Il serait illusoire de présenter le traité de Lisbonne comme une sorte de panacée. Il comporte des dispositions positives, mais nombre d'autres qui sont insuffisantes ; par conséquent, il faut faire un choix.
Les sénateurs socialistes, fidèles à une longue histoire européenne constitutive de leur identité, ont estimé que ce nouveau traité contenait des avancées significatives qui justifient un vote positif de leur part, du moins de la grande majorité d'entre eux, comme viennent de le faire les députés socialistes.
Comme en 2005, les socialistes se sont à nouveau divisés sur la question européenne. Pourtant, le traité qui nous est proposé n'est plus une « constitution ». Il se borne à modifier les traités existants, en permettant un fonctionnement de l'Union à vingt-sept dans des conditions meilleures qu'auparavant. Ces dispositions, reprises pour l'essentiel du défunt traité constitutionnel, n'avaient pas soulevé alors d'oppositions majeures.
S'agissant du mode de ratification de ce traité, le parti socialiste et sa candidate à l'élection présidentielle de 2007 avaient souhaité un référendum ; le candidat qui est devenu Président de la République souhaitait le contraire, on s'en souvient. Les parlementaires socialistes ont soutenu, la semaine dernière au Sénat et hier à l'Assemblée nationale, une motion référendaire qui a été rejetée par les deux assemblées. Cette question est donc derrière nous.
Aujourd'hui, l'important est de savoir si les avancées contenues dans le traité modificatif répondent aux besoins immédiats de l'Union européenne. En tant que socialiste, j'ai toujours inscrit mon action politique dans la perspective européenne. Ainsi, en 1983, alors que j'étais Premier ministre, il était tentant de quitter l'Europe en sortant du système monétaire européen, le SME. J'ai convaincu François Mitterrand de renoncer au repli sur soi. Il s'est rallié à la position que je défendais et on connaît la suite.
Aujourd'hui, j'ai la conviction que, malgré ses manques, le traité de Lisbonne renforce la démocratie au sein de l'Union européenne et peut remettre sur les rails le projet européen. Telle est ma conviction, partagée par la majorité du groupe socialiste du Sénat.
Les Européens ont donc un nouveau rendez-vous avec leur avenir. À chaque étape de la construction européenne, les socialistes, parfois majoritaires, parfois minoritaires, ont toujours eu l'intelligence, avec d'autres, d'en être partie prenante. Car l'Europe est partie intégrante de l'identité des socialistes : Jean Jaurès, Léon Blum, François Mitterrand ont toujours porté un message européen, et nous ne l'avons pas oublié.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je pense souvent à la belle phrase de Léon Blum : « Faire l'Europe en pensant au monde ». Plus que jamais, dans le monde globalisé que nous connaissons depuis la chute du mur de Berlin en 1989, quel destin une puissance moyenne comme la France peut-elle espérer se forger seule ?