyses. C'est ce que l'on appelle le seuil de quantification, soit 0, 1 %. Je souligne au passage qu'il est déjà appliqué dans notre pays par les filières bio « sans OGM ».

Légiférer en niant cette réalité juridique signifierait que la fixation du seuil de déclenchement de la procédure d'indemnisation des victimes de contaminations répondrait non plus à l'objectif contenu dans l'article 1er, à savoir la liberté de produire sans OGM, mais à d'autres considérations nettement moins avouables, comme celle d'« ouvrir les vannes » des cultures d'OGM au risque de mettre en difficulté l'agriculture de qualité au sujet de laquelle je me suis déjà exprimé.

Nos concitoyens et les consommateurs sauraient apprécier ce nouveau détournement des engagements du Grenelle !

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