Intervention de Jean François-Poncet

Réunion du 7 février 2008 à 21h30
Traité de lisbonne — Adoption définitive d'un projet de loi

Photo de Jean François-PoncetJean François-Poncet, rapporteur :

La politique étrangère et de défense commune s'imposera-t-elle à toutes les institutions de l'Union européenne ? Quid des États membres qui continueront de décider à l'unanimité de la politique étrangère et de défense, et dont les principaux - la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne - n'entendent pas renoncer à leur autonomie en la matière ?

La réduction du nombre des membres de la Commission aux deux tiers du nombre des États membres à partir de 2014 n'est pas, elle non plus, sans soulever quelques problèmes, bien que ce soit, à mes yeux, une très bonne chose.

La réforme atteindra-t-elle son but, qui est de restituer à la Commission son autorité en tant que gardienne des traités et force d'impulsion pour l'Union ? En application de la rotation égalitaire de ses membres, les grands États comme la France, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, ne seront représentés à la Commission que pendant cinq ans tous les quinze ans. D'importantes décisions les concernant seront donc prises en leur absence. Les accepteront-ils sans discuter ? Ne faudra-t-il pas, tout en conservant le principe d'une Commission resserrée, réexaminer le mode de désignation de ses membres ?

On pourrait, par exemple, poussant plus loin le renforcement déjà engagé des pouvoirs du président, envisager de lui confier l'entière responsabilité de la composition de la Commission. C'est à lui qu'incomberait alors la tâche délicate de choisir les commissaires, en tenant compte de leur origine géographique et de leurs capacités personnelles, ainsi que des attentes de la majorité du Parlement européen.

Mes chers collègues, toutes ces questions que j'ai soulevées afin de vous faire part des interrogations que le traité pose au moment de son application, la présidence française de l'Union, qui s'exercera lors du second semestre de cette année, devra les examiner et trancher un certain nombre d'entre elles pour que le traité de Lisbonne puisse entrer en vigueur le 1er février 2009 si, à cette date, comme il est permis de le penser, tous les pays l'ont ratifié.

Le traité de Lisbonne dote l'Union des moyens qui permettent à une Europe élargie de fonctionner et de progresser. C'est ce que l'on attendait de ce texte. Mais rien n'est définitivement acquis. Beaucoup dépendra, comme toujours, des hommes et des circonstances.

Considérons les hommes d'abord. Si ceux qui président le Conseil européen, la Commission, le Conseil des ministres et le Haut représentant poursuivent en bonne intelligence les mêmes objectifs et s'assurent du soutien du Parlement européen, l'Union, en dépit du nombre de ses membres, répondra aux espoirs que les opinions placent en elle.

Si, au contraire, les innovations institutionnelles du traité de Lisbonne débouchaient sur des rivalités internes, ce qui n'est ni probable ni impossible, l'Union trébucherait. D'autres réformes plus audacieuses deviendraient alors nécessaires, telles que la création d'une présidence unique rassemblant les trois présidences mises en place par le traité de Lisbonne.

Les circonstances, elles aussi, pèseront d'un grand poids, comme elles l'ont toujours fait. Les progrès de la construction européenne ont toujours répondu aux défis intérieurs ou extérieurs auxquels l'Union était confrontée. Le traité de Rome répondait au défi que constituait l'échec de la Communauté européenne de défense, la CED. L'Acte unique répondait à la prise de conscience de la fragmentation de l'espace économique communautaire, que l'union douanière n'avait que partiellement unifiée. Le traité de Maastricht et la création de l'euro relevaient un double défi : celui de la réunification de l'Allemagne - terrible défi - et celui de l'instabilité monétaire engendrée par les fluctuations du dollar.

Les défis qui, demain, attendent l'Union européenne à vingt-sept sont considérables. Il y a la menace politique du fondamentalisme islamique avec, en perspective, un possible choc des civilisations. Il y a la menace économique, que constitue la concurrence de l'Asie avec les délocalisations dont elle menace notre continent.

Mes chers collègues, ces défis, et bien d'autres sans doute, l'Union ne les relèvera que si, tout en restant fidèle à sa devise « unis dans la diversité », elle met l'accent sur l'unité plus que sur la diversité.

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