Tout parlement national pourra s'opposer à la procédure de révision simplifiée des traités. En outre, l'Assemblée nationale ou le Sénat pourront s'adresser directement aux institutions européennes lorsque des projets d'acte leur paraîtront en contradiction avec le principe de subsidiarité. Cette prérogative permettra à une majorité de parlements nationaux de s'opposer à une proposition de la Commission européenne qui empiéterait sur les compétences des États membres.
Par ailleurs, une possibilité de recours devant la Cour de justice des Communautés européennes sera ouverte, qu'il conviendra d'utiliser avec discernement, le principe de subsidiarité ne devant pas servir de prétexte pour mettre en échec la construction européenne.
Avec ce traité, la légitimité de la construction européenne sera élargie et renforcée, et nous devons nous en féliciter. Ces progrès contribuent à démocratiser l'Europe et à développer une véritable vie politique européenne, à laquelle nous avons le devoir de participer et que nous devons animer.
Je crois utile de rappeler que, pour la première fois, l'Union européenne se fixe pour objectif de protéger ses citoyens dans le cadre de la mondialisation. Ce point a été évoqué par un certain nombre d'entre nous, notamment par M. Jean François-Poncet. Les préoccupations exprimées par les Français ont été entendues.
La concurrence ne sera plus un objectif en soi pouvant fonder les politiques de l'Union européenne, mais elle sera utilisée comme un outil au service des consommateurs. Nous verrons bien quelle sera l'évolution de la jurisprudence des juridictions européennes à cet égard.
Une autre mesure prévoit que les services publics seront protégés par un protocole ayant même valeur que les traités, et une clause sociale générale impose de prendre en compte des critères sociaux dans la mise en oeuvre de l'ensemble des politiques de l'Union européenne.
Enfin, s'agissant des avancées nouvelles, je veux insister sur les progrès que comporte le traité en matière de politique étrangère et de sécurité commune, au service d'un accroissement du rôle de l'Europe dans le monde. Cela a été nettement mis en lumière par M. de Rohan.
Le traité de Lisbonne ne représente pas le traité idéal dont beaucoup d'Européens rêvent, et il est, sous quelques aspects, en retrait par rapport au projet constitutionnel issu des travaux de la Convention européenne, mais il a le mérite d'exister. Il résulte d'une négociation difficile et représente le maximum atteignable dans les circonstances actuelles. C'est dans les situations de ce genre que l'on peut distinguer ceux qui souhaitent faire progresser l'unité européenne et ceux qui préfèrent le succès de leurs thèses et de leurs intérêts.
Soutenir ce traité est d'autant plus nécessaire que le chemin menant à son entrée en vigueur n'est pas simple. La ratification n'est pas encore acquise partout, et la mise en oeuvre des réformes institutionnelles comporte pas mal de pièges, comme l'a rappelé dans son rapport notre collègue Jean François-Poncet.
À côté des incertitudes - très relatives - sur la ratification du traité de Lisbonne, le vrai problème concerne à mon sens la mise en oeuvre des réformes institutionnelles introduites. Leur application soulève un certain nombre de difficultés, que nous allons devoir analyser rapidement. Ce travail incombera en grande partie à la présidence française de l'Union européenne.
Ce n'est pas un hasard si le Conseil européen a décidé que les « travaux techniques » sur la mise en oeuvre des dispositions institutionnelles du traité de Lisbonne « commenceront à Bruxelles en janvier sur la base d'un programme de travail qui sera présenté sous l'autorité du futur président du Conseil européen », c'est-à-dire le Premier ministre slovène. Les chefs d'État ou de gouvernement avaient ainsi reconnu que les innovations institutionnelles, ou du moins certaines parmi elles, impliquent des difficultés ou suscitent des problèmes qui méritent réflexion.
L'un des aspects essentiels des innovations institutionnelles tient à la création d'une présidence durable du Conseil européen. Elle a été accueillie en général de façon positive, y compris par le Parlement européen, mais des craintes existent toujours que le président de longue durée ne se dote, pour préparer les sommets, d'une structure nouvelle à caractère intergouvernemental, en dehors des institutions communautaires.
Nous verrons à l'expérience, mais il est d'une importance majeure de consacrer l'année 2008 à la mise en oeuvre de ces changements avant d'envisager d'autres chantiers, qui ne font pas l'unanimité dans l'Union européenne et dont l'ouverture pourrait se révéler une erreur en raison d'un pilotage déficient. Je pense bien sûr ici, vous l'avez compris, au projet d'Union méditerranéenne. L'initiative française a eu le mérite de relancer le débat et de placer les relations euro-méditerranéennes au centre de l'actualité. C'est loin d'être négligeable, mais, de toute évidence, la politique méditerranéenne est une question européenne, qui doit être traitée dans l'intérêt de tous.
Tout devra donc être préparé en temps utile afin que les innovations décidées se concrétisent dans de bonnes conditions. Nous devons regarder en avant. Il y va de la réussite de la future présidence française de l'Union européenne.