Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le vote du traité de Lisbonne mettra fin à une période de trouble et d'immobilité en Europe : de trouble, parce que les « non » français et néerlandais, exprimés par deux pays fondateurs de la Communauté économique européenne, ont ébranlé l'Union et l'ont fait douter de son avenir ; d'immobilité, parce que la règle de l'unanimité et la recherche de compromis improbables ou précaires empêchaient tout progrès significatif de la construction européenne et, à terme, la condamnaient à l'impuissance, voire au délitement.
Il faut savoir gré au Président de la République de s'être employé avec ardeur et conviction, dès son élection, à rechercher les moyens de sortir de l'impasse et, tout en tenant compte du vote des Français, à donner un nouveau départ à l'Europe.
Il faut également rendre hommage au Chancelier d'Allemagne, Angela Merkel, qui a su convaincre nos partenaires d'aboutir à un règlement acceptable par tous, conciliant le respect de la souveraineté des États membres avec une extension du domaine d'action communautaire.
Comme le constate M. Sauron, « traité réformateur plutôt que refondateur », le traité de Lisbonne ne se substitue pas aux traités existants et il ne les remplace pas : il les complète et les améliore.
Notre excellent rapporteur Jean François-Poncet, dans un rapport remarquable par sa clarté, son exhaustivité et sa concision, décrit avec minutie le dispositif du traité, les nouvelles instances qu'il crée, la nouvelle répartition des compétences comme les avancées importantes qu'il permettra. Aussi me garderai-je de paraphraser, avec moins de talent que lui, ses propos.
Nous ne pouvons que nous féliciter de voir l'Union européenne dotée d'une gouvernance plus efficace et cohérente, de compétences clarifiées, plus étendues et mieux définies, d'un contrôle démocratique perfectionné grâce à l'extension des pouvoirs du Parlement européen et de ceux qui sont reconnus aux parlements nationaux, grâce aussi et surtout à l'extension du domaine des votes à la majorité qualifiée qui rendra possible l'adoption de véritables politiques communes.
Le traité de Lisbonne nous fournit des outils pour forger ces politiques censées apporter des réponses et des solutions concrètes aux questions que se posent les citoyens européens comme aux grands problèmes auxquels ces derniers se trouvent confrontés.
Le Président de la République a énuméré les grands chapitres qu'il entendait ouvrir lors de la présidence française, au second semestre 2008. Il s'agit de l'immigration, de l'énergie, de l'environnement, de la politique étrangère et de défense et, sans attendre l'échéance de 2013, de l'étude des nouveaux fondements d'une politique agricole commune.
Les Européens doivent comprendre que, devant les défis que leur posent l'immigration incontrôlée, le réchauffement climatique, la raréfaction des énergies fossiles et les menaces mettant en cause leur sécurité, la coopération intergouvernementale est insuffisante. Dans ces domaines, seules des actions globales menées sur l'ensemble du territoire de l'Union et financées par le budget communautaire peuvent désormais conduire à des résultats indéniables.
Il est non moins clair que, sans une coopération véritablement harmonieuse entre les instances chargées d'élaborer les politiques budgétaires et fiscales et celles qui s'occupent de la politique monétaire, le développement de l'économie européenne sera constamment freiné. Par exemple, faute de disposer d'un taux de change unique, l'Europe se trouve désarmée devant les États qui utilisent leur monnaie pour promouvoir leurs exportations.
Enfin, pour préserver les acquis de la politique agricole commune, à laquelle la France est profondément et justement attachée, il nous faudra nous adapter aux nouvelles règles du jeu et nouer des alliances nous permettant d'obtenir la majorité qualifiée. Cette recherche demandera autant d'habileté que de constance.
Nous sommes tous conscients de l'importance que revêt, pour l'Europe, l'existence d'une véritable politique étrangère qui soit à l'image de la puissance démographique et économique de l'Union. Or il n'est pas sûr que les instances prévues par le traité favorisent son émergence, tant les attributions respectives du président du Conseil européen, du haut représentant, du président du Conseil des affaires étrangères et du président de la Commission risquent de se chevaucher. Cette complexité peut nuire à l'action commune : il faudra beaucoup de diplomatie et de souplesse pour éviter les conflits, et bien de l'imagination pour les transcender.
Toutefois, sans une défense européenne, la politique étrangère de l'Europe n'aura pas de consistance. La politique de défense ne verra le jour que si elle trouve sa place dans une OTAN rénovée, ce qui suppose un accord préalable avec les États-Unis. Le choix est non pas entre la politique de défense et l'OTAN, mais entre le maintien d'une vision et de structures de l'Alliance qui datent de la Guerre froide et une nouvelle répartition des tâches, au sein de l'Alliance, qui confierait aux partenaires européens une mission propre et une large autonomie.
La seconde condition est l'acceptation, par les pays de l'Union européenne, d'une contribution plus équilibrée à l'effort de défense, qui se traduirait par un accroissement des crédits budgétaires des États membres. L'Agence européenne de défense peut être l'instrument de cette ambition.
Enfin, je voudrais affirmer une conviction : le maintien et le renforcement de l'entente entre la France et l'Allemagne constitue une condition essentielle de la redynamisation de la construction européenne. Chaque fois que nos deux pays ont agi de concert et se sont efforcés de faire converger leurs politiques et leurs analyses, la construction européenne a réalisé des progrès décisifs.
Toutefois, pour que nos politiques convergent, encore faut-il qu'elles soient assises sur des valeurs partagées. La France aura du mal à convaincre ses partenaires si elle ne procède pas à un redressement rapide de ses finances publiques et à des réformes fondamentales qui ne fassent plus douter de son aptitude à s'adapter au monde moderne.