... le contenu du traité constitutionnel, qui était sorti par la porte du référendum !
Si, malheureusement, l'Europe se construit sans les peuples, on risque d'encourager la méfiance qui se manifeste en France à chaque élection européenne. L'abstention dans notre pays est trois fois plus forte aux élections européennes qu'aux élections présidentielles.
C'est également le cas dans d'autres pays. Par exemple, en Bulgarie, lors des dernières élections européennes, en mai 2007, le taux de participation s'est élevé à 29 %. Le déficit démocratique est donc bien présent.
Peut-on y remédier, mes chers collègues, en passant subrepticement sur la décision du peuple et en adoptant un traité, certes compliqué, mais qui nous ressert la même « sauce » que le traité constitutionnel ?
En réalité, pour reprendre l'expression qu'a utilisée Hubert Védrine dans son livre, que vous avez sûrement lu, Continuer l'Histoire, il me semble que nous avons manqué une grande occasion, celle d'une triple clarification : clarification sur les pouvoirs entre le centre et la périphérie, entre les États membres et l'Union européenne ; clarification sur les frontières ; surtout, clarification sur le projet.
Je commencerai par la clarification sur les pouvoirs et sur les institutions.
Quand on lit la presse étrangère, on constate que tous les Gouvernements des pays où l'on a voté « oui » affirment que le nouveau traité est le même que le traité constitutionnel ! Ce texte, tout comme le traité constitutionnel, n'a qu'un seul objectif : renforcer la logique fédérale.
Tous les éléments constitutifs d'un super-État européen en devenir sont là : la personnalité juridique, le fait que désormais l'Union existe distinctement des État qui l'ont créée, la primauté du droit communautaire, y compris sur nos constitutions, encore une fois réaffirmée par le biais de la jurisprudence de la Cour de justice.
Il y a toujours plus de domaines de compétence dans lesquels les décisions sont prises suivant la règle de la majorité et non plus suivant la règle de l'unanimité. Nous sommes en train de construire une Europe boulimique.
Certes, je reconnais que l'Europe est légitime dans des domaines où les États restent impuissants, soit parce qu'il s'agit de domaines de dimension transnationale, soit parce que, en vertu du principe de subsidiarité, un certain nombre de problèmes doivent être traités à un échelon supérieur.
Mais, toujours aller dans le sens de l'abandon de souveraineté, c'est vouloir construire un certain type d'Europe, une forme d'Europe fédérale.