Intervention de Bruno Retailleau

Réunion du 7 février 2008 à 21h30
Traité de lisbonne — Adoption définitive d'un projet de loi

Photo de Bruno RetailleauBruno Retailleau :

Les éléments constitutifs d'un État fédéral sont la monnaie, un service diplomatique. Au demeurant, on aura beau avoir un service diplomatique commun, ce n'est pas demain que le Royaume-Uni et la France partageront la même vision des rapports avec les États-Unis !

Les États européens du Nord ne sont pas près d'avoir la même conception de la politique méditerranéenne, cher Jacques Blanc. Il se passera également du temps avant qu'un Polonais ait la même préhension qu'un Allemand ou un Français du rapport avec la Russie.

Donc, on peut construire en commun et faire fonctionner l'Europe, mais, un jour ou l'autre, les réalités créées par l'histoire, par la géographie, celles qui sont dans le coeur des peuples s'imposeront. Aujourd'hui, l'intérêt communautaire triomphe provisoirement : il n'y a plus, mes chers collègues, d'intérêt national, il n'y a plus que des égoïsmes nationaux qu'il faut absolument combattre.

J'ai entendu dire tout à l'heure qu'il fallait entreprendre des réformes dans notre pays. Certes, elles sont nécessaires, mais pour qu'elles soient portées, un élan est indispensable. On met un peuple en mouvement non pas en lui proposant d'augmenter la croissance de 1 %, mais parce qu'il a le sentiment d'une appartenance commune. S'il accepte de se « serrer un peu la ceinture », c'est parce qu'il a le souci des générations futures et peut-être aussi parce qu'il pense aux générations précédentes.

Il n'y a pas de clarification non plus sur les frontières.

L'Europe se détache des peuples, mais elle se détache aussi de tout territoire particulier. Les critères de Copenhague sont bien impuissants, mes chers collègues, à projeter sur la moindre carte du continent une délimitation, même si on ajoute le critère de la capacité d'absorption.

Le problème de la Turquie est pendant. Les mécanismes que vous allez voter tout à l'heure auraient pour conséquence, si, un jour, la Turquie était intégrée à l'Union, que le pays le moins européen serait celui qui pèserait le plus, peut-être avec l'Allemagne, au sein du Conseil, au Parlement européen, et sans doute aussi celui qui nous coûterait le plus cher en matière d'intégration.

Ce problème turc, vous l'avez posé, monsieur le secrétaire d'État, puisque vous remettez en cause l'article 88-5 de la Constitution - chaque opinion est respectable - que Jacques Chirac avait imaginé pour nous convaincre que les deux questions, celle de la Constitution et celle de la Turquie, étaient séparées.

À l'époque, je n'avais pas, bien entendu, voté cette révision constitutionnelle. Mais faut-il croire que, demain, une nouvelle révision constitutionnelle interviendra, visant à supprimer cet article ? Peut-être nous l'indiquerez-vous, mais il faut le dire au peuple ; il convient de jamais agir de façon détournée.

La réalité, c'est la question des frontières : il faut dire ce qu'est l'Europe, où elle commence et où elle finit. Je crois que cette incertitude est à la base d'un certain nombre d'incompréhensions.

La troisième clarification qui fait défaut, malheureusement, concerne le projet européen. Quelle Europe voulons-nous ? Une Europe anglo-saxonne, simple zone de libre-échange ?

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