Cependant, la liberté, comme bien d'autres choses, ne s'use que si l'on ne s'en sert pas.
C'est une question grave, importante, pour l'avenir de notre patrie républicaine et de notre continent qui nous est posée. Chacun est sous l'empire de sa conscience : il doit dire ce qu'il croit indispensable pour tâcher de convaincre, dire ce qui lui paraît juste et digne pour l'intérêt général.
Vous connaissez la prémisse de mon raisonnement : le peuple ayant, en 2005, par voie de référendum, refusé un texte qui se retrouve pour l'essentiel dans le présent traité, le Parlement n'a pas à démentir ce que le peuple avait alors tranché directement.
Que M. le rapporteur le comprenne bien : nul d'entre nous n'estime que le Parlement ne serait pas légitime à délibérer de quoi que ce soit.
Je crois pouvoir dire que je m'exprime également au nom de mes camarades communistes : nous n'avons jamais dit que le Parlement n'était pas légitime. Nous estimons que, la décision initiale sur ce sujet ayant été prise par référendum, si elle doit être reconsidérée, elle doit l'être par référendum. Nous jugeons en effet que la méthode participe du processus de construction européenne, qui souffre d'un grave déficit démocratique, et que la méthode par laquelle se construit l'Europe compte donc autant que le fond. D'une certaine façon, la forme, c'est déjà du fond.
Je vais à présent développer mes arguments sur le fond, c'est-à-dire sur le contenu du traité.
M. le secrétaire d'État nous a dit que nous devions approuver ce traité parce qu'il favorisera l'émergence d'une Europe plus démocratique. Nous sommes profondément sceptiques ; à dire vrai, nous ne le croyons pas.
La méthode, elle-même, est très inquiétante : le traité constitutionnel avait au moins l'avantage d'avoir été préparé par une convention et d'avoir donné lieu à des débats fort longs - ils ont duré près de deux ans -, avec des étapes intermédiaires et la création d'un site Internet qui en rendait compte.
Or, s'agissant du présent traité, n'était le plaisir d'avoir rencontré, lors des réunions des commissions ad hoc, tel ou tel responsable gouvernemental, nous n'en avons pas eu entre les mains une version consolidée avant le mois de novembre. Je rappelle que ce texte avait connu auparavant trois états de rédaction différents. Je le sais d'autant mieux que j'ai essayé de les suivre.
Ce n'est pas ce que l'on peut appeler une bonne préparation informée pour une discussion sérieuse.
De votre côté, monsieur le rapporteur, vous nous assurez que le présent traité ne reprend que la première partie du texte initial. Je comprends pourquoi vous le dites : le Président de la République avait affirmé qu'il ne procéderait à une ratification par voie parlementaire que si le texte était simplifié et concernait les seules parties institutionnelles.
Il s'était d'ailleurs arrogé au passage le privilège d'interpréter le vote négatif des Français. C'était tout de même assez étrange, mais admettons !
Quoi qu'il en soit, il ne s'agit pas d'un texte simplifié et il ne concerne pas que la partie institutionnelle, bien que vous ayez affirmé à deux reprises qu'il n'avait trait qu'à l'organisation des institutions.
Je relève là deux contradictions.
La première tient aux faits : 198 des 356 amendements modifient les textes antérieurs. Les textes antérieurs ne sont pas maintenus dans leur rédaction d'origine ; ils sont repris tels qu'ils ont été modifiés. Ils constituaient déjà l'ex-troisième partie du traité constitutionnel. Voilà pourquoi cette dernière figure toujours dans le traité de Lisbonne.