Mais où va-t-on ? C'est nous qui sommes responsables de cette situation ; on ne peut pas à la fois déplorer les effets et renchérir les causes.
On ne nous dit pas où l'on va, ni comment on y va. De mécanisme en machinerie institutionnelle, on voit bien se profiler, en filigrane, une unité en devenir, qui doit rester confidentielle, en tout cas dans une prudente indécision au sens étymologique : « Y penser toujours, n'en parler jamais » !
Longtemps, on a cru que l'union économique permettrait de forger l'union politique. Comme l'a écrit Ernest Renan, un Zollverein n'a jamais fait une patrie.
Il a donc fallu changer de méthode et, depuis quelques années, on tente de dépasser le fait national par le droit, un peu comme Jürgen Habermas et son « patriotisme constitutionnel. » Certes, mais les hommes ne sont pas uniquement des êtres de raison ; ils ont une histoire, ils tendent vers une destinée commune, ce ne sont pas des monades totalement désincarnées !
Le point d'inflexion de l'Europe, cette Europe technocratique telle qu'elle apparaît aujourd'hui, se situe aux environs de Maastricht. Pendant une longue période, les États nations et l'Europe se sont développés de façon assez harmonieuse, en tout cas dans un concert mutuel. Puis, un infléchissement s'est produit et, progressivement, l'instrument s'est détaché des corps nationaux. La créature a pris vie et s'est détachée de ses créateurs.
On ne peut pas créer un destin commun en se fondant exclusivement sur des mécanismes institutionnels et juridiques ; il y faut un grand élan collectif. C'est la raison pour laquelle je voterai contre le projet de loi autorisant la ratification du traité de Lisbonne.